Évaluation de la durabilité socio-territoriale des fermes modernes dans la commune de Sakété au Bénin

Résumé

L’agriculture durable doit être une agriculture économiquement viable, écologiquement saine et socialement équitable. Mais, la sensibilisation des acteurs au Bénin est plus accentuée sur les deux premiers volets que sur le social. C’est pour réduire cette inégalité que la présente recherche vise à évaluer la durabilité socio-territoriale des fermes modernes dans la commune de Sakété. La méthode adoptée dans le cadre de cette étude est celle des Indicateurs de Durabilité des Exploitations Agricoles (IDEA) de Vilain (2008) qui a permis d’évaluer la durabilité socio-territoriale des onze fermes modernes du secteur d’étude. C’est une méthode de scoring qui permet de mesurer la performance de l’exploitation agricole à un moment donné, à travers ses caractéristiques socio-territoriales en proposant une grille d’indicateurs regroupés en trois composantes. L’analyse des résultats révèle que le score moyen de l’échelle de durabilité socio-territoriale des fermes modernes de la commune de Sakété en 2018 est de 80,92/100. Ce score témoigne d’une bonne durabilité socio-territoriale de ces fermes. Mais il faut noter que ce score est atteint grâce à la composante ‘‘éthique et développement humain’’ qui y a contribué avec un score de 33,66/34. La composante ‘‘emploi et service’’ y a contribué avec un score de 25,54/33. S’agissant de la composante ‘‘qualité des produits du territoire’’, elle est celle qui a le moins contribué à cette durabilité. Elle y a participé avec un score de 21,72/33. Ce score est principalement dû à l’indicateur ‘‘accessibilité de l’espace’’ avec un faible score de 2,36/5, soit 47,20 %. Cet indicateur constitue donc un facteur limitant à la durabilité socio-territoriale des fermes modernes de la commune. Ainsi, les fermiers du secteur d’étude doivent se donner davantage aux pratiques qui contribuent aux actions entrant dans le cadre d’aide à la société.

Abstract

Sustainable agriculture must be economically viable, ecologically sound and socially equitable agriculture. But today, the sensitization of the actors is more accentuated on the first two parts than on the social one. It is to reduce this inequality that the present research aims to evaluate the socio-territorial sustainability of modern farms in district of Sakété. The method adopted as part of this research is that of the Vilain Agricultural Sustainability Indicators (IDEA) (2008), which enabled this dimension of sustainability to be assessed on the eleven modern farms in the study area. It is a scoring method that measures the performance of the farm at a given moment, through its socio-territorial characteristics by proposing a grid of indicators grouped into three components. The analysis of the results reveals that the average score of the socio-territorial sustainability scale of the modern farms in district of Sakété in 2018 is 80,92 / 100. This score reflects the good socio-territorial sustainability of these farms. But it should be noted that this score is achieved thanks to the component '' ethics and human development '' which contributed with a score of 33.66 / 34. The employment and service component contributed with a score of 25.54 / 33. As for the '' product quality of the territory '' component, it is the one that has contributed the least to this sustainability. She participated with a score of 21.72 / 33. This score is mainly due to the indicator '' accessibility of space '' with a low score of 2.36 / 5, or 47.20 %. This indicator is therefore a limiting factor to the socio-territorial sustainability of modern farms in the municipality. For example, farmers in the study area need to be more involved in practices that contribute to actions that fall within the framework of support for society.

Introduction Dans le contexte mondial d’adoption de mesures visant l’agriculture durable, force est de constater que dans les pays de l’Afrique subsaharienne en général, et au Bénin en particulier, les agriculteurs adoptent des pratiques incompatibles à la durabilité de l’agriculture. Parmi ces pratiques, il y a la culture sur brûlis et l’usage massif d’intrants chimiques qui sont responsables, le plus, de la baisse de la fertilité des sols au Bénin. La baisse de fertilité des sols laisse des effets directs sur les rendements des cultures, suscitant des inquiétudes pour la survie des communautés (R. Diogo et al., 2018, p.5). Hormis ces pratiques, il y a également la sélection et l’adoption des semences de variété améliorée conduisant à la disparition des variétés traditionnelles.

