La dépression fermée d’Avénou dans le quartier du même nom est située au nord-ouest de Lomé, ville capitale du Togo. Au cours des 30 dernières années, cette dépression souvent à sec en début de chaque saison de pluies, ne connaissait que des inondations de moindre importance. Cependant, en ce début de saison pluvieuse 2019 (16 au 17 mars), la population riveraine a assisté à une inondation catastrophique. Les objectifs de cet article sont : de relever les facteurs responsables de cette inondation de Mars 2019, d’analyser l’hydrodynamique de la dépression, d’identifier l’impact de ladite inondation sur la population riveraine et de proposer des orientations pour une gestion durable de cet aléa. L’atteinte de ces objectifs s’est basée sur les travaux de terrain et la collecte de données documentaires. Il ressort de cette étude que le caractère exceptionnel de l’inondation qui a affecté Avénou dans la nuit du 16 au 17 mars 2019 est dû à un fort coefficient de ruissellement lié à l’imperméabilisation du sol et à l’action conjuguée des averses du 6 mars (95,7 mm en 2 heures) et du 16 au 17 mars de la même année (95,5 mm en 2 heures 30 mn). La montée subite de l’eau et sa hauteur impressionnante dans les concessions sont le fait d’aménagements inopportuns. Ainsi, les abondantes pluies de forte intensité, le fonctionnement hydrodynamique de la dépression et le forçage anthropique sont les principaux facteurs de cette inondation catastrophique qui a fait trois morts et des dégâts matériels importants. La gestion durable des inondations dans ce quartier passe par un déguerpissement des populations occupant le fond de la dépression. Aussi, l’aménagement de cette dépression en bassin d’orage est un impératif qui incombe aux pouvoirs publics, afin de sécuriser les habitations situées sur le pourtour.
Mots-clés
The closed depression of Avénou in the neighborhood of the same name, North-west of Lomé is inhabited by city dwellers, like those found in this capital city. During the last three decades (30 years), this often-dry depression at the beginning of each rainy season, witnessed only minor floods. However, at the beginning of the rainy season 2019 (March 16th to 17th), the riparian populations witnessed a catastrophic flood. The objectives of this article are to: identify the factors responsible for the flood of March 2019 in the Avénou depression, analyze the hydrodynamics of this depression, identify the impact of the flood on the local population and propose guidelines for sustainable management of this hazard. The achievement of these objectives was based on fieldwork and the collection of documentary data. It is established from this study that the exceptional nature of the flood that affected Avénou quarter during the night of March 16 to 17, 2019, is due to a high runoff coefficient related to the waterproofing of the soil and the combined action of the showers of March 6, 2019 (95.7 mm in 2 hours) and from March 16 to 17 of the same year (95.5 mm in 2 hours 30 minutes). The surge of water and its impressive height in the concessions are the result of untimely developments. Thus, the abundant and heavy rains, the hydrodynamic functioning of the depression and the anthropogenic forcing are the main factors of this catastrophic flood which has caused the death of three persons and provocked important material damages. The sustainable management of floods in this neighborhood requires the eviction of the populations occupying the lower levels of the depression. Also, the development of this depression in storm basin is an imperative which befalls to the public authorities concerned, in order to secure the dwellings located on the periphery.
Keywords
Introduction
Dans leur quête de terrain à bâtir, certains habitants du quartier d’Avénou situé au nord-ouest de Lomé ont pris d’assaut une dépression fermée, quasiment à sec toute l’année, aux premières années de son occupation (1980) pour y construire leurs maisons. La densification des habitations qui s’en est suivi avec le temps a imprimé une nouvelle dynamique aux eaux de ruissellement qui s’est traduite, dans les faits, par des inondations récurrentes. Ces inondations quasiment annuelles sont plus ou moins supportables par les riverains qui mettent en place des dispositifs de lutte contre l’inondation. Cependant, dans la nuit du 16 au 17 mars 2019, les populations riveraines de cette dépression ont été réveillées par une inondation impressionnante, suite à une pluie diluvienne. Cette inondation meurtrière suscite des interrogations en ce qui concerne les causes de sa survenue dans cette dépression. Ainsi, quelles sont les causes de cette inondation dans une dépression qui, aux dires des riverains, n’a jamais connu une inondation d’une telle ampleur ? Quels sont les impacts de cette inondation sur le cadre de vie de la population riveraine ?
Le quartier d’Avénou à l’instar des autres quartiers de la périphérie nord de Lomé est situé sur le plateau de Tokoin, un des maillons des plateaux détritiques d’âge Néogène caractérisant le bassin sédimentaire côtier (A. B. Blivi, 1997, p. 176). Ces plateaux de « terre de barre » sont truffés de dépressions fermées de diamètres variant entre 100 et 600 m (Gnongbo, 2017, p. 46). Celle d’Avénou sur le front nord-ouest qui fait l’objet de cette étude est située entre le 6°10’30" et 6°11’0" de latitude nord et le 1°11’0" et 1°11’30" de longitude est (figure 1).
