En Côte d’Ivoire, jadis marginalisé dans la distribution de l’énergie hydro-électrique, le monde rural est actuellement convoité par des structures d’énergie afin de satisfaire ces dits besoins. A l’instar des départements sis dans le Haut-Sassandra, Zoukougbeu a des activités rurales restant encore liées aux sources traditionnelles d’énergie. Avec un taux de couverture national du monde rural de 13%, celui du dit département n’avoisine seulement que 2,65% (CIE, 2021). Cette étude vise alors à énumérer les déterminants de l’accès de ce service énergétique du monde rural. Pour ce faire, la méthodologie s’est appuyée sur une recherche documentaire puis, l’acquisition des données statistiques de l’Institut National de la Statistique (INS) et celles de la Compagnie Ivoirienne de l’Électricité (CIE). L’enquête de terrain a été aussi indéniable pour les différentes articulations de ce travail de réflexion. Les résultats révèlent une inégale répartition spatiale de l’accès aux services énergétiques. Ainsi, le bois de chauffe, le charbon de bois, les lampes à piles, sont les principaux modes d’alimentation et d’éclairage domestiques dans ledit département. L’explosion du système photovoltaïque dans les localités non-électrifiées sous-tend la nécessité de l’énergie dans les activités du monde rural : éclairage domestique et alimentation pour les appareils électroniques.
In Côte d’Ivoire, once marginalized in the distribution of hydroelectric energy, the rural world is currently coveted by energy structures in order to meet these so-called needs. Like the departments located in Haut-Sassandra, Zoukougbeu has rural activities that are still linked to traditional sources of energy. With a national rural coverage of 13%, that of the said department is only around 2.65% (CIE, 2021). This study therefore aims to list the determinants of access to this energy service in rural areas. To do this, the methodology was based on documentary research and then the acquisition of statistical data from the National Institute of Statistics (INS) and those from the Ivorian Electricity Company (CIE). The field survey was also undeniable for the different articulations of this work of reflection. The results reveal an uneven spatial distribution of access to energy services. Thus, firewood, charcoal, battery-powered lamps, are the main modes of household power and lighting in the said department. The explosion of the photovoltaic system in non-electrified localities underlies the need for energy in rural activities: household lighting and power for electronic devices.
Introduction
Les services énergétiques sont des offres d’une vaste gamme de solutions énergétiques dont le but principal est de réaliser des économies d’énergie (G. TCHATAT, 2014, p.71). Cette vaste gamme se manifeste à travers la chaleur, l’éclairage, le froid et la force motrice. Ces services permettent d’améliorer les conditions de vie et le développement humain. Il s’agit aussi de lutter contre la pauvreté, la déforestation et le réchauffement climatique. Ces différentes offres énergétiques concordent avec les objectifs majeurs des Objectifs du Développement Durable (ODD). Cependant, l’accès à l’énergie est inégalement réparti dans le monde, en particulier en Afrique de l’Ouest où le taux d’accès à l’électricité est inférieur à 10% dans le milieu rural (PNUD/PREP, cité par M. N’GUESSAN, 2012, p.4). Cette source d’énergie reste et demeure l’apanage des citadins, singulièrement des ménages des grandes agglomérations. Dans ces zones urbaines, la biomasse contribue 70% pour satisfaire leurs besoins énergétiques de base, notamment pour la cuisson de mets et le chauffage (PNUD/PREP, cité par M. N’GUESSAN, 2012, p.4).
En Côte d’Ivoire, l’accès à l’électricité est tributaire à la question de la disparité des services énergétiques entre le milieu urbain et la campagne. En effet, le taux d’accès à l’électricité du monde rural est de l’ordre de 13% contre 87% pour les citadins (M. N’GUESSAN, 2012, p.32). Malgré les risques liés la sécurité et la sûreté des biens et personnes, certains ménages du monde rural s’adonnent à la sous-location d’électricité (PNUD/PREP, cité par M. N’GUESSAN, 2012, p.4). D’ailleurs, l’accès à l’énergie induite par les produits pétroliers est quasi-inexistant faute d’un approvisionnement adéquat, voire le coût élevé de ces produits portuaires. Ainsi, l’usage du bois de feu, du charbon de bois, des torches à énergie et des panneaux solaires, concourt à la satisfaction de ces besoins élémentaires.