Avec ces pratiques, l’agriculture provoque à court et moyen terme une dégradation quasi irréversible des terres et des écosystèmes (E. Houngbo, 2008, p.37) sur l’ensemble du territoire national et spécifiquement dans la commune de Sakété qui n’est pas épargnée par cette situation en raison de la disponibilité de terres favorables à la culture des denrées alimentaires. Les exploitants agricoles se plaignent de la pauvreté de leurs sols car les rendements agricoles baissent considérablement malgré des investissements en temps de travail de plus en plus élevés, ce qui entraine la baisse des revenus agricoles (E. B. Oguidi, 2017, p.72).

Pour assurer la durabilité de l’agriculture non seulement sur le plan agro-écologique et économique, mais aussi sur le plan social, le besoin d'améliorer la productivité de la terre et du travail apparaît comme une priorité. A ces besoins, s’ajoute la nécessité de préserver les ressources naturelles et la biodiversité par la promotion des modes d'exploitations durables et reproductibles. Cette réalité s'impose lorsqu'on sait que le déclin des rendements de cultures résulte de la dégradation progressive des terres. Cette étude vise à évaluer la durabilité socio-territoriale des fermes modernes de la commune de Sakété sur lesquelles des pratiques agricoles adoptées sont encore acceptables sur le plan environnemental selon E. B. Oguidi (2017, p. 119). De plus, elles sont pourvoyeuses d’emplois et le poids des services marchands ou non marchands qu’elles rendent au territoire et à la société est non négligeable. Raison pour laquelle, il est nécessaire d’évaluer au plus tôt l’échelle de durabilité sur ces fermes afin d’attirer l’attention des acteurs sur les bonnes pratiques afin d’éviter des situations irréversibles qui mettraient à mal, non seulement, le bien être des fermiers (exploitants), mais aussi, les employés qui y travaillent ainsi que la société qui bénéficie de leurs services. La commune de Sakété est située entre 6°36’20’’ et 6°55’ 34’’ de latitude nord et 2°33’24’’et 2°47’ 31’’ de longitude est (figure 1).

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La commune de Sakété est limitée au nord par la commune d’Adja-Ouèrè ; au Sud-ouest par la commune d’Adjohoun, au Sud-est par celle d’Ifangni, à l’est par la République Fédérale du Nigéria et à l’ouest par le département du Zou.

1. Méthodologie

La méthode utilisée dans cette étude est celle des Indicateurs de Durabilité des Exploitations Agricoles (IDEA) de vilain (2008). Cette méthode a été choisie car il s’agit d’un essai de quantification de la durabilité. C’est une méthode qui analyse les forces et les faiblesses du système de production au niveau de l’exploitation sans jugement de valeur. De plus, les indicateurs cités dans la méthode caractérisent les concepts-clés issus de la définition d’une agriculture durable. C’est un outil pédagogique qui vise à intégrer un ensemble d’indicateurs illustrant les divers concepts de l’agriculture durable pour servir d’outil d’évaluation de la durabilité et d’aide à la décision. Cette méthode permet de faire une évaluation de la durabilité au niveau de l’exploitation, dans ses composantes économique, écologique et sociale (L. Vilain, 2008, p.37). La méthode IDEA a été créée en 2000 en France et a été rééditée en 2003 et 2006. L’hypothèse de départ est qu’il est possible de quantifier les diverses composantes d’un système agricole en leur attribuant une note chiffrée, puis de pondérer et d’agréger les informations obtenues pour obtenir un score de l’exploitation par rapport à trois échelles qualifiant la durabilité : une échelle agro-écologique, une échelle socio-territoriale et une échelle économique. Quant à l’évaluation de la durabilité socio-territoriale, elle est basée sur dix-huit (18) indicateurs organisés en trois composantes (tableau 1).