Le drame survenu lors de l’inondation dans cette dépression est la raison qui motive cette étude. Son objectif principal est d’expliquer ce phénomène d’un point de vue hydrogéomorphologique. Les objectifs spécifiques sont : de relever les facteurs responsables de l’inondation du mois de mars 2019, d’analyser l’hydrodynamique de cette dépression, d’identifier l’impact de l’inondation sur la population riveraine et de proposer des orientations pour une gestion durable de cet aléa.
1. Méthodologie
Pour atteindre ces objectifs, la méthodologie utilisée s’est appuyée sur la collecte de la documentation, des données pluviométriques, l’utilisation des données planimétriques et les travaux de terrain. Toutes ces données ont fait l’objet de traitement à l’aide de logiciels appropriés.
1.1. Collecte des données
1.1.1. Données documentaires
Dans la recherche documentaire, les documents ayant trait à l’urbanisation, à la morphodynamique et aux inondations affectant la ville de Lomé ont été privilégiés. Il s’agit notamment de mémoires de maîtrise, d’articles et de rapports d’étude disponibles dans les centres de documentation à Lomé. Ces documents, en l’occurrence ceux traitant des inondations dans la ville de Lomé, nous ont permis d’appréhender les mécanismes des inondations liées au ruissellement.
1.1.2. Données planimétriques et pluviométriques
Les données planimétriques sont issues de l’exploitation des cartes de base et thématiques et des images satellites. Les cartes topographiques de l’IGN 1956, Lomé 2a au 1/50 000 et la carte géologique au 1/200 000 (feuille Lomé) de 1986 ont été d’une grande utilité, respectivement dans la localisation et l’étude morphologique du secteur et dans son étude litho-stratigraphique. Les images satellites ont permis de définir les contours et les dimensions de la dépression et d’analyser les états de surface. Les données pluviométriques compilées sur feuilles Excel en fichiers numériques nous ont été fournies par la Direction Générale de la Météorologie Nationale (DGMN) de Lomé. En plus des séries chronologiques de 1997 à 2017, ce service a mis à notre disposition les données pluviométriques du mois de mars 2019 qui ont déclenché l’inondation catastrophique.
1.1.3. Travaux de terrain
Les travaux de terrain ont porté sur les activités telles que : les levés GPS, les mesures de marques d’inondation, de pentes, de niveau piézométrique, de comptage de concessions affectées, de description de chemins de ruissellement, la réalisation des logs de sols et les prises de vue. A ces activités de mesurage ont été associés des entretiens avec les sinistrés et les responsables des affaires sociales.
Les levés de terrain effectués à l’aide d’un GPS différentiel ont consisté à prendre les points de la ligne de partage des eaux entre la dépression d’Avénou et les dépressions contigües. Ces points pris à pas de 25 m définissent le pourtour de l’impluvium et d’autres pris à pas de 10 m circonscrivent le fond de la dépression. Les marques de l’inondation sur les murs de concessions autour et dans la dépression ont été relevées à l’aide d’un décamètre. Les logs réalisés à l’aide d’une tarière hélicoïdale ont permis d’analyser la nature du sol et des dépôts de sédiments au fond de la dépression. Dix (10) échantillons de sol ont été prélevés pour des analyses au laboratoire. Les niveaux piézométriques ont été mesurés à partir des puits du secteur, à l’aide d’un décamètre, aux heures matinales avant les prélèvements quotidiens d’eau et les pentes à partir d’un clinomètre. Le comptage des maisons inondées a concerné aussi bien celles qui sont hors des eaux que celles qui sont encore sous les eaux, cinq jours après l’inondation. Au cours de ce comptage ont été distinguées les maisons de haut standing de type villa et les maisons à cour commune. L’analyse et la description des chemins du ruissellement a consisté à dénombrer et à décrire l’état des rues convergeant vers le fond de la dépression.
Par ailleurs, pour recueillir les informations sur les dégâts des eaux et avoir la perception des riverains de l’aléa qui les impacte, des entretiens semi-structurés ont été organisés. Ces entretiens ont concerné 125 personnes hommes et femmes. En outre, des entretiens avec les responsables des Affaires sociales, dépêchés sur les lieux du sinistre, ont permis de connaitre le nombre de ménages et de personnes affectés par l’inondation du 16 au 17 mars 2019.