Dans la région du Haut-Sassandra, le département de Zoukougbeu présente cette disparité en équipements pour l’acquisition de cette source d’énergie hydro-électrique. En effet pour un total de 45 villages seuls 23 disposent des installations pour satisfaire ces besoins. Or, les 22 localités rurales non-électrifiées présentent un important volume démographique puis, avec une régularité d’activités. En effet, cet effectif oscillant entre 513 et 3 390 habitants (INS, 2014), a des activités agricoles tributaires de ces besoins élémentaires, avec un taux comptable à l’électricité de 2,65% (CIE Daloa, 2018). Pour la campagne 2013-2014, il s’agit de la commercialisation de 383 tonnes de café, de 958 tonnes de cacao (Conseil Café-Cacao, 2015) puis, de 712,59 tonnes de vivriers pour la ville (Anader de Daloa, 2016). Par ricochet, la réflexion relative au faible accès des services énergétiques en milieu rural, vise à analyser les déterminants des services énergétiques du milieu rural voire, identifier la répartition des sources énergétiques puis, à analyser le mode d’accès des services énergétiques dans ces localités rurales.
1.Matériel et Méthodes
1.1.Présentation de la zone d’étude
Situé dans le Centre-Ouest de la Côte d’Ivoire, Zoukougbeu est l’un des quatre départements de la région du Haut-Sassandra. Il est limité au Nord par le département de Vavoua, à l’Ouest par ceux de Duékoué et de Bangolo, à l’Est par le département de Daloa et au Sud par celui d’Issia (figue n°1). Il couvre une superficie de 1 595 km2, soit 0,44% du territoire national. Cette entité compte 110 514 habitants répartis dans quatre sous-préfectures (Domangbeu, Grégbeu, Guessabo et Zoukougbeu), ou 45 villages et 2 713 campements. La ville de Zoukougbeu étant le chef-lieu du dit département, est distante de 47 km de Daloa puis, de 172 km de Yamoussoukro.
1.2.Technique de collecte des données
La collecte des données s’est faite en deux étapes : la recherche documentaire et l’enquête de terrain. La recherche documentaire s’est déroulée du 10 janvier au 15 février 2019. L’enquête de terrain s’est effectuée quant à elle du 25 juin au 20 juillet 2021 pour actualiser les premières données. La recherche documentaire s’est appuyée sur une synthèse de la littérature relative aux services énergétiques. Les travaux universitaires et les rapports d’étude puis, le réseau d’internet ont été utiles pour la compréhension du sujet de réflexion. Excepté l’acquisition de connaissances théoriques, des données et informations de certaines structures étatiques ont aussi été consultées. Il s’agit de la carte routière de la Côte d’Ivoire au 1/1 060 000 et celle de la région du Haut-Sassandra au 1/250000 éditée par le Cabinet d’Expertise en Système d’Informations Géographiques (CESIG) en 2014. Ces cartes ont été indéniables pour repérer et identifier les localités rurales. Quant aux documents statistiques édités par l’Institut National de la Statistique de 2014, ils ont permis de calculer le nombre de ménages des localités rurales.
Ils ont encore servi pour obtenir le taux de couverture électrique[1] et le taux d’accès à l’électricité[2].
L’enquête de terrain a permis d’observer directement les différents types de sources d’énergie, utilisées par les ménages du monde rural du dit département. Le nombre de maisons ou de cases, a aussi permis de dénombrer dans les campements cibles. Cette investigation a permis de connaître le nombre de ménages dans chaque campement. Une enquête auprès des chefs de ménage a été faite pour identifier les services énergétiques. Pour cette étape, la méthode par quota sur la base des données de l’INS de 2014, est utilisée. Il s’agit d’un échantillon de 5% des chefs de ménages ; soit un total de 292 chefs de ménages interrogés selon les caractéristiques socio-économiques : sexe, âge, profession, niveau d’étude. Quant au choix des villages, il s’est fait sur la base de variables de contrôle choisies : localité dotée d’une école primaire, statut électrique, accessibilité. Au total, 11 localités rurales ont été retenues dont 05 connectés au réseau national de l’électricité, 01 équipé en panneau soleil (Dèbo 1), 01 en cours d’électrification (Dèdègbeu) et 04 non-électrifiées pour l’enquête (tableau 1).