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L’échelle socio-territoriale se réfère à l'éthique et au développement humain, caractéristiques essentielles des systèmes agricoles durables. Elle caractérise l'insertion de l'exploitation dans son territoire et dans la société. Elle permet d’évaluer la qualité de vie de l’agriculteur et le poids des services marchands ou non marchands qu’il rend au territoire et à la société. En ce sens, elle permet une réflexion sur des enjeux dépassant la seule exploitation agricole. Les deux premières composantes de la durabilité socio-territoriale (qualité des produits, emploi et services) ont le même poids et sont plafonnées à 33 sur une échelle maximale de 100, la troisième (éthique et développement humain) quant à elle est plafonnée à 34 sur 100. En pratique, cette échelle associe et pondère des pratiques et des comportements quantifiables avec des éléments plus qualitatifs (tels que la qualité architecturale du bâti, la qualité paysagère des abords). Certaines valeurs d’indicateurs comme la pérennité probable, l’intensité de travail, la qualité de vie et le sentiment d’isolements ont auto-déclaratives et estimées par l’agriculteur. Quelques indicateurs ont trait à la famille et non à l’exploitation agricole stricto-sensu pour tenir compte de l’importance du lien famille-exploitation dans l’analyse de la durabilité des systèmes agricoles. En effet, au-delà des seules finalités économiques, le projet de vie et d’innombrables liens relationnels interfèrent également avec la vie de l’exploitation agricole.

1.1. Données collectées

Selon les modalités de détermination du niveau de durabilité socio-territoriale proposées par la méthode IDEA, les données recherchées pour l’évaluation de la durabilité socio-territoriale des fermes concernées sont présentées dans le tableau 2 en fonction de chaque indicateur de durabilité.

Tableau 2 : Données pour l’évaluation de la durabilité socio-territoriale

Indicateurs

Données

Démarche de qualité

  • produit labellisé
  • Agriculture biologique 

Valorisation du patrimoine bâti et du paysage

  • Présentation du bâti
  • Présentation des abords et du paysage de l’exploitation

Gestion des déchets non organiques

  • Devenir des contenants des produits de traitement et des sacs d’engrais

Accessibilité de l’espace

  • Distance entre maison et champ (praticabilité et accessibilité)

Implication sociale

  • Structures associatives et /ou électives appartenues (responsabilité)

Valorisation par filières courtes

  • Chiffre d’affaires
  • provenance et quantités achetées par les clients

Autonomie et valorisation des ressources locales

  • Lieux de pâturage du bétail 
  • Provenance des engrais organiques utilisés 
  • Origine des semences utilisées

Services, pluriactivité

  • Services rendu au territoire et à la société 
  • Conditions de réception de stagiaire 

Contribution à l'emploi

  • Statistiques de la main d’œuvre familiale et salariale

Travail collectif

  • Structuration de la main d’œuvre salariale

Pérennité probable

  • Devenir de l’exploitation dans 10 ans : motivations de la réponse 

Contribution à l’équilibre alimentaire mondial

  • Proportion de plante à protéines produites

Bien-être animal

  • Auto-estimation de la capacité d’accès à l’eau propre, du confort au champ, de l’état physique du cheptel
  • Auto-estimation du confort dans les bâtiments d’élevage

Formation

  • Formations reçues par le chef d’exploitation et personnel : nombre de jours dans l’année
  • Nombre de stagiaire et de groupe de professionnel accueillis : conditions de séjours

Intensité de travail

  • Nombre de semaine de travail très intense

Qualité de la vie

  • Auto-estimation du degré d’épanouissement

Isolement

  • Auto-estimation du sentiment d’isolement géographique, social et  culturel

Accueil, Hygiène et Sécurité

  • Local de stockage des pesticides : conformité aux recommandations

                                  Source : Vilain, 2008

1.2. Techniques et outils de collecte des données

Les techniques de collecte de données utilisées se résument à l’enquête par questionnaire et à l’observation directe sur le terrain. Onze fermes modernes ont été identifiées dans le cadre de cette étude dans la commune de Sakété et l’ensemble des onze propriétaires de ces fermes a été soumis à un interrogatoire à travers un questionnaire. Les caractéristiques d’une ferme moderne ont été définies à partir des critères définis par la FAO (2000, p. 28). Ainsi, est considérée comme ferme moderne dans la commune de Sakété, les exploitations qui répondent aux conditions suivantes :

-avoir une activité diversifiée (polyculture-élevage-transformation) ;

-associer production, transformation et commercialisation des produits ;

-disposer d’un minimum de 05 hectares ;

-utiliser des machines agricoles sur l’exploitation ;

-disposer d’un bâtiment sur l’exploitation ;

-disposer d’un abri pour les animaux élevés.

