La présente étude aborde la question des activités agricoles et les conflits qui minent les terroirs de la sous-préfecture de Péhé, à Ouest de la Côte d’Ivoire, dans le département de Toulépleu. Cette sous-préfecture connait ces deux dernières décennies une dynamique croissance des activités agricoles et l’immixtion de nouvelles cultures de rentes telles que l’hévéa dans le quotidien des agriculteurs. Ces nouvelles cultures en addition avec les cultures pérennes de base, l’accroissement exponentiel de la population et le développent d’autres activités économiques ont transformé le paysage qui auparavant était une importante réserve forestière. En effet, les activités agricoles ont connu une forte progression au détriment de la forêt. Ainsi, entre 1990 et 2021, les activités agricoles sont passées de près de 70% à près de 90%. Cette pression est due à l’accroissement de la population inhérent au flux migratoires important. Ce qui est à l’origine de la saturation foncière. Le manque de terre a exacerbé des tensions intercommunautaires qui se sont amplifié par la crise-militaro-politique. Pour atteindre ces résultats, l’utilisation des images Satellites Landsat et des enquêtes de terrains auprès des populations ont été nécessaires. L’objectif de cette étude est de montrer les conséquences de l’afflux migratoire sur la gestion du patrimoine des terres de la sous-préfecture de Péhé. De façon spécifique, il s’est agi de faire une analyse spatiale et temporelle de l’état des lieux de l’occupation du sol, de montrer les facteurs de la saturation des terres et d’identifier les conflits récurrents dans les terroirs de la sous-préfecture.
This study addresses the question of agricultural activities and conflicts that undermine the lands of the sub-prefecture of Péhé, in the West of the Côte d’Ivoire in the department of Toulépleu. This sub-prefecture has experienced a dynamic growth in agricultural activities over the last two decades and the interference of new annuity crops such as rubber in the daily lives of farmers. These new crops, in addition to the basic perennial crops, the exponential increase in population and the development of other economic activities have transformed the landscape that was once a major forest reserve. Indeed, agricultural activities have grown strongly to the detriment of the forest. Between 1990 and 2021, for example, agricultural activity increased from nearly 70% to nearly 90%. This pressure is due to the population growth inherent in the large migration flows. This is the cause of land saturation. The lack of land has exacerbated inter-communal tensions, which have been amplified by the military-political crisis. To achieve these results, the use of Landsat satellite images and field surveys of populations were required. The objective of this study is to show the consequences of the migratory influx on the management of the heritage of the lands of the sub-prefecture of Péhe. In particular, it was a question of making a spatial and temporal analysis of the state of land use, of showing the factors of the saturation of the land and of identifying recurrent conflicts in the territories of the sub-prefecture.
Introduction
A l’orée de l’indépendance, la politique ivoirienne de développement économique s’est basée sur un modèle économique agro-exportateur privilégiant les cultures pérennes telles que le café et le cacao. Ce modèle a favorisé l’exploitation des ressources naturelles de façon extensive en zone forestière. Ainsi, de vastes surfaces de couvert forestier ont été détruites suite à la mise en place des activités agricoles, à l’exploitation abusive des essences forestiers et à la collecte de bois d’énergie. Par ailleurs, la politique d’immigration menée par la Côte d’Ivoire qui se caractérisait par l’ouverture des frontières, couplée à la croissance rapide de l’économie ivoirienne, a attiré des travailleurs migrants des pays voisins (HUMAN RIGHTS WATCH, 2013, p.4). Les migrations ont ainsi assuré l’occupation des terres et l’expansion de l’espace géographique surtout dans les milieux ruraux (B. MBOUP, 2017, p.78).
Cette situation a conduit inéluctablement à une réduction considérable des surfaces forestières, ainsi qu’à une baisse de la fertilité des sols liée à leur surexploitation. L’ouverture des territoires ruraux à l’immigration massive des travailleurs pour des raisons économiques a modifié l’occupation du sol, se traduisant ainsi par le développement des activités économiques, l’augmentation de population, l’extension de l’espace agricole (D. KROUBA et al., 2018, p.272). Par ailleurs, « compte tenu de la fragilité de ce secteur basé sur le binôme café- cacao, l’État ivoirien a mis en place une politique de diversification des cultures avec l’immixtion de nouvelles cultures tels que le palmier à huile, l’hévéaculture (A. KANGAH et al., 2016, p.72).
Cependant, l’ampleur de ces activités d’ordre anthropiques qui se manifestent par des systèmes agricoles inadaptés, par l’exploitation anarchique du couvert forestier et par la forte pression démographique dégradent et modifient l’usage des terres. Le déplacement de la boucle du binôme café-cacao à l’Ouest et particulièrement dans la sous-préfecture de Péhé grâce à la disponibilité foncière et de nombreuses potentialités agricoles du milieu a favorisé l’afflux des populations allochtones et allogènes. Ce flux migratoire a contribué au développement des activités agricoles telles que le café-cacao, les cultures vivrières notamment le riz, à la réduction du couvert forestier et à une saturation des terres au fil des années. La chute des prix du café-cacao dans les années 1980 a contribué à l’essor progressive de nouvelles cultures telles que l’hévéaculture et le palmier à huile. Par ailleurs, la crise militaro-politique de 2002 et la crise post-électorale ont non seulement accentué la pression sur cette sous-préfecture mais ont particulièrement accéléré la transformation du paysage rural.
Cette pression anthropique due au déplacement massif des populations provoque la saturation des terres. Dès lors, on assiste à des conflits fonciers qui naissent des revendications des terres aussi bien par les autochtones que par les étrangers. Face à cette situation, la question est de savoir quelles sont les conséquences de l’afflux migratoire sur la gestion du patrimoine des terres de la sous-préfecture de Péhé ? Cette question nous amène à faire une analyse spatiale et temporelle de l’état des lieux de l’occupation du sol, de montrer les facteurs de la saturation des terres et d’identifier les conflits récurrents dans les terroirs de la sous-préfecture.