2.Résultats
2.1. Un accès inégal à l’énergie dans les ménages dans le département de Zoukougbeu
2.1.1. Les besoins des ménages en sources d’énergie électrique
En Côte d’Ivoire, les activités conjointes des centrales thermiques et des barrages hydroélectriques, concourent à satisfaire les besoins en électricité des populations. L’accès des ménages ruraux à ce type d’énergie se fait par le biais des réseaux interconnectés. Cette forme d’accès à l’électricité a débuté en milieu rural ivoirien depuis 1972 avec la mise en activité du barrage hydro-électrique de Kossou. Cet ouvrage avec une production de 174 MW, a permis à l’Énergie Électrique de Côte d’Ivoire (EECI) d’électrifier 477 localités dont 433 villages. Pour l’électrification de ces 433 localités rurales, celles du département de Zoukougbeu, ont été marginalisées. Mais en 1997, ledit département est connecté au réseau national avec la présence d’électricité dans les localités de Guessabo et de Zoukougbeu. Il s’agit actuellement de 30 localités rurales loties dont 27 sont électrifiées puis, et 2 en cours d’électrification sur un total de 45 villages. Le taux de couverture électrique est ainsi de 60,00% pour le département de Zoukougbeu. Cet apport d’électricité reste inégalement réparti sur l’ensemble de ce territoire départemental. En fait, dans la zone d’étude, les sous-préfectures de Zoukougbeu et Guessabo sont entièrement électrifiées (100%) (Figure 2). Elles sont suivies de celle de Grégbeu (77,78%). Cette inégale répartition de la couverture électrique est liée aux critères géographiques et économiques. En effet, les localités traversées par la ligne haute tension Kossou-Guessabo via Zoukougbeu sont électrifiées. L’électrification du village de Belle-ville depuis 2001 est due à son important volume démographique estimée à 15935 habitants (INS, 1998) puis, son rôle économique due à la production du bois au cours des années 1970 à 1999. Ce village est situé à 7,5 km à vol d’oiseau de la ligne haute tension. L’absence des installations électriques dans aucun village de la sous-préfecture de Domangbeu est liée à différentes raisons dont la distance de 12,5 km (à vol d’eau) qui la sépare de la ligne haute tension puis, des routes villageoises impraticables, et surtout, l’absence d’unité industrielle pour l’entretien de ces itinéraires routiers. Dans le département de Zoukougbeu, les localités rurales comptent 99 281 habitants dont 52 556 vivent dans des villages électrifiés ; soit un taux d’accès à l’électricité de 52,94%. Ce taux laisse apparaître quelques inégalités spatiales (figure 2).
Hormis les villages de la sous-préfecture de Domangbeu, la figure 2 révèle l’électrification de certains villages puis, les projets en cours de réalisation (Dèdègbeu et Liabo). Cependant, avec un taux moyen de 52,94% d’accès à l’électricité du département, 47,06% de ménages ne bénéficient pas de l’électricité dont 37,46% vivant dans les campements et 9,60% à Domangbeu. La sous-préfecture de Grégbeu a le plus fort taux d’accès à l’électricité (75,14%). Elle est suivie de celles de Zoukougbeu (70,48%) et de Guessabo (27,71%). Le faible taux d’accès à l’électricité dans la sous-préfecture de Guessabo est lié à l’absence de connexion au réseau national. Depuis 2020, les ménages des villages de Dèbo 2, de Detroya, de Bassaraghué et de Nibasse, sont munis des installations électriques. Il en est de même pour ceux de Bahigbeu 1et Bahigbeu 2 dans la sous-préfecture de Grégbeu. Mais, cette électrification se résume seulement en fonctionnement des lampadaires (ou de l’éclairage public). Par ailleurs, en marge de l’électricité conventionnelle, ce monde paysan bénéficie des installations de panneaux voltaïques (photo 1).
Ce type de source d’énergie est très repandu dans les villages non-électrifiés dudit département. En effet, sur un échantillon de 292 ménages enquêtés, seulement 11,70% de ces ménages possèdent lesdites installations pour leurs besoins en énergie. Mais, ce taux diffère d’une sous-préfecture à une autre. En fait, 52,94% de ménages l’utilisent dans la sous-préfecture de Domangbeu, contre 29,31% des localités rurales à Guessabo et 8,70% pour celles de la sous-préfecture de Grégbeu. Mais, cette expérimentation de l’usage de panneau voltaïque comme source d’éclairage, est faite depuis 2014 par la Société d’Étude et d’Équipements (SEEE), dans le village de Débo 1. Ce système d’électrification qui a permis de satisfaire 2 378 habitants s’est estompé en 2017 faute du manque d’entretien dudit système d’énergie.
