Le barrage de Kadjala, construit entre 1986 et 1987 dans le cadre d’un projet FED est un barrage collinaire de 2,5 ha dont la capacité est d’environ 62 500 m3. Cet ouvrage en terre est aménagé pour fournir de l’eau aux villageois, au bétail et pour pratiquer les cultures de contre-saison. Malgré la sédimentation et les divers prélèvements, cette retenue présente sur toute l’année un plan d’eau permanent, contrairement à certains barrages collinaires construits dans le nord du Togo. Qu’est-ce qui peut expliquer ce bilan hydrologique du barrage après 36 ans de mise en service ? Pour comprendre le bilan hydrologique du barrage de Kadjala, il était important d’analyser la dynamique hydrosédimentaire de ce barrage à travers l’étude de l’érosion à l’échelle du bassin versant et celle des sédiments corrélatifs dans la cuvette. L’atteinte de cet objectif a nécessité le calcul de la dégradation spécifique, l’analyse de la distribution sédimentaire, l’estimation du volume sédimentaire et l’enquête sociologique pour identifier les usages et faire le bilan hydrologique de la retenue. Les résultats montrent que la dégradation spécifique estimée à 236 t/km2/an met en mouvement, à l’échelle du bassin versant, une quantité de sédiments égale à 519 t/an soit un volume sédimentaire de 1038 m3/an. L’épaisseur moyenne des sédiments dans la cuvette égale 1,28 m donne un volume estimé à 32 000 m3 qui a réduit de 51,2% le volume d’eau du barrage en 36 ans. La réduction annuelle du volume d’eau est de 1,42% et la capacité actuellement du barrage en fin de saison sèche est d’environ 26 990 m3. Le faible taux de réduction du volume d’eau par sédimentation et le faible volume d’eau prélevé annuellement sont les facteurs qui expliquent la permanence de l’eau dans ce barrage.
The Kadjala dam, constructed between 1986 and 1987 as part of an EDF project, is a 2.5-hectare hillside dam with a capacity of approximately 62,500 cubic meters. This earthen embankment, has been designed to provide water to villagers, livestock, and support off-season cultivation. Despite sedimentation and various withdrawals, this reservoir maintains a permanent water body throughout the year, in contrast to certain hillside dams built in northern Togo. What factors can explain this hydrological balance of the dam after 36 years of operation? To comprehend the hydrological balance of the Kadjala dam, it was essential to analyze the hydrosedimentary dynamics through studying erosion at the watershed scale and examining the corresponding sediments in the basin. The achievement of this objective required the calculation of the specific degradation rate, the analysis of sediment distribution, the estimation of the sedimentary volume, and a sociological survey to identify the uses and assess the hydrological balance of the reservoir. The results reveal that the estimated specific degradation rate of 236 t/km²/year sets in motion, at the watershed scale, an amount of sediment equivalent to 519 t/year, representing a volume of 1038 m³/year. The average thickness of the sediment in the basin equals to 1.28 meters yield an estimated volume of 32,000 m³, which has reduced the water volume of the dam by 51.2% over 36 years. The annual reduction rate of water volume is 1.42%, and the current capacity of the dam at the end of the dry season is approximately 26,990 m³. The low rate of water volume reduction due to sedimentation and the modest annual water withdrawal volume are factors explaining the continuous water presence in this dam.
Introduction
Le problème auquel font face les promoteurs de retenues de barrages est leur envasement qui compromet les objectifs pour lesquels elles sont aménagées. De nombreux auteurs dans les pays du Maghreb (J. ALBERGEL et al., 2004, p. 473) ; A. BADRAOUI et A. HAJJI, 2009, p. 73 ; T. MANSOURI, 2001, p. 132 ; B. REMINI, 2000, p.167) ont relevé ce phénomène d’envasement des retenues et son corolaire de réduction du volume d’eau desdites retenues. En Afrique subsaharienne et plus précisément au Burkina Faso, D. PIQUEMAL (1991, p. 267) signale des cas d’assèchement de retenues de barrages de faible capacité.