Les outils et matériels utilisés sont : le questionnaire, la grille d’observation et un GPS pour géoréférencer les fermes modernes étudiées.

1.3. Traitement des données et analyse des résultats

A l’issue des investigations, le dépouillement des données recueillies a été fait manuellement. Le score de chaque indicateur lui a été affecté en fonction des éléments recherchés dans chacune des variables que comporte cet indicateur. Pour le premier indicateur (démarche de qualité) par exemple, le score plafond est de 10 points. Cet indicateur comporte deux variables : Agriculture biologique (7 points) ; produit labellisé (3 points). Ainsi, dès qu’une ferme adopte une agriculture biologique, elle enregistre un score de 7 points. Au cas contraire, le score de cette variable est de 0 point. De même, si le ou les produits fabriqués sur la ferme sont labellisés, cette variable bénéficie des 3 points. Au cas contraire, elle enregistre 0 point. C’est de cette manière que tous les indicateurs quantitatifs de l’échelle socio-territoriale ont été évalués selon le score proposé par la méthode IDEA. Pour ce qui est des indicateurs qualitatifs, leurs données ont été exprimées sous forme de sentiment et sont obtenues par auto-estimation du fermier comme l’a souhaité la méthode. Il s’agit par exemple des indicateurs B16 (Qualité de vie) et B17 (Isolement) de l’axe socio-territorial. Sur la question de l’isolement (B17), si par exemple la réponse d’un fermier est la suivante : « il existe une franche collaboration avec les collègues, voisin et membres de la famille. Donc je ne sens aucun isolement tant sur le plan géographique, social que culturel », alors, cette ferme bénéficiera de la totalité des points affectés à cet indicateur, soit 3 points. Si ce dernier ne ressent pas cette collaboration, alors le score de cet indicateur est de 0 point. Selon la méthode IDEA de Vilain (2008), l'autoévaluation est la seule façon d'évaluer les variables qui n'ont aucune norme officielle de « socialement équitable ». L’exploitant agricole se note lui-même et donne les arguments qui motivent cette note.

Après l’évaluation de chaque indicateur, comme expliqué ci-dessus, il est procédé au calcul de durabilité de la ferme en faisant le cumulé d’unités élémentaires (score de chaque indicateur) de durabilité obtenues par chaque indicateur.

Pour apprécier, enfin, le niveau de durabilité exprimé par chacun des indicateurs, la formule suivante est appliquée :

100 × Note obtenue / Valeur plafond pour apprécier leur contribution à l’échelle de durabilité exprimé par les composantes et l’échelle socio-territoriale.

La note moyenne d’un indicateur sur l’ensemble des fermes étudiées est le rapport entre la somme des notes enregistrées par cet indicateur sur l’ensemble des fermes étudiées, soit 11 fermes. Pareil pour les composantes. Pour finir, la sommation des notes moyennes des trois composantes constitue le score moyen de durabilité socio-territoriale des 11 fermes. Si ce score est supérieur à un taux de 50 % sur une ferme, alors elle est moyennement durable pour cette échelle. La durabilité n’est parfaite que si le taux du niveau de durabilité est de 100% (ce qui est très rare).

Les données obtenues à partir de la série de questionnaires ont été codifiées et soumises à une analyse statistique descriptive à l’aide du logiciel statistique « Statistical Package for the Social Sciences » (SPSS) 16.0. Ce logiciel a permis de calculer des moyennes, des valeurs minimales et maximales puis des fréquences à partir des scores obtenus. Ce qui a permis d'avoir des tableaux croisés et d’apprécier la contribution des composantes à la durabilité à travers l’Analyse en Composantes Principales (ACP).

2. Résultats

2.1. Localisation des fermes modernes de la commune de Sakété

La figure 2 montre la répartition spatiale des fermes modernes dans la commune de Sakété. L’analyse de la figure 2 montre que six fermes modernes ont été identifiées dans l’arrondissement d’Aguidi (2, 5, 7, 8, 9 et 10), une dans l’arrondissement d’Ita-Djèbou (6), trois dans l’arrondissement de Sakété 1 (1, 4, 11) et une dans l’arrondissement de Takon (3). L’ensemble de ces fermes couvre une superficie de 561 ha.