1.2. Traitement des données
La réalisation de la carte de l’emprise de la dépression a été faite à partir des images satellitaires de la société « BirdsEyeTM Satellite Imagery » de janvier 2019. Il s’agit d’images de haute résolution qui ont permis de digitaliser la zone d’étude. Les coordonnées GPS obtenues sur le terrain ont été projetées sur la zone d’étude préalablement réalisée par digitalisation des images satellitaires Birdseye géoréférencées, à partir du logiciel ArcGIS 10.4. Cette technique a permis de déterminer les limites réelles de la dépression et celles de l’impluvium. Cette approche a rendu possible le calcul de la superficie de la dépression et celle de l’impluvium. Il faut préciser que chaque coordonnée GPS a fourni les données XY pour le repérage du point et Z qui correspond à son altitude. L’analyse granulométrique des échantillons de sol a été réalisée au laboratoire de la mécanique des sols de l’ITRA (Institut Technique de Recherches Agronomiques) à Lomé. Elle a été faite pour ce qui concerne les échantillons meubles par la technique de tamisage à partir d’un agitateur en utilisant une colonne de 16 tamis (2 mm à 50 µm de diamètre) de la série AFNOR (Association Française de Normalisation) après séchage. Pour les échantillons de dépôts vaseux, la séparation des argiles et des limons a été faite par la méthode de temps de chute. Le traitement des données de précipitations a été effectué par Excel 2016 à partir de la formule utilisée pour le calcul des moyennes conditionnelles ou moyennes selon un critère. C’est ainsi qu’ont été déterminées les années où le mois de mars a enregistré des hauteurs de pluies supérieures à 100 mm, un seuil à partir duquel les inondations se déclenchent. Ce seuil pour le mois de mars au cours duquel l’inondation catastrophique est survenue a été calculé sur la période de 1997 à 2017. Ce calcul a permis de voir si ce seuil critique a, par le passé, causé des inondations aussi remarquables. La hauteur d’eau tombée sur l’impluvium a été calculée en multipliant la surface de l’impluvium par la hauteur d’eau précipitée.
Le coefficient de ruissellement sur l’impluvium a été calculé à partir de la formule :
Avec :
V= volume d’eau ruisselée vers la dépression (m3) ;
P= quantité d’eau précipitée durant une averse (mm) ;
C= coefficient de ruissellement qui est fonction de chaque état de surface (la détermination du coefficient de ruissellement des différents états de surface a été faite sur la base des travaux de F. Adam (2016, p.10)) ;
S= Surface active de l’impluvium (ha) ;
m= différents états de surface de l’impluvium.
Le volume total est la somme du volume d’eau ruisselé sur les différents états de surface de l’impluvium. Le coefficient d’infiltration en lien avec les surfaces imperméabilisées a permis de déterminer la quantité d’eau qui arrive dans la dépression. L’exploitation des données issues des différents traitements et analyses ont permis d’obtenir les résultats ci-après.
2. Résultats
2.1. Les causes de l’inondation de mars 2019
2.1.1. Une inondation aux causes multiples
L’inondation du mois de mars 2019 dans la dépression d’Avénou est le résultat de la conjonction entre les facteurs climatiques et des aménagements inopportuns. Cette conjonction de ces deux facteurs explique, dans une large mesure, cette inondation qui a impacté les riverains dans la nuit du 16 au 17 mars 2019.
2.1.1.1. Des pluies exceptionnelles en cause
Généralement, les inondations dans le quartier d’Avénou surviennent au mois de juin qui est le mois le plus pluvieux de la grande saison des pluies et celui d’octobre qui reste le pic pluviométrique de la petite saison de pluies. D’après les riverains, ce quartier n’a jamais enregistré d’inondations en début de grande saison de pluies. Ce constat est corroboré par l’analyse des données pluviométriques des 30 dernières années. En effet, les totaux pluviométriques du mois de mars qui marque le début de la grande saison des pluies durant cette période sont en moyenne de 65 mm. Ce volume moyen qui s’étale, de surcroit, sur environ 8 jours n’est pas susceptible de provoquer des inondations, d’autant plus que les averses sont espacées de plusieurs jours sans qu’aucune goutte ne tombe. Certes, il y a eu des années où le mois de mars a connu des totaux pluviométriques supérieurs à 100 mm, seuil à partir duquel se déclenchent généralement les inondations (tableau 1), mais aucune inondation ne s’est manifestée.
Le volume d’eau tombée s’étale sur une moyenne de 8 jours, avec plusieurs jours sans pluies ; ce qui laissait le temps au sol de se ressuyer avant les prochaines pluies. Par contre, le mois de mars 2019 a enregistré un total pluviométrique de 191,2 mm en deux jours séparés de 10 jours sans pluie. La pluie du 6 mars a déversé en deux heures environ 95,7 mm d’eau et celle du 16 au 17 mars 95,5 mm sur une durée quasiment identique. D’un point de vue hydrologique, cette inondation résulte du cumule des eaux du 6 mars et celles du 16 au 17 mars. Le volume d’eau stocké dans la dépression le 6 mars ne s’est pas encore résorbé quand l’averse du 16 au 17 mars a renforcé ce volume d’eau existant, dans un cadre où, des aménagements non concertés et mal pensés ont joué un rôle décisif dans le drame qui est survenu.
2.1.1.2. Des aménagements inopportuns
Pour évacuer rapidement les eaux de ruissellement autour de sa villa située à environ 50 m du fond de la dépression, le propriétaire apparemment nanti a fait aménager un caniveau de 80 cm de large et 82 cm de profondeur (photo 1).
