Les enjeux sécuritaires dans l’espace maritime du Togo

Résumé

Le transport maritime représente une part importante des activités économiques du Togo. Plus de 80% des échanges commerciaux y transitent. Le port de Lomé, offre divers services portuaires au Togo et constitue une porte océane pour les pays du Sahel. Cependant, la recrudescence des actes illicites et la piraterie dans les espaces maritimes du Golfe de Guinée constituent une menace pour les activités portuaires du pays. Cette étude vise à analyser les enjeux de l’exploitation des eaux maritimes sous juridiction togolaise et les stratégies sécuritaires. Pour mener à bien cette étude, nous avons adopté une méthodologie fondée sur la recherche documentaire et les enquêtes de terrain effectués auprès des acteurs du transport maritime. Les résultats des investigations montrent que les enjeux dans les eaux sous juridiction togolaise sont d’ordre économique, social, et environnemental. En 2012, le Togo fut l’un des pays du Golfe de Guinée le plus touché par les attaques ou tentatives d’attaques avec 15 actes de piraterie. Les mesures sécuritaires mises en place par les autorités togolaises ont permis  de lutter contre les actes de pirateries maritimes depuis 2015. Ce faisant, les armateurs n’hésitent pas à fréquenter ces eaux pour diverses activités dont le transbordement.

Abstract

Maritime transport represents an important part of Togo's economic activities. More than 80% of commercial exchanges pass through it. The port of Lome, offers various port services in Togo and constitutes an ocean gate for the countries of the Sahel. However, the upsurge in illegal acts and piracy in the maritime areas of the Gulf of Guinea constitute a threat to the country's port activities. This study aims to analyze the challenges of the exploitation of maritime waters under Togolese jurisdiction and security strategies. To carry out this study, we adopted a methodology based on documentary research and field surveys carried out among maritime transport players. The results of the investigations show that the issues in the waters under Togolese jurisdiction are economic, social and environmental. In 2012, Togo was one of the Gulf of Guinea countries most affected by attacks or attempted attacks with 15 acts of piracy. The security measures put in place by the Togolese authorities have made it possible to fight against acts of maritime piracy since 2015. In doing so, shipowners do not hesitate to frequent these waters for various activities, including transhipment.

Introduction

Le secteur maritime occupe une place importante dans le développement des Etats côtiers. Parmi les 54 pays africains, 38 sont des Etats côtiers ou insulaires occupant un espace maritime qui couvre des Zones Economiques Exclusives (ZEE) d’une superficie de 13 millions de km2 avec un plateau continental de près de 6,5 millions de km2 (SIDE EVENTS, 2016, p. 25). Ces espaces supportent les activités maritimes du continent à travers l’exportation des matières premières vers l’occident et l’importation des produits manufacturés de l’occident vers les pays d’Afrique. Ces échanges commerciaux entre l’Afrique et le reste du monde représentent 92 à 97 % du commerce international (A. HARDING et al., 2007, p. 9).

Au Togo, l’espace maritime offre de nombreuses opportunités. Le Port de Lomé participe aux échanges internationaux en Afrique occidentale grâce à sa situation géographique régionale exceptionnelle (Y. KOMBATE, 2011, p. 5). Cet avantage maritime est menacé par les actes de piraterie, des activités illicites, de dégradation de l’environnement marin et de surexploitation des ressources qui déstabilisent les eaux sous-juridictions togolaises. En 2012, le Togo fut, après le Nigéria, le pays le plus touché de l’Afrique de l’Ouest et du centre en enregistrant 15 des 62 attaques, ou tentatives d’attaques, perpétrées dans la région (B. BLEDE et al., 2015, p. 1). La surpêche  dérégularise la production annuelle de poisson qui, comprise entre 20 000 et 25 000 tonnes, est déjà loin de couvrir les besoins de la population estimés à 70 000 tonnes par an selon D. ALI et al. (2012) cité par B. BLEDE et al. (2015, p. 3). De plus, le phénomène d’érosion en évolution rapide, avec des vitesses variant de 5 à 12 m/an (MERF (2015) cité par (ONAEM, 2016, p. 19) fragilise cette capacité de production halieutique.