2.2. Durabilité socio-territoriale des fermes modernes de la commune de Sakété

Le tableau 3 présente les scores moyens de durabilité socio-territoriale pour l’ensemble des fermes modernes de la commune de Sakété selon les indicateurs et les composantes. L’analyse du tableau 3 montre que le score moyen obtenu pour l’axe socio-territorial sur l’ensemble des fermes modernes dans la commune de Sakété est de 80,92/100. Ce résultat traduit une bonne durabilité socio-territoriale actuelle de ces fermes. Mais, certains indicateurs des trois composantes que constitue cet axe participent faiblement à cette durabilité. La figure 3 montre, en pourcentage, le niveau de durabilité exprimé par les indicateurs de la composante « qualité des produits du territoire ».

La figure 3 présente le niveau de durabilité des indicateurs de la composante ‘‘qualité des produits du territoire’’. L’analyse de la figure montre que la qualité des produits issus des fermes modernes de la commune de Sakété est acceptable. Mais aucun de ces produits n’est labellisé. De même, les anciens bâtis des fermes et les abords des fermes sont, à 62,50 % entretenus par les fermiers.

La planche 1 présente un ancien bâti sur une ferme à Dagbao (photo 1.1) érigé en 1999 et un bâtiment construit en matériaux définitif sur une ferme à Ikpédjilé (photo 1.2).

La photo 1.1 présente un ancien bâti érigé avec de l’argile sur une ferme à Dagbao. Cette habitation, selon le fermier, était couverte, au départ, des branches de palmier. Mais, au bout de deux ans, les revenus issus de l’élevage des poulets locaux et pondeuses, de la transformation des tubercules de manioc en farines de gari et du maraîchage qui s’élevaient à environ 3.500.000F lui ont permis de construire une habitation avec une toiture en tôles, de peur que le feu n’embrase les branches du palmier qui servaient de couverture, étant donné que le bâtiment continuait d’héberger certains membres de la famille qui habitent la ferme. Sur ces fermes, les déchets sont également revalorisés. De la même manière, les fermiers ont une grande implication sociale. Ils ont la culture d’appartenir et de militer dans une structure associative et /ou élective. Par contre, l’accessibilité de l’espace à ces fermes présente un faible score (2,36/5), soit 47,20 % de contribution à la durabilité de cette composante. Il constitue donc un facteur limitant de cette composante. La planche 2 présente deux voies qui mènent sur la ferme ‘‘Alihodé’’ à Dra, dans l’Arrondissement de Takon.

La photo 2.1 de la planche 2 montre la voie (en latérite) qui mène dans le village ‘‘Dra’’ et celle 2.2 montre la voie qui conduit sur la ferme elle-même, située à 1 km environ du village. A travers ces deux photos de la planche 2, on remarque que les voies ne sont pas totalement praticables avec aisance, mais les véhicules (des acheteurs) arrivent quand même à se frayer un chemin pour convoyer les marchandises achetées sur la ferme, car les ventes se font, en grande partie, directement sur la ferme.

La figure 4 présente le niveau de durabilité exprimé par les indicateurs de la composante ‘‘emploi et services’’. L’analyse de la figure 4 montre que les indicateurs ‘‘valorisation par filière courtes’’ (71,42 %) et ‘‘autonomie et valorisation des ressources locales’’ (84,50 %) ont bien contribué à la composante ‘‘emploi et services’’. Mieux, ces fermes créent d’emplois (temporaire et contractuel) non négligeables et sont aussi certaines d’exister à long terme. Ce qui a valu une contribution totale (100 %) de ces deux indicateurs (contribution à l’emploi et pérennité probable) à cette composante. Par contre, les indicateurs ‘‘services pluriactivité’’ (38 %) et ‘‘travail collectif’’ (23,60 %), participent faiblement au développement de cette composante.

La figure 5 présente le niveau de durabilité exprimé par les indicateurs de la composante « composante éthique et développement humain ».