Construit sur la bordure ouest de la rue Commissaire Domis, ce caniveau débouche sur la rue Djréké qui mène au centre de la dépression. L’eau qui emprunte cet ouvrage, naturellement ne s’infiltre pas, mais acquiert plutôt de l’énergie et arrive rapidement dans la dépression au début de la pluie, contrairement à celle qui ruisselle dans les rues en terre battue. La vitesse de l’eau calculée dans ce caniveau en pleine charge est de 1 m/s. Le caniveau aménagé joue un rôle de forçage du ruissellement, parce que le volume d’eau qu’il déverse par heure est égal à 15 200 m3. Aux dires des riverains, l’aménagement de ce caniveau a été un point de discorde entre d’un côté l’ordonnateur et ceux qui en profitent et de l’autre les occupants de la dépression. Ces derniers ont décelé très tôt le rôle de ce caniveau dans le renforcement de la dynamique hydrologique de la dépression. C’est cette inquiétude latente qui explique, sans doute, l’aménagement de la diguette entourant une maison dans la dépression en guise de protection. Cette diguette mise en place pour protéger une des maisons au fond de la dépression a été construite en excavant la terre de l’intérieur de ladite maison et à l’extérieur dans la rue Djréké (photo 2).
Cette excavation de terre a créé une mini dépression dans la cour de ladite maison qui apparait comme encrée dans un trou perdu, emprisonnant l’eau une fois qu’elle s’y est engouffrée et l’empêchant ainsi de se répandre dans toute de la dépression (photo 3).
Cet aménagement de 5 m de large à sa base, réalisé sans aucune concertation avec les occupants des maisons mitoyennes a réduit la largeur de la rue Djréké sur son tiers inférieur, au croisement avec la rue Colonel De Souza. Coincée entre la diguette et le mur de la maison située en face, cette section de rue est devenue un véritable chenal de 5 m canalisant les eaux de ruissellement. L’écroulement du mur de la maison opposée à celle protégée par la diguette s’explique par la réduction de la largeur de la rue en aval, tandis qu’en amont, elle est normale (10 m). La transformation de ce secteur de rue en un étroit chenal a provoqué "l’effet d’entonnoir" qui a augmenté la hauteur de l’eau (1,5 m), suite au ralentissement de sa vitesse par la charge hydrique de la dépression. La forme pyramidale de la diguette a assuré sa stabilité, bien que submergée par les eaux. Toutefois, le mur de la concession du côté opposé, malgré son renforcement de l’intérieur par des contreforts en béton, n’a pu résister à la pression de l’eau (photo 4). L’écroulement du mur a entrainé une montée subite de l’eau dans la maison.
2.2. L’hydrodynamique de la dépression
La charge d’eau dans la dépression d’Avénou résulte du processus de son remplissage par les eaux de ruissellement lors des averses. Ces eaux convoyées dans cette dépression par le truchement des rues peinent à s’infiltrer à cause de la nature du sol et du niveau piézométrique.
2.2.1. Des chemins d’eau multiples orientant le ruissellement
Le réseau de rues qui achemine les eaux de ruissellement dans la dépression forme une maille constituée de 25 rues non bitumées, d’une rue pavée et de la nationale n°5 bitumée sur une superficie de 53 ha qui est celle de l’impluvium (figure 2). La forme trapézoïdale de l’impluvium s’explique par le fait qu’il est bordé par la voie ferrée Lomé-Kpalimé qui l’a amputé de sa partie est, la Nationale n°5 à l’Ouest et la rue pavée de direction ouest-est dans sa partie sud-est. Bien que non bitumées, les rues de ce secteur d’étude sont compactées par les va-et-vient des véhicules et des personnes dont le nombre ne cesse de croître. Le ruissellement est défini comme un écoulement d’eau de surface, à l’échelle d’un versant, lorsque l’infiltration est nulle pour cause d’engorgement et/ou lorsque la surface sur laquelle elle s’écoule est imperméabilisée par une pellicule de battance ou un matériel étanche. Lors des averses, les rues au sol compacté se transforment rapidement en véritables torrents charriant des sédiments et matériaux hétéroclites. Lorsque les averses se prolongent, ces rues de 15 à 50 m de large sont en pleine charge hydrique sur des pentes dont la valeur varie entre 5 et 6%.
Le plus important volume d’eau qui se déverse dans cette dépression provient du secteur nord-ouest caractérisé par des rues longues sur une pente quasiment constante de 8%. La charge d’eau sur les deux rues (rue 99 Soviépé et rue 101 Totsi) parallèles à la voie ferrée Lomé-Kpalimé, bien que n’ayant pas été calculée, est plus importante que celle des autres rues du secteur, du fait de leur longueur qui est d’environ 600 m jusqu’au passage à niveau. Aussi, leur charge hydrique est renforcée par le déversement des eaux de débordement de la petite dépression de Gblin-Comè qui oblige l’eau de la rue 101 Totsi à traverser les rails au droit du passage à niveau, en direction de la dépression. La décharge de toutes ces rues se retrouve au fond de la dépression de 4 ha, véritable réceptacle, occupée par des habitations et traversé de part en part par des rues pratiquées en saison sèche.