2.1.2. Les torches à énergie, une innovation en milieu rural
En Côte d’Ivoire, les décennies de crises socio-politiques ont rendu difficile l’apport d’électricité au monde rural. La vente des torches à énergie explose dans ce département de Zoukougbeu car, situé dans la zone tampon ou zone de confiance sous le contrôle de l’ONU, les apports de produits pétroliers se sont raréfiés, particulièrement l’approvisionnement en pétrole lampant (pour les lampes tempêtes). Dès lors, des commerçants d’articles divers ont afflué vers ces localités rurales pour satisfaire ces besoins. Les torches à énergie sont alors promues au détriment des lampes tempêtes à produits pétroliers. Il s’agit d’une diversité de lampions artisanaux (photo 2).
Depuis lors, dans les villages non-électrifiés, les populations ont à leur disposition deux types de mode d’éclairage. Ainsi, le taux d’utilisation du système énergie solaire comme mode d’éclairage dans ledit département est de 11,70%. Il s’agit de 22,33% pour les ménages de la sous-préfecture de Domangbeu, 19,63% pour ceux de Guessabo puis, 9,63% et 6,98% respectivement pour ceux de Grégbeu et de Zoukougbeu. L’utilisation du système artisanal, est de 19,16% dans le département. Mais, il est plus utilisé par les ménages de Domangbeu (54,73%), de Guessabo (38,59%) et de Grégbeu (30,36%). Ces installations sont alors composées d’une ou plusieurs ampoules de 1,5 Volts reliées à une caisse de piles (au moins quatre piles usées) par des fils électriques via un interrupteur.
2.1.3.Une forte dépendance du bois de chauffe
En milieu rural, étant très accessible le bois de chauffe est la première source d’énergie pour les paysans. Il est essentiellement comme source d'énergie domestique pour les différentes activités culinaires. En effet, tous les ménages (88,74%) utilisent le bois de chauffe pour la cuisson d’aliments, le chauffage de l’eau et le fumage du gibier et du poisson. Il y a également la combinaison du bois de chauffe et du charbon de bois ; soit 6,14% des ménages pour les mêmes services (Figure 3). Il s’agit de différents types d’espèces végétales à savoir, les acacias mangium, acacias auriculiformis, caffea arabica (caféier), ptero carpins erinaceus (bois d’ébène). En outre, avec le shollen shoot, le bois sec des cacaoyers est utilisé pour cuisson des aliments ou la fabrication de charbon de bois (photos 3).
Ces essences proviennent des plantations forestières et agricoles. La coupe et ramassage sont assurés le plus souvent par les femmes aidées parfois par des enfants.
2.2.L’analyse du mode d’accès des services énergétiques en milieu rural du département de Zoukougbeu
2.2.1.L’accès à l’éclairage
L’accès à l’éclairage en milieu rural se fait par le biais de l’électricité conventionnelle, le panneau voltaïque, les lampes tempêtes, un système d’éclairage artisanal et les torches à énergie ou à pile. En effet, celui induit par l’énergie conventionnelle se fait implicitement par un contrat (ou abonnement) entre un client et la structure étatique (EECI), gérée par la Compagnie Ivoirienne d’Électricité (CIE). Cette opération consiste à établir un contrat de fourniture d'électricité après les formalités suite à du branchement au réseau national d’électricité. Le taux d’abonnement dans ce milieu rural est de 2,65% (CIE Daloa, 2019). Pourtant, l’accès à l’électricité des ménages oscille autour de 50,34%. Car, il s’agit des abonnements groupés où le premier devient un ‘‘distributeur local’’. L’accès à l’éclairage via le panneau solaire, le système d’éclairage artisanal, les torches à énergie ou à pile, est plutôt lié à l’achat des matériels spécifiques : plaque, batterie, fils électrique, ampoules, etc. Les taux d’utilisation de ces sources d’énergie comme mode d’éclairage sont successivement de 11,70% de l’énergie, 19,16% du système artisanal, 17,49% des torches à énergie et 1,36% des torches à piles (figure 3).