A partir de ces constats, il se pose le problème de la gestion des biens et des personnes dans les eaux maritimes du Togo. Cette étude se propose ainsi d’analyser les enjeux sécuritaires dans les eaux maritimes sous juridiction togolaise. 

  1. Le cadre méthodologique

Le cadre méthodologique de cette étude est basé sur une approche quantitative et qualitative à partir de diverses variables obtenues par le biais de la documentation. A cet effet, plusieurs ouvrages ont été consultés afin de situer ce travail par rapport aux recherches scientifiques existantes et son apport dans l’éclaircissement d’un problème évident qu’est l’enjeu sécuritaire que représente la mer dans l’économie du Togo. Il s’agit des études de B. BLEDE et A. DIOUF (2016, p. 1), de ONAEM (2016, p. 19), de M. VIMENYO (2015, p. 12), de K.-A. FIAGAN (2014), de Y. KOMBATE (2011, p. 5), etc. Ces travaux participent à une meilleure compréhension de l’exercice des activités maritimes sur la côte togolaise. Malgré son étroitesse, cet espace occupe une position stratégique dans le Golfe de Guinée. C’est ce qui explique la recherche des facteurs qui sous-tendent le phénomène d’insécurité dans les eaux territoriales du Togo, les enjeux et les formes de stratégies à mettre en place pour y faire face. La collecte des données sur le terrain s’est faite à partir de l’observation, des interviews et de l’enquête de terrain. L’observation a permis d’appréhender l’enjeu sécuritaire que représentent les eaux territoriales dans le développement économique du Togo.

L’entretien semi-direct a été retenu pour la collecte des informations auprès des personnes ressources qui sont : les responsables du secteur maritime togolais et les pêcheurs du port de pêche de Lomé. Les personnes ressources retenues pour cette étude et leurs effectifs sont présentés dans le tableau 1.

Fig17_1.png

La répartition de ces personnes ressources s’est faite selon la catégorie d’acteur et aussi en fonction de leur activité. L’effectif a été choisi selon la disponibilité de ces différents acteurs à fournir les informations pour l’étude. Les résultats obtenus à partir de cette méthodologie sont présentés dans le développement qui suit.

  1. Les résultats

Les résultats issus de ce travail sont présentés en quatre rubriques. Ce sont, d’abord, la présentation de l’espace maritime togolais objet de l’insécurité, puis les conditions naturelles favorables de cet espace induisant diverses  activités socio-économiques et enfin, les menaces sur la sécurité de cet espace maritime.

    1. Présentation de l’espace maritime togolais

Le Togo est un petit pays situé dans l’hémisphère Nord et s’étend sur le Golfe de Guinée, entre 0° et 1° 40’ de longitude Est. Ce territoire modeste couvre une superficie de 56 600 km2 et s’étend entre 6° et 11° de latitude Nord. Le pays bénéficie d’un littoral d’une longueur de 50 km qui lui offre un espace maritime de 20 780 km2 (figure 1), soit environ 36 % de sa superficie terrestre (C. G. E. DEGBE, 2009, p. 14).

Fig17_2.png

D’après la figure 1, l’espace maritime du Togo est très petite comparer à celui du Bénin ou du Ghana. Cet espace couvre les eaux territoriales (la zone voisine au territoire riverain et s'étendent jusqu’à la limite maximale de 12 milles), la zone contigüe (d’une largeur de 12 milles), la zone économique exclusive située au-delà de la mer territoriale et s’étend à 200 milles nautiques des lignes de base et la haute mer  qui est  la partie des mers et océans qui n’est pas soumise à la juridiction des Etats côtiers. Malgré cette étroitesse, les eaux maritimes du pays disposent d’un certain nombre de richesses qui s’expliquent par les conditions climatiques favorables à leur évolution et à leurs exploitations économiques.