2.2.2. Une faible infiltration d’eau liée à la nature du sol et au niveau piézométrique
D’après nos calculs, le volume d’eau déversée dans la dépression d’Avénou dans la nuit du 16 au 17 mars 2019 est estimé à 50 615 m3 alors qu’il faut préciser qu’elle contenait déjà les eaux de la précédente pluie tombée le 6 mars de la même année. Sur la base des calculs faits à partir de la hauteur moyenne des marques laissées par l’eau sur les murs des maisons dans la dépression et la surface de la dépression, le volume d’eau moyen dans cette dépression durant une saison de pluies sans averses de hauteur exceptionnelle (p (mm)> 100 en 1heure ou 2 heures) est d’environ 25 900 m3. Le maintien prolongé d’une partie de cette eau dans la dépression 10 jours après la pluie à l’origine de l’inondation s’explique par la nature des formations superficielles qui tapissent son fond et le niveau de la nappe phréatique. Les dépôts sédimentaires corrélatifs à l’érosion qui s’opère sur l’impluvium sont répartis dans la dépression suivant un tri granulométrique qui place les sables (grossiers, moyens et fins) en bordure de la dépression où la pente est de 3% et les limons et argiles au centre dont la pente est nulle. Les sondages à la tarière (photo 5) indiquent à la périphérie de la dépression des dépôts de sables d’une épaisseur de 1,5 m.
Au centre, ce sont les limons et les argiles dont l’épaisseur varie entre 5 et 15 cm. Ces dépôts dans les rues qui traversent la dépression ont une épaisseur de 5 cm, parce que compactés par la pression des roues de véhicules et le piétinement des personnes. Dans les secteurs non compactés, recouverts par la végétation, leur épaisseur est de 15 cm. Tous ces dépôts sédimentaires de couleur gris-sombre qui dénote la présence de la matière organique fossilisent une formation pédologique sablo-argileuse de couleur gris-claire de 2 m d’épaisseur, reposant à son tour, au-delà des 2 m sur des formations argilo-sableuses de couleur blanchâtre, injectées de taches jaunâtres (photo 6 et figure 3).
Ces taches jaunâtres sont des traces du fer lessivé par les eaux de percolation. Les dépôts, au centre de la dépression, constitués essentiellement de colloïdes freinent l’infiltration de l’eau qui est cependant plus rapide à la périphérie où les sables prépondérants sont perméables. La péjoration de l’infiltration par les fines est d’autant plus élevée que ces particules sont compactées. Une fois saturées en eau, les argiles n’en absorbent plus rapidement et fonctionnent comme une surface imperméabilisée. Ce qui explique la présence de l’eau au fond de cette dépression 10 jours après la pluie, alors que selon les riverains, cette dépression dans les années 1980 et 1990 (années du début de l’occupation effective du quartier d’Avénou) s’asséchait au bout de 24 heures en début de saison de pluies. Il apparait donc que la densification de l’occupation du quartier a accéléré l’érosion, le colmatage de la dépression et son imperméabilisation expliquent les inondations, amplifiées par la recharge de la nappe phréatique. Sur le continental terminal, la nappe phréatique se situe à une profondeur de 20 et 30 m au nord du bassin sédimentaire côtier et 60 à 80 m au sud (PNUD, 1975, p. 11). De récents travaux situent la profondeur de cette nappe à 120 m dans le sud (M. D.T. Gnazou et al., 2015, p. 18). La nappe du continental terminal dont la recharge se fait à partir du sommet de plateaux, diffère de celle logée dans la dépression fermée qui est une nappe locale. La recharge des nappes locales situées entre 5 et 10 m est liée à deux flux hydriques : d’une part les apports d’eau en provenance de la nappe du continental terminal (CT) sous forme d’écoulements hypodermiques et d’autre part l’infiltration des eaux de ruissellement qui stagnent dans la dépression (figure 4).
Le niveau piézométrique de la nappe locale d’Avénou durant l’inondation du 16 au 17 mars 2019 est de 2,2 m à la périphérie de la dépression. Ce qui suppose qu’au fond de cette dépression, située à une différence d’altitude de 2 m par rapport au rebord, la nappe est quasiment affleurante. Naturellement, ce niveau piézométrique déjà haut après la pluie du 6 mars 2019 empêche l’infiltration de l’eau et favorise ainsi son accumulation. Il faut préciser que l’assèchement de la dépression 15 jours après l’inondation s’explique par les actions conjuguées de l’infiltration, bien que lente, de l’évapotranspiration et de l’évaporation. La baisse du toit de la nappe locale à 3,5 m après un mois sans pluie notable, est liée aussi à ces mêmes processus physico-chimiques auxquels il faut ajouter les prélèvements d’eau dans les puits. Il faut noter que les eaux des puits sont contaminées par les eaux de ruissellement qui s’y infiltrent par écoulements de subsurface, en empruntant les micros fissures. L’augmentation du volume d’eau, au fur et à mesure que la pluie tombe et la faible infiltration de l’eau ont pour conséquence les inondations.
2.3. Les dégâts des eaux
Les dégâts occasionnés par l’inondation du 16 au 17 mars 2019 sont d’ordre humain et matériel. Le comptage des maisons sinistrées a permis d’estimer le montant de ces dégâts à travers une comptabilité matière.