L’analyse de la figure 5 montre que l’ensemble des fermes modernes de la commune de Sakété participent au développement humain de la commune. La qualité de vie ainsi que le bien-être animal sont plus ou moins respectés sur ces fermes. De même, l’accueil des stagiaires, leur hygiène et sécurité, ainsi que la formation qui leur est donnée sur ces fermes sont acceptables. Même si certains aspects restent à améliorer. Il est aussi à noter que ces fermes contribuent, à 92,70 % des résultats obtenus, à l’équilibre alimentaire mondial, de par les différentes pratiques qu’elles adoptent et la qualité des produits qui y sont issus. Le tableau 4 et la figure 6 présente respectivement la contribution des composantes et l’Analyse en Composantes Principales (ACP) sur l’échelle socio-territoriale.

Légende :

Fmsak= Ferme Moderne Sakété

Compo 1= Composante ‘‘qualité des produits du territoire’’

Compo 2= Composante ‘‘Emploi et services’’

Compo 3= Composante ‘‘Ethique et développement humain’’

L’analyse de la figure 6 révèle que l’axe 1 prend en compte 39,436 % des informations, contre 31,986 % pour l’axe 2. La composante 1 est représentée sur l’axe 2 alors que les composantes 2 et 3 sont représentées sur l’axe 1. La représentation et le positionnement de ces deux composantes permettent de déduire que les fermes modernes de la commune de Sakété sont pourvoyeurs d’emplois et contribuent au bien-être, non seulement des fermiers eux-mêmes, mais aussi et surtout des employés engagés. Par contre, la non labellisation des produits issus de ces fermes porte atteinte à la composante « qualité des produits du territoire ».

Ce constat est matérialisé par la figure 7 qui présente le niveau de durabilité exprimé par les trois composantes de l’axe ‘‘socio-territorial’’. Avec un score moyen de 80,92/100, l’échelle de durabilité socio-territoriale sur les fermes modernes dans la commune de Sakété contribue positivement à la durabilité de ces fermes. Ce score est atteint grâce à la composante « éthique et développement humain » qui y a contribué avec un score de 33,66/34, soit un pourcentage de 99 %. Tous les indicateurs de cette composante ont atteint la moyenne même si des efforts restent à fournir, principalement au niveau des indicateurs ‘‘intensité de travail’’, ‘‘bien-être animal’’ et qualité de vie’’. La composante ‘‘emploi et service’’ a contribué à cette durabilité avec un taux de 77,36 %. Contrairement à la composante ‘‘éthique et développement humain’’, deux indicateurs de celle-ci ont présenté un score très faible. Il s’agit des indicateurs ‘‘services pluriactivité’’ et ‘‘travail collectif’’ qui y ont contribué avec des taux respectifs de 38 % et 23,60 %. En dessous de la moyenne donc. Ces indicateurs ont participé très faiblement à la durabilité socio-territoriale des fermes modernes de la commune de Sakété et constituent, par conséquent, des facteurs limitants de durabilité socio-territoriale de ces fermes.

Avec un taux de 65,81 %, la composante ‘‘qualité des produits du territoire’’ est celle qui a le moins contribué à la durabilité de cette échelle. Ce taux est principalement dû à l’indicateur ‘‘accessibilité de l’espace’’ avec un faible score de 2,36/5, soit 47,20 %. Ainsi, toutes les voies qui mènent sur les fermes souffrent d’aménagement. Aussi, les produits issus de ces fermes ne sont-ils pas labellisés. Les anciens bâtis sont détruits sur certaines fermes pour être reconstruits et servir à d’autres fins, comme des magasins, des résidences des stagiaires, etc. ou conservés et mis en valeur sur d’autres fermes.