2.2. Un espace maritime aux conditions naturelles favorables

2.2.1. Un régime climatique bimodal

La zone littorale du Togo est sous l’influence du climat subéquatorial caractérisé par 4 saisons : deux saisons pluvieuses une grande de mars-juillet et une petite de septembre à octobre et deux saisons sèches. La grande saison sèche dure de novembre à février et la petite de juillet à août. La température moyenne est de 27°C avec une amplitude thermique variant entre 3°C et 5°C. Sur la côte togolaise, le déplacement des vents qui déterminent les saisons, influent sur les mouvements des eaux marines. Le régime climatique sur le littoral togolais est favorable au développement des ressources halieutiques et aux activités de pêche.

2.2.2. Un plateau continental peu étendu

Avec 50 km de longueur, le plateau continental togolais est moins large que les plateaux continentaux de certains pays du Golfe de Guinée à l’instar de la Côte d’ivoire, du Ghana et du Nigéria. La composition des sédiments qui composent le plateau continental togolais laisse apparaître des fonds de natures diverses caractérisés par une certaine homogénéité.

La côte du plateau continental togolais est très abrupte. Elle se limite à l’isobathe 100 mètres et est peu étendu. La largeur varie entre 12 et 13 milles marins de Lomé à Ouidah. Par contre, il varie de 13 à 40 milles au Ghana et de 18 à 35 milles au Nigeria. Le plateau continental qui abritant les eaux territoriales togolaises et dans lesquelles se pratique la pêche artisanale, présente divers fonds (K.-A. FIAGAN, 2014, p. 8).

Selon le même auteur, du fait de l’homogénéité du  relief du plateau continental togolais, il existe quatre types de fonds :

  • les fonds de 10 mètres situés près de la côte ;
  • les fonds de 10 à 35 mètres qui descendent naturellement en pente douce vers le large ;
  • les fonds de 35 à 45 mètres. On y note à partir de 35 mètres, une légère rupture de pente qui reprend ensuite jusqu’à une barrière de corail située presque partout entre 52 et 56 m de profondeur ;
  • au-delà de cette barrière et jusqu’à la chute du plateau continental (100 m), la pente devient à nouveau régulière dans l’ensemble.

Ces types de fonds présentent diverses natures qui, d’après A. CROSNIER et al. (1966) cité par K.-A. FIAGAN (2014, p. 8), sont de quatre types à savoir : les fonds durs, les fonds de sable vaseux, les fonds de sable et les fonds vaso-sableux profonds.

Parmi ces fonds, seuls les fonds de sable vaseux et vaso-sableux sont riches en poissons pélagiques et démersaux (sardinelle, anchois, thon, dorade, sole). Sur ces fonds, le rendement en poisson est élevé et les espèces sont de belles tailles entre 35 et 55 cm. La diversité des fonds du plateau continental permet de distinguer, dans les eaux territoriales togolaises les espèces pélagiques qui favorisent des possibilités de pêche aussi bien autorisée qu’illégale.

2.2.3. Un potentiel halieutique du plateau continental togolais plus ou moins riche

Les ressources halieutiques du plateau continental togolais se trouvent dans les fonds de sable vaseux et sont constituées de plusieurs espèces. Elles portent sur les poissons qui sont plus nombreux, suivis des crustacés et des mollusques. Les eaux territoriales abritent des tortues marines et diverses espèces de cétacés. Les familles de poissons de fond que l’on rencontre dans les eaux togolaises  et souvent capturés, sont résumées dans le tableau 2. Celui-ci présente les différentes espèces de poissons et leurs habitats respectifs.

Fig17_3.png

Le tableau 2 témoigne de la richesse halieutique des eaux territoriales du Togo. L’importance de cette richesse halieutique justifie le développement de l’activité de pêche sur la côte togolaise et contribue au développement socio-économique du pays.

2.3. Un espace maritime source d’activités socio-économiques

Les activités socio-économiques rencontrées sur le littoral togolais tournent essentiellement autour de la pêche et du transport maritime.