2.3.1. Perte en vies humaines
La mort de trois fillettes de 14 ans, 11 ans et 8 ans, lors de cette inondation, est liée à l’écroulement du mur entourant la maison qu’elles habitaient avec leurs parents. Les parents conscients du danger que courait toute la famille ont décidé d’évacuer les lieux en amenant avec eux, dans un premier temps, les plus jeunes de leurs enfants tandis que les plus âgés dormaient encore. C’est lors de cette évacuation nocturne que le mur s’est écroulé, provoquant la montée subite de l’eau qui s’est engouffré dans les chambres, surprenant les fillettes dans leur sommeil qui sont mortes par noyade. La hauteur d’eau dans la maison est estimée à 2 m au temps fort de l’inondation.
2.3.2. Dégâts matériels
L’inondation a affecté d’après les statistiques de la Direction des Affaires Sociales, 176 ménages regroupant 663 personnes. Les dégâts des eaux concernent les biens mobiliers, immobiliers et la volaille.
2.3.2.1. Pertes mobilières
Il s’agit essentiellement des vêtements et documents papiers détrempés, du matériel roulant, de vivres, et autres objets qui sont, le lendemain de l’inondation, séchés au soleil pour pouvoir récupérer ce qui peut l’être (planche de photos 7).
2.3.2.2. Pertes immobilières
Les biens immobiliers perdus ont été répertoriés et leur valeur estimée sur la base de l’année d’achat du terrain et de la construction de la maison. Ces biens sont des maisons d’habitation de type villa (5) et maisons à cour commune (10). Au total, quinze maisons d’habitation étaient sous les eaux deux semaines après l’inondation. Nous avons estimé que les cinq villas qui sont des maisons de location sont réellement perdues, parce que les locataires les ont abandonnées dans leur état piteux (photo 8).
Par contre, les maisons à cour commune, abandonnées en saison pluvieuse sont réinvesties en saison sèche par leurs occupants qui sont généralement propriétaires. L’estimation de la valeur des villas (tableau 2) a été faite avec l’aide d’un ingénieur en bâtiment sur la base des informations fournies par leurs propriétaires et en tenant compte du prix des matériaux de construction à la date de la construction, de même que celui de la main d’œuvre.
Les pertes immobilières se chiffrent à huit millions quatre cents mille francs CFA (8 400 000F) pour les terrains et à quarante-sept millions deux cents cinquante mille francs CFA (47 250 000 F) pour les maisons. Les pertes totales se chiffrent à cinquante-cinq millions six cents cinquante mille francs CFA (55 650 000 F). Pour des raisons de commodité, certaines caractéristiques des maisons comme, la nature des matériaux utilisés pour fabriquer les portes et fenêtres n’ont pas été mentionnées dans le tableau. Il faut préciser que les ouvertures des cinq villas sont en bois pour les portes et en lames de NACO pour les fenêtres.
2.3.2.3. Perte des produits d’élevage
Le père de famille qui a perdu ses trois filles a aussi perdu trois cents (300) poules pondeuses et les œufs de son élevage qu’il pratiquait dans sa maison. Cette perte se chiffre à environ un million cinq cents mille francs CFA (1 500 000 F CFA). 2.4. Orientations pour une gestion durable des inondations Les solutions pour faire face aux inondations dans le quartier d’Avénou passent par un déplacement des populations qui occupent le fond de la dépression et la construction d’un bassin d’orage.
2.4.1. Déplacement et réinstallation des populations victimes d’inondations
Les solutions mises en œuvre par les pouvoirs publics pour venir en aide aux sinistrés (distribution de vivres, de nattes et l’hébergement provisoire des sinistrés sur le site d’Agoè-Logopé) sont louables, mais insuffisantes. Elles doivent être suivies d’actions décisives dans le cadre d’une politique volontariste de réinstallation des sinistrés et d’assainissement généralisé des quartiers sujets aux inondations. D’usage, le déguerpissement des populations des zones d’inondations pour des raisons de construction de bassin d’orage, s’accompagne de leur indemnisation. Cette indemnisation qui se fait sur la base de la valeur des biens immobiliers à l’année d’acquisition, ne tient pas compte du niveau de vie de l’heure. Ce qui ne permet pas aux concernés de se reloger convenablement. Pour éviter ces déconvenues, après indemnisation des personnes sur la base du coût de la vie actuelle, l’Etat devrait leurs céder des portions de réserves administratives en tenant compte, bien sûr, de leur disponibilité et des besoins futurs. L’interdiction de l’occupation des dépressions dans les quartiers périphériques qui relèvent du domaine foncier rural doit être décrétée et mise en œuvre par des mesures coercitives.
2.4.2. Construction d’un bassin d’orage
L’aménagement d’un bassin d’orage dans une dépression sujette à des inondations relève d’une politique volontariste d’assainissement du site de la part des pouvoirs publics. Cette politique mise en œuvre par le gouvernement togolais depuis quelques années s’est traduite par la construction de bassins d’orage dans certaines grandes dépressions. Le type de bassin d’orage que nous proposons devrait être construit à l’issue d’études d’ingénierie prenant en compte les dimensions de l’impluvium et du volume d’eau moyen et extrême qui tombe sur cet impluvium. Ces études préalables qui ont sans doute fait défaut, lors de la construction des bassins d’orage d’Adidoadin et d’Agoè-Assiyéyé, permettront le dimensionnement du bassin d’orage sur la base du volume d’eau qui doit arriver dans ce bassin. Ce bassin d’orage doit disposer de deux compartiments : le premier est un bassin de décantation et le second un bassin de stockage de l’eau (figure 5).