Figure 3 : Répartition des ménages selon le mode d’éclairage
Source : Enquêtes personnelles, juillet 2021
2.2.2.L’accès aux services du froid et de la communication
Les services énergiques tels que le froid et la communication sont appréhendés par rapport aux équipements électro-ménagers dont par les ménages bénéficient. Il s’agit généralement de réfrigérateur ou de congélateur, de ventilateur, de climatiseur, de poste radio, de télévision et de téléphone (mobile). Ces équipements permettent de mesurer le niveau de satisfaction des ménages au niveau de la communication et du froid. En effet, dans le département de Zoukougbeu, l’équipement électro-ménager le plus répandu est le téléphone mobile (100%). Les ménages ont ce type d’appareil car, la communication est devenue un élément d’épanouissement social. Excepté cette préférence, ces paysans possèdent des ventilateurs (soit 60,62% des ménages), de télévision (soit 54,45%) et de radio (soit 32,19%). Ces appareils sont inégalement répartis selon le milieu de vie. Le tableau 2 relève la nécessité de ces électro-ménagers. Les services de communication liés à l’usage du téléphone mobile (292), de la télévision (159) et de la radio (94), sont également présents dans les villages électrifiés de même ceux démunis de cette énergie conventionnelle.
Ces usages sont au quotidien des ménages car, l’accès des panneaux voltaïques (prix d’achat varie de 25 000 à 500 000 f cfa) leur est utile pour le fonctionnement des appareils. Quant au froid, il se résume au ventilateur et au réfrigérateur. Le climatiseur est presque inexistant dans ce milieu de vie. Ainsi sur un total de 292 ménages enquêtés, 177 ménages possèdent un ventilateur, 83 pour le réfrigérateur (ou congélateur) puis, un ménage possédant un climatiseur. Dans les villages non-électrifiés, le réfrigérateur est absent dans les ménages car, la puissance (20-150 watts) induite par les panneaux voltaïques, est dérisoire pour ce type d’appareil. Néanmoins, le Sieur Tanoh, instituteur à Dèbo 2 affirme qu’« avec une somme de 500 000 f.cfa, la société Zola vous offre un poste de télévision écran à plasma 32, un ventilateur, 3 ampoules et un poste de radio ». Son propos est partagé par l’ensemble des utilisateurs de cette nouvelle technologie.
2.2.3.L’accès aux services de cuisson, de chauffage et de fumage
Dans le milieu rural du département de Zoukougbeu, le bois de chauffe et le charbon de bois sont utilisés pour les services de restauration (cuisson d’aliments), de chauffage de l’eau pour les toilettes et les soins de santé. Toutefois, le bois de chauffe est plus utilisé que les autres sources d’énergie (figure 4). Ces différents services s’effectuent par le biais d’équipements traditionnels désignés ‘‘foyers trois pierres’’ voire, construits à l’aide des matériaux locaux (photo 4).
Par ailleurs, une très faible frange des ménages utilise le gaz-butane pour les mêmes services. Cette source d’énergie est faiblement utilisée par les ménages du département (figure 4).
Figure 4 : Répartition des ménages selon les modes de cuisson, de chauffage et de fumage
Source : Enquêtes personnelles, juillet 2021
En effet hormis la question de livraison, le coût de ce produit pétrolier est élevé pour des ménages ayant des revenus saisonniers. Il s’agit de 6 500 à 7 000 f.cfa pour la bouteille B12 puis, de 3 000 à 3 500 f.cfa pour la bouteille B6. Ce difficile usage du gaz-butane est encore lié aux préjugés (dangerosité et inflammabilité) pour une population majoritairement analphabète.
La figure 4 résume les différentes sources d’énergie utilisées dans le monde rural du dit département. En d’autres termes, les ruraux ont une réelle préférence pour du bois de chauffe car, il permet de satisfaire leurs activités de cuisson, de chauffage et de fumage. D’ailleurs, pour les résidents dans la zone forestière, l’accès au bois de chaux n’est pas une contrainte. Interrogé sur ce fait, le Sieur Gnouflé Emmanuel répond en ces termes : « nous sommes paysans dans une zone forestière, la seule énergie que la nature nous offre est le bois. Son accès est facile et gratuit contrairement au gaz-butane dont son accès est irrégulier voire, très couteux avec son cortège de dangerosité. D’ailleurs, cet usage nécessite d’autres matériels ou cuisinière ».