Au Togo, ce phénomène a été étudié par D. BAWA (2012b) et Y. B. TOKO respectivement dans le barrage de la Kozah au nord et dans celui de Kpimé au sud-ouest. Toujours au Togo, D. BAWA (2023) a fait cas de l’assèchement de la retenue de Djapiéni dans l’extrême nord. A contrario, d’autres barrages collinaires au nord du Togo font preuve d’une résilience caractérisée par la permanence d’un plan d’eau durant toute l’année. Au nombre de ces petits barrages figure celui de Kadjala qui fait l’objet de la présente recherche. Bien que localisé dans un cadre géographique aux conditions climatiques quasi-identiques (climat soudanien), la retenue de Kadjala n’est jamais à sec en saison sèche, contrairement à la plupart des retenues prématurément colmatées par les sédiments charriés par les cours d’eau qui les alimentent (L. KANKPENANDJA et al., 2012, p. 325). C’est dans le but de comprendre les raisons de la permanence de l’eau dans la retenue de Kadjala alors que certaines sont à sec que la présente recherche est initiée.
Construite entre 1986 et 1987 par le projet FED, le barrage collinaire de Kadjala est situé dans le nord-ouest du Togo, entre 9° 47’ 43.19" et 9°48’ 28.06" de latitude nord et 0° 57’ 56.18" et 0° 58’ 28.76" de longitude est (figure 1). Cet ouvrage hydraulique dont la digue est en terre compactée a une capacité de 62 500 m3 pour une superficie de 2,5 ha.
Il est destiné à la fourniture d’eau à la population de Kadjala pour les usages domestiques, au bétail et pour le maraîchage. Le cours d’eau sur lequel est construit ce barrage a un régime hydrologique intermittent ; c’est la rivière Naounan qui draine un bassin versant de 2,2 km2.
Le cadre morphologique est une plaine d’altitude moyenne de 250 m qui résulte d’un processus d’aplanissement d’âge Néoprotérozoïque à Mio-pliocène à sa phase d’achèvement (D. BAWA, 2012a, p. 157). Cette plaine est dominée par des collines de forme convexe qualifiées de « dos de tortue » par P. AFFATON (1987, p. 198) et des collines ruiniformes.
Figure 1 : Carte de localisation de la zone d’étude
Source : Réalisée à partir d’un fond de carte du Togo et de la carte topographique d’Atalotè au 1/50 000.
La structure géologique de la zone de recherche est une partie septentrionale du synclinorium de Tchatchaminadè (D. BAWA, 2012a, p. 86). Cette structure synclinoriale façonnée dans les schistes de Kanté comporte des structures anticlinales en roches quartzitiques et/ou gréso-quartzitiques et synclinales élaborées dans les schistes. Les failles multidirectionnelles sont les points d’ancrage de cours d’eau saisonniers alimentés par les pluies qui durent 6 mois (mai à octobre) après une saison sèche de même durée (novembre à avril). La température moyenne annuelle est de 28°, les maximas varient de 35 à 38° et les minimas de 18 à 22%.
La végétation est une savane arborée annuellement ravagée par les feux de végétation allumés souvent volontairement par les paysans dans le cadre de la préparation des champs et/ou par les éleveurs pour favoriser la repousse de nouvelles herbes pour leur bétail. Ces activités anthropiques sont à l’origine de la dégradation mécanique des sols qui dans l’ensemble sont des sols ferrugineux. Ils ont un aspect squelettique et pauvres sur l’ensemble de la zone et relativement épais et fertiles sur les topographies en pente faible en l’occurrence en bordure des cours d’eau. C’est ce qui a motivé la construction du barrage de Kadjala dont l’un des objectifs est de permettre à la population de pratiquer les cultures de contre-saison, afin de compenser le manque à gagner dû à l’irrégularité des pluies et à l’appauvrissement des sols.
L’objectif de cette recherche est de faire un bilan hydrosédimentaire de la retenue de barrage de Kadjala, afin de comprendre les raisons qui expliquent la permanence de son plan d’eau dans un cadre géographique où plusieurs autres retenues sont à sec en saison sèche. Pour ce faire une démarche méthodologique s’est avérée nécessaire.