La charge de fond des eaux de ruissellement se dépose dans le bassin de décantation et l’eau débarrassée de particules grossières se déversent dans le bassin de rétention situé en contre-bas. De 2 m de profondeur, d’une longueur égale à celle du côté du bassin et de 3 m de large, ce compartiment va réduire la sédimentation dans le bassin d’orage, ce qui permettra d’optimiser son fonctionnement. Un curage régulier du compartiment de décantation est nécessaire pour le bon fonctionnement de l’ensemble de l’aménagement. Le compartiment de décantation doit être muni d’une grille d’arrêt de gros éléments flottants et être installé sur chaque côté du bassin de rétention dès que celui-ci est équipé de déversoirs d’eau de ruissellement.
3. Discussion
L’étude de l’hydrodynamique de la dépression fermée d’Avénou révèle qu’elle est alimentée essentiellement par les eaux de ruissellement et en partie par les écoulements hypodermiques de la nappe du continental terminal, lorsque celle-ci est suffisamment chargée en saisons de pluies. Cette alimentation en eaux de la dépression uniquement en périodes humides est le facteur qui explique son assèchement entre les averses séparées de plusieurs jours sans pluies et surtout en saisons sèches. Ces conditions hydriques ont favorisé l’occupation du fond de cette dépression, contrairement aux autres gorgées d’eau toute l’année (T. Y. Gnongbo, 2017, p. 50), (D. Bawa, 2019 b, p. 8). Les eaux de ruissellement s’engouffrent dans la dépression par le truchement d’un réseau de rues qui sont de véritables chenaux d’écoulement, parfois à caractère torrentiel. La rue 101 Totsi et la rue 99 Soviépé de 600 m de long chacune pour une pente de 8% ont contribué substantiellement à la décharge d’un volume d’eau importante dans la dépression. En effet, comme l’ont relevé les travaux du CTFT (1979, p. 26), « plus la pente est longue, plus le ruissellement s’accumule, prend de la vitesse et de l’énergie… ».
Cette hydrodynamique superficielle des dépressions par le biais des rues a été cartographiée par P. Adjoussi, K. N’Kéré et E. Sourou (2017, p. 32) dans le quartier de Agoè-Zongo, où la mollesse de la topographie a défini de nombreuses dépressions chargées d’eau qui inondent ce quartier en saisons de pluies. Au sujet des rues jouant le rôle de chenaux d’écoulement, T. Y. Gnongbo (2017, p. 53) écrit :
Par ailleurs, l’aménagement des rues en vue de faciliter la circulation et leur imperméabilisation ont contribué à l’augmentation du ruissellement et un remplissage rapide des dépressions fermées en période de pluies, d’où les inondations observées çà et là dans ces dépressions.
L’inondation du 16 au 17 mars 2019 dans la dépression d’Avénou est en lien avec les pluies qui déclenchent le ruissellement en direction de ladite dépression. Les périodes d’inondations dans cette zone déprimée sont les mois de juin et octobre qui sont les mois les plus pluvieux, respectivement de la grande saison des pluies (mi-mars à mi-juillet) et de la petite saison (mi-septembre à mi-novembre). Ces inondations classiques passent souvent inaperçues, à cause de leur faible ampleur, imprimée par des pluies de faible à moyenne intensité. Elles sont supportables par les riverains à travers des stratégies d’adaptation (sacs de sables en guise de protection et autres). Mais les pluies exceptionnelles du mois de mars 2019, ont déjoué toutes ces stratégies, tant leur forte intensité a surpris les populations réveillées dans la nuit du 16 au 17 mars par une inondation jamais enregistrée dans cette dépression. Si la pluie du 16 au 17 mars (95,5 mm en deux heures) marque le début de la saison des pluies, selon le schéma de distribution annuelle des précipitations, celle du 6 mars avec sa hauteur de 95,7 mm sur la même durée, par contre sort de l’ordinaire. Il apparait, au regard du caractère brutal et exceptionnel de ces pluies qu’elles s’inscrivent dans le contexte actuel du dérèglement climatique, comme l’ont relevé également K. O. Békou (2005, p. 58), T. Y Gnongbo (2017, p. 58) et D. Bawa (2019 b, p. 6).