 

2.3.1. La pêche maritime au Togo, une activité mal contrôlée

La pêche maritime qui se pratique au Togo est une pêche artisanale exercée par des populations vivant sur la zone côtière togolaise et par des pêcheurs étrangers. Selon M. VIMENYO (2006, p. 141), le secteur de la pêche, fournit près de 20 000 tonnes de produits halieutiques couvrant environ 35% des besoins de la population nationale. Il contribue pour 4% au Produit Intérieur Brute. L’absence de véritables contrôles des piroguiers favorise non seulement le développement de la pêche illégale et la surpêche mais aussi celui des activités criminelles.

2.3.2. Le transport maritime, une activité en plein essor

Le port de Lomé est le pivot du transport maritime au Togo bien que le pays dispose d’un port minéralier, le wharf de Kpémé situé à 30 km à l’est pour l’embarquement du phosphate.

Vaste centre de distribution, le port de Lomé par sa situation géographique régionale exceptionnelle, offre divers services portuaires uniques et compétitifs. Il est non seulement la porte océane pour les pays du Sahel, mais aussi le seul port naturel en eau profonde de la côte ouest africaine pouvant accueillir des navires de 3ème génération. Que dire de la position stratégique du port autonome de Lomé par rapport aux autres ports de la région ?

En effet, situé à 06°08 N et 01°17 E, le port de Lomé est le seul port sur la côte ouest africaine par lequel on peut atteindre plusieurs capitales en un seul jour. Il a une position géographique qui le situe au milieu de la transversale Dakar-Luanda. Sa position géographique, résultat d’un choix judicieux du site d’implantation de l’ouvrage, a permis de disposer des atouts exceptionnels qui offrent au port de Lomé une situation enviable par rapport aux autres ports de la sous-région. Il est à noter que le Golfe de Guinée comporte plus de vingt ports maritimes rendus accessibles par la route maritime Europe-Atlantique. Le port de Lomé est un port qui dispose d’un tirant d’eau important (3ème quai 15 m et LCT 16,5 m). Cette profondeur est aujourd’hui augmentée grâce au système de drague. Pour ce fait, il est sérieusement recherché par les grands armateurs qui cherchent à y développer des activités de transbordement offrant ainsi l’avantage aux navires d’acheminer des marchandises à des délais et à des coûts très compétitifs. Le domaine portuaire d’une superficie de 900 ha, offre un bassin délimité par deux digues de 950 m et 1 720 m de long qui le protègent contre l’ensablement (figure 2).

Fig17_4.png

L’étendue de la zone portuaire et du bassin du port de Lomé, se remarque sur l’image satellitaire de la figure 2. Cette étendue constitue un atout pour les acteurs du domaine maritime aussi bien pour les armateurs que pour les pêcheurs. Adossé au port, un parc marin au large du port de Lomé, une zone sous protection où les navires viennent se prémunir contre d’éventuelles attaques de pirates dispersés sur toute la côte ouest africaine. L’importance du parc marin s’est affirmée depuis 2011 avec l’augmentation de l’insécurité maritime dans les eaux territoriales nigérianes et béninoises (M. VIMENYO, 2015, p. 8). La disponibilité de l’espace dans la zone portuaire offre ainsi, une possibilité d’extension en fonction de l’engouement et permet une adaptation aux besoins du marché. Le trafic transit représente une part importante des marchandises traitées au port de Lomé qui vient en deuxième position après celui de Cotonou pour la desserte de l’arrière-pays portuaire ouest-africain. Le trafic transit est en forte progression depuis 1990 hormis une baisse due au départ des navires de lignes en 1992 suite à la grève illimitée consécutive à la crise socio-politique. Le développement des activités maritime suscite la recrudescence des activités illégales de tout genre dans les eaux maritimes du Togo.

2.4. Les menaces sur la sécurité de l’espace maritime, un désastre

L’absence de délimitation des frontières maritimes togolaises, les menaces sur la sûreté, les actes illicites, la dégradation de l’environnement marin et côtier et l’appauvrissement des ressources marines constituent des facteurs menaçant la souveraineté de l’État en mer.