3. Discussion

« Au-delà des enjeux environnementaux, le type, la qualité et la destination des produits générés, l’atteinte d’objectifs économiques ou de transferts sociaux, les conditions de travail et de qualité de vie des acteurs engagés, l’insertion dans un territoire (maintien ou création de liens sociaux, participation à un projet, contribution à une identité, apport de plus-value, etc.) sont autant de domaines qui méritent d’être examinés » (M. Terrier, 2009, p.53). La durabilité de 30 exploitations laitières a été évaluée par N. M’Hamdi et al. (2009, p.224) en utilisant la méthode IDEA en Tunisie. Les fermes enquêtées se caractérisaient par une durabilité dont la valeur limitante est permise par l’échelle socio-territoriale. A l’intérieur de celle-ci, le levier d’action réside dans l’amélioration de la composante « Emploi et services » (services, contribution à l’emploi et travail collectif). Le score de cette durabilité est de 52,5. « Ce score n’est pas si élevé en raison du manque de formation et de la faible note de la composante “ emploi et services ” ». Ce résultat va dans le même sens que les résultats de C. Gamborg et P. Sandoe (2003, p.10). Le manque ou l’insuffisance de connaissances techniques est parfois à l’origine de ces résultats. De même, les résultats de Nyore et al., (2017, p. 97) sur la durabilité des exploitations agricoles familiales de la zone cotonnière du Cameroun, montrent que la durabilité socio-territoriale est celle qui limite la durabilité globale des exploitations agricoles étudiées du fait que les exploitants misent plus sur la rentabilité économique de leurs exploitations. A cet effet, des sensibilisations méritent d’être effectuées à l’endroit de ces derniers.

De manière générale, les exploitations dégagent un faible niveau de durabilité sociale et ce, dans presque tous les terroirs. La moyenne des notes obtenue pour l’échelle de durabilité socio-territoriale dans les quatre terroirs de l’étude représente 46,4 % de la note théorique maximale. Toujours dans le même sens, les études de F.D.O. Topanou-Ligan (2015, p.194) ont montré que les exploitations bénéficiaires du Programme de Promotion de la Mécanisation Agricole (PPMA) dans la commune de Gogounou (au Bénin) remplissent très peu leur fonction sociale d'occupation du territoire, d'animation du monde rural et de transmission d'un patrimoine culturel spécifique. La durabilité socio-territoriale de ces exploitations présente un score de 39,6 sur 100 et constitue le facteur limitant pour cette durabilité. Mais, contrairement à ces résultats, le score de durabilité socio-territoriale obtenu sur les fermes modernes de la commune de Sakété est acceptable avec une note de 80,92 sur 100. Néanmoins, les indicateurs ‘‘Accessibilité de l’espace et ‘‘Services, pluriactivité’’ présentent des valeurs très faibles et constituent deux facteurs de blocage à cette durabilité.

Conclusion

Au terme de cette recherche, il faut retenir que les fermes modernes de la commune de Sakété ont une bonne durabilité socio-territoriale avec un score moyen de 80,92/100. Néanmoins, trois indicateurs des dix-huit que compte cet axe n’ont pu atteindre le score moyen. Il s’agit des indicateurs ‘‘accessibilité de l’espace’’, de la composante «qualité des produits du territoire» avec un score de 2,36 sur 5 puis ‘‘services, pluriactivité’’ et ‘‘travail collectif’’ de la composante «emploi et services» avec, respectivement, des scores de 1,90 sur 5 et 1,18 sur 5. Ces indicateurs constituent donc des facteurs limitants à la durabilité de cet axe. Il faut également noter qu’à l’exception des indicateurs ‘‘contribution à l'emploi’’ et ‘‘pérennité probable’’ de la composante «emploi et services» puis ‘‘accueil, hygiène et sécurité’’ de la composante «éthique et développement humain», qui ont atteint le score plafond, tous les autres indicateurs méritent d’être renforcés pour atteindre une durabilité socio-territoriale totale des fermes modernes de la commune de Sakété. En somme, sur le plan socio-territorial, les fermes modernes de la commune de Sakété rendent au territoire et à la société un service acceptable qu’il est, quand même, nécessaire d’améliorer.

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VILAIN Lionel, 2008, La méthode IDEA, Guide d’utilisation. 3è Ed. 185 p

 

 

 

Auteurs

1Département de Géographie et Aménagement du Territoire (DGAT), Université d’Abomey-Calavi (UAC), eugeneboguidi@gmail.com 2Département de Géographie et Aménagement du Territoire (DGAT), Université d’Abomey-Calavi (UAC), glelegisele@yahoo.fr 3Département de Géographie et Aménagement du Territoire (DGAT), Université d’Abomey-Calavi (UAC), liganfrancine2@yahoo.fr 4Département de Géographie et Aménagement du Territoire (DGAT), Université d’Abomey-Calavi (UAC), atohozin@yahoo.fr

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Catégorie de publications

Date de parution
31 déc 2019