S’il est vrai que les pluies abondantes sont la cause des inondations dans les topographies déprimées, celle relevée dans la dépression d’Avénou du 16 au 17 mars 2019 certes s’inscrit dans ce schéma hydrodynamique, mais son caractère catastrophique est lié à des aménagements inopportuns. En effet tout aménagement tendant à canaliser et accélérer les eaux de ruissellement ou à empêcher leur circulation imprime une nouvelle dynamique aux mécanismes de surface qui se solde par une rapide montée des eaux dans les zones déprimées. Ces perturbations de la circulation des eaux de ruissellement sont à l’origine du drame qui s’est joué dans la nuit du 16 au 17 mars, lors de l’inondation à Avénou. Au sujet des perturbations anthropiques qui influencent la dynamique hydrique du milieu physique, K. S. Klassou (2014, p. 10) précise que : « Ces perturbations provoquent sans doute la montée rapide des crues et le débordement inhabituel des eaux quand on sait que le lit du cours d’eau est avant tout le principal vecteur de l’écoulement ». D. Bawa (2017a, p. 19) a relevé aussi dans la ville d’Atakpamé au Togo les incidences des aménagements sur la dynamique hydrologique du cours d’eau Eké qui se sont soldées par des inondations catastrophiques. Certes, le contexte morphologique n’est pas le même que celui de la zone d’étude du présent article, mais ceci démontre à suffisance que l’homme en aménageant un milieu, il lui imprime une nouvelle dynamique qui engendre des dysfonctionnements, avec à la clé des impacts négatifs sur son cadre de vie.
Les conséquences de l’inondation du 16 au 17 mars sont lourdes au regard du décès des trois fillettes et des dégâts matériels chiffrés en partie à cinquante-sept millions cent cinquante mille francs CFA (57 150 000 F CFA). Ce cortège de dégâts des eaux sont relevés par K. S. Klassou (1997, p. 226), Bawa (2017a, p. 20) et Bawa (2019 b, p. 13). Les solutions pour mettre fin à ces inondations, parfois meurtrières, passent par l’aménagement des bassins de rétention. Cette préoccupation qui est aussi celle des auteurs comme : D’Almeida (2016) cité par T.Y. Gnongbo (2017, p. 59) et D. Bawa (2019 b, p. 15) ont été prises en compte par les pouvoirs publics qui ont entamé depuis 2009 la construction de bassins d’orage dans les dépressions majeures de la ville de Lomé. Néanmoins, il faut relever que certains de ces ouvrages hydrauliques connaissent des dysfonctionnements liés à leur sous-dimensionnement (T. Y. Gnongbo, 2017, p. 57) qui engendrent plutôt des inondations chaque année. Au nombre de ces bassins d’orage se trouve celui d’Adidoadin appelé communément bassin de "Caméléon" et d’Agoè-Assiyéyé dit "Deux-Lions". Une nouvelle génération de bassins d’orage, composée de deux compartiments (un bassin de décantation bordant un bassin de rétention), construits sur la base des travaux d’ingénierie sérieux est nécessaire pour mettre fin à ce paradoxe et juguler les inondations qui impactent les populations riveraines ((D. Bawa 2019 b, p. 18)).
Conclusion
Les inondations dans la dépression d’Avénou à sec en début de la saison de pluies à l’instar des autres dépressions de Lomé sont le fait de paramètres intrinsèques à ces dépressions, aux précipitations et aux aménagements souvent mal conçus. L’hydrodynamique de cette dépression, caractérisée par une prépondérance des déversements d’eaux de ruissellement et une faible recharge de la nappe locale, en a fait un secteur à bâtir, à cause de son hydromorphie temporaire. Sous l’emprise des bâtiments de tout standing, le sol de cette dépression s’est compacté, favorisant un fort ruissellement par le biais des rues au détriment de l’infiltration dont la péjoration est à l’origine de la concentration des eaux.
Ces conditions hydrodynamiques sont favorables à la survenue des inondations, pour peu que les précipitations atteignent un seuil de 100 mm en quelques heures. Il ressort de cette étude que si les inondations des trente dernières années sont passées inaperçues du fait de leur faible ampleur, celle du 16 au 17 mars 2019 d’une ampleur jamais égalée a attiré l’attention des médias, des pouvoirs publics et des ONG. Déclenchée par la conjonction des effets de la pluie du 6 mars et celle du 16 au 17 mars, elle a affecté un espace égal de 4 ha englobant plusieurs dizaines de ménages. L’amplification des effets destructeurs de cette inondation est due à des aménagements inopportuns qui ont perturbé le bon fonctionnement de l’écoulement des eaux de ruissellement et entrainé l’écroulement des murs de concessions. La mort des trois fillettes qu’on a déplorée est imputable à cet écroulement des murs de même que les nombreux dégâts enregistrés.
Les suggestions pour une gestion durable de cet aléa à l’issue de cette étude sont relatives au déplacement et à la réinstallation des personnes sinistrées dans des réserves administratives agréées par les services de l’urbanisme et de l’habitat et la construction d’un bassin d’orage en adéquation avec le volume d’eau maximum qui tombe sur l’impluvium. Ceci permettra de sortir du cercle infernal de bassins d’orage sous-dimensionnés qui engendrent plutôt plus de problèmes liés aux inondations récurrentes qu’ils n’en résolvent.
Références Bibliographiques
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PNUD (1975), Prospection des eaux souterraines dans la zone côtière Togo. Conclusions et recommandations du projet. Nations Unies, New York, 89 p.
Auteurs
1Université de Lomé, Département Géographie, dangnissobawa@hotmail.fr
2Université de Kara, Département de Géographie, kankpenang1@gmail.com
3Université de Lomé, Département Géographie, abidjo81@gmail.com
4Université de Lomé, Département Géographie, gnongboty@gmail.com