3. Discussion
De nombreuses sources d’énergie sont présentes en milieu rural dans le département de Zoukougbeu. Ces différentes sources sont inégalement réparties. Cette inégalité est confirmée par l’accès à l’électricité et des produits pétroliers (pétrole lampant et le gaz-butane). Nos résultats montrent que les sous-préfectures de Zoukougbeu (chef-lieu de département) et Guessabo sont plus électrifiées du département. Ce fort taux de couverture électrique ne rime pas avec le taux d’accès à l’électricité. Ce résultat est différent de ceux d’Adzopé et d’Agboville (K. Tano, 2014, p.119) dans la région de l’Agnéby. Pour cet auteur, le fort taux de couverture électrique de ces chefs-lieux de département se justifie par la proximité du nombre important de leurs villages sous la haute tension. Ces villages ont un volume démographique important dans le département de Zoukougbeu, plus 37,46% de la population vivent dans des campements. Nos résultats révèlent également que le taux d’abonnement (2,65%) est très faible par rapport au taux d’accès à l’électricité (52,94%). Ce constat est le même dans la région de l’Agnéby où le taux d’abonnement à la CIE est de 41,79% pour un taux d’accès de 92,47% en 2010 (K. Tano, 2014, p.224). Au niveau national, ce taux est estimé à 13% en 2010 (M. N’guessan, 2012, p.32). Ce faible taux se justifie par le coût du branchement au réseau électrique de basse tension. Ce coût selon cet auteur varie entre 100 000 à 150 000 f.cfa. Malgré la nouvelle politique d’abonnement instaurée depuis le 25 octobre 2014 par l’État ivoirien, le taux d’abonnement est très faible dans les localités rurales électrifiées du département de Zoukougbeu (20,83%). Ce faible taux est lié à la forte présence des populations dans les campements (37,46%). Il y a également la question de dépendance énergétique où certains vivent au dépend des réels abonnés. Mais depuis 2020, cet effectif s’est amenuisé avec la connexion des localités de Grégbeu et de Guessabo au réseau électrique national.
Par ailleurs, les résultats ont montré pour un échantillon de 292 ménages enquêtés, que 5,75% utilisent l’électricité comme mode d’éclairage par le biais de réels abonnés. Ce processus est lié à des risques à savoir, la baisse de tension, de court-circuit, etc. M. N’guessan (2012, p.4) adhère à cette assertion en affirmant que « le taux d’accès à l’électricité est très faible en milieu rural et en zone périurbaine où une frange importante de la population s’adonne à la sous-location d’électricité avec des risques importants pour la sécurité des personnes et de leurs biens ». Ainsi dans l’ensemble, 50,34% des ménages utilisent de l’électricité conventionnelle comme mode d’éclairage contre 11,70% avec l’énergie solaire, 19,16% avec le système artisanal, 17,44% avec la torche à énergie puis, 1,36% avec la pile comme source d’éclairage. Ces données sont néanmoins, en contradiction avec celles du RGPH en 1998. Pourtant, L. Touré (2002, p.74) souligne que ladite structure a évoqué que 13,9% des ménages utilisent l’électricité comme source d’éclairage. Cet auteur poursuit en précisant que la source d’éclairage la plus répandue en milieu rural est la lampe tempête. Cet usage s’est progressivement amenuisé dans le temps avec la période des crises socio-politiques. Les lampes tempêtes se sont substituées au profit des torches à énergie et par des lampions artisanaux. Le projet de l’énergie solaire de Dèbo 1 étant une expérimentation, est destiné à l’éclairage public, en marginant les besoins énergétiques des ménages. Pourtant, C. N’goran (2006, p.51) a relevé les bienfaits du dit projet car, il devrait apporter un confort minimum aux ménages ; soit « 20 W pour faire fonctionner 2 lampes, 1 audio-visuel ».
En outre, l’électricité est nécessaire pour avoir des services de communication et de réfrigération. L’étude a alors révélé que l’importance présence de l’énergie contribue à alimenter divers appareils et autres électro-ménagers dans le milieu rural : téléphone mobile (100%), ventilateur (60,62%) et le poste de télévision (54,45%). Ce qui est en contradiction avec les données nationales de 1998 (L. Touré, 2002, p.76). Car, le poste de radio désigné comme l’appareil électro-ménager le plus répandu chez ces ruraux. Cette étude nationale a encore souligné l’inexistence des autres types d’appareils contrairement à nos investigations indiquant leur présence dans ledit milieu rural. En fait, l’absence de ces appareils électro-ménagers jadis évoquée est liée au faible taux d’accès à l’électricité à cette époque dans le milieu rural ivoirien. Mais, malgré l’existence l’énergie le panneau photovoltaïque, les ménages ne disposent pas de réfrigérateurs, de climatiseurs et de chauffe-eau. Selon C. N’GORAN (2006, p.86), cette offre énergétique pourrait induire d’autres services en dehors de l’éclairage.
Enfin, notre étude indique que le bois de chauffe (88%) est la principale source de cuisson, de chauffage et de fumage. Ce résultat est confirmé par L. TOURE (2002, p.70), J. NTSAMA (2007, p.33) et (Ministère des Mines, des Carrières et de l’Énergie du Burkina-Faso (2008, p.4). Pour ces auteurs, l’utilisation massive du bois de chauffe s’explique par la technique agricole (agriculture extension) qui produit de quantité de cette source d’énergie. Au Maroc, 89 % des ménages utilisent le bois de feu pour la cuisson des mets, le chauffage de l’eau et des locaux en période hivernale (S. ATOUK, 2013, p.22). Cependant, l’usage des produits pétroliers ou du gaz-butane pour les mêmes services, est rare dans ce milieu faute d’une réelle livraison voire, le coût du gaz-butane et de la cuisinière. La culture des peuples est aussi un élément indéniable dans l’usage des foyers traditionnels. Le bois de feu est néanmoins associé à l’usage du charbon de bois (1,36%). Cette donnée est sensiblement égale à celle de J. NTSAMA (2007, p.33). Celui-ci affirme que 1,60% des ménages des zones rurales du Cameroun utilisent le gaz-butane pour les services de cuisson du fait de la pauvreté. Par contre, cette source d’énergie est plus utilisée au Maroc (18%) du fait de la subvention étatique (S. ATOUK, 2013, p.4). Pour cet auteur, le gaz-butane est considéré comme un produit à caractère social.
Conclusion
Dans le département de Zoukougbeu, les mondes urbains et ruraux sont desservis en différentes sources d’énergie. Les activités des populations sont alors étroitement dépendantes à différentes sources énergiques : barrages hydro-électriques, centrales thermiques puis, celles liées aux produits pétroliers, énergie solaire et divers torches ou matériels d’éclairage. Les apports des offres d’énergies dans ledit département sont fonction de plusieurs paramètres à savoir, l’état des axes ou itinéraires routiers, les potentialités démographiques, la présence d’unités industrielles puis, la nécessité de l’énergie dans les activités des populations. Ces différents critères sous-tendent l’inégale répartition pour l’accès à l’énergie dans cette entité départementale. Cette offre d’énergie conventionnelle est encore inégalement distribuée au sein d’une sous-préfecture. Avec la période des crises socio-politiques, la résilience des ruraux a conduit à s’approprier d’autres sources pour leurs besoins d’éclairage, de cuisson de mets voire, pour l’alimentation des appareils électro-ménagers. Mais, le changement de leurs habitudes culturelles perdure encore car, les activités agricoles leur offrent toujours du bois de chaud. La présence des matériels, des équipements, les appareils électro-ménagers, ont donc suscité l’introduction des énergies conventionnelles et celles dites dernières générations (énergie solaire, bactérie, etc.), dans le monde rural. Cette rurbanisation du monde rural constitue aujourd’hui des marchés potentiels pour les opérateurs de la ville.
Références bibliographiques
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[1] Taux de couverture électrique = Nombre de localités électrifiées x 100 / Nombre total de localités
[2] Taux d’accès à l’électricité = Population des localités électrifiées x 100 / Population totale
Auteurs
1Enseignant-Chercheur, Université Jean Lorougnon Guédé de Daloa (Côte d’Ivoire), tan.kwam@yahoo.fr
2Enseignant-Chercheur, Université Jean Lorougnon Guédé de Daloa (Côte d’Ivoire), seidoucoulibaly@yahoo.fr
3Enseignant-Chercheur, Université Jean Lorougnon Guédé de Daloa (Côte d’Ivoire), fulgence73@yahoo.fr