2.4.1. Des frontières maritimes aux délimitations floues

En Afrique, il existe des conflits inter-états sur la limitation des frontières maritimes. Au Togo, le problème de délimitation des frontières entre le Togo et le Benin d’une part et entre le Togo et le Ghana d’autre part n’a pas encore fait objet de consensus formel. Ainsi, les organisations criminelles profitent de l’effritement de la souveraineté des États sur certaines zones frontalières et dans des zones de crises endémiques pour y déployer leurs activités à cause des ressources marine disponible et l’absence des moyens efficaces pour contrôler leurs espaces maritimes.

2.4.1.1. Une sûreté maritime menacée

Au Togo, la faiblesse du contrôle de l’Etat à faire appliquer le droit international de la mer sur toutes les activités dans les eaux sous sa juridiction profite au développement des activités illicites. En dépit des efforts de l’État, la piraterie et le brigandage menacent la stabilité du pays. Le tableau 3 présente les actes de piraterie perpétrés dans les eaux maritimes togolaises et les navires visés.

Fig17_5.png

A travers l’analyse du tableau 3 on peut remarquer qu’au Togo, les navires souvent attaqués sont de divers ordres. Rien ne laisse prédéfinir les facteurs qui déterminent le choix du navire à attaquer par les pirates.

Le trafic de drogue représente une autre menace. Son expansion en Afrique de l’ouest, fait du Golfe de Guinée une plate-forme de transit de la drogue vers l’Europe. La pêche INN (pêche illicite, non déclarée et non réglementée), l’immigration clandestine, l’existence de trafics de médicament contrefait, de déchets dangereux, le braconnage de spécimens de la faune et de la flore menacés d’extinction posent de réel problèmes environnementaux et de santé publique. Les menaces dans les eaux territoriales représentent des enjeux important pour l’Etat togolais.

2.4.1.2. L’espace maritime sous juridiction national, aux enjeux multiples pour le Togo

L’espace maritime togolais est un espace important grâce au diverses potentialités qu’il offre. L’exploitation de cet espace maritime contribue de façon évidente au développement de l’économie togolaise d’où la nécessite de relever les nombreux enjeux.

2.4.1.2.1. Les enjeux socio-économiques, élément déterminant de sécurité

L’espace maritime togolais offre un potentiel en matière de création de richesses, d’emplois et d’insertion dans le commerce international. La position stratégique du port autonome de Lomé (PAL) par rapport aux autres ports et son efficacité dans la sous-région représentent un atout considérable pour le Togo. En effet, les extensions effectuées par la construction d’une darse et d’un 3ème quai ont contribué à faire du PAL un véritable hub de services au niveau sous régional avec un volume de conteneurs manutentionnés qui est passé de 380 798 en 2014 à 905 700 en 2015 soit une augmentation de 137% (ONAEM, 2017, p. 21). La pêche artisanale représente une activité essentielle pour la sécurité alimentaire et fait tourner l’économie locale. Les infrastructures hôtelières existantes sur la côte contribuent à la valorisation du tourisme et constituent un lieu d’escale pour les navires de croisière. Ces activités exercées sur le littoral participent à 22,3% du PIB en 2013 (INSEED, 2016, p. 9) cité par (ONAEM, 2017, p. 23). Ainsi, les activités illicites qui sont pratiquées dans les eaux maritimes togolaises, constituent une entrave au développement des activités littorales, ce qui pèse sur l’économie nationale et sur l’équilibre socio-économique du pays.

2.4.1.2.2. Le Togo, un espace de souveraineté aux enjeux sécuritaires

Dans le respect du droit international, le Togo doit pouvoir s’appuyer sur une organisation adaptée et des ressources dédiées à la sécurité maritime. L’action du Togo en mer doit en outre être fondée sur un cadre juridique qui répond aux normes internationales, ce qui permet aux autorités togolaises de concentrer leur énergie sur la sûreté en mer par une surveillance 24h/24h afin de lutter contre les actes de malveillance malgré une ressource humaine très limités. La ZEE n’étant pas surveillée à ce jour, différents types de trafics illicites peuvent y prospérer en permanence. Plus la souveraineté est assurée sur le territoire plus les questions de la protection environnementale sont évoqués.

2.4.2. Des enjeux sanitaires et environnementaux avisés

La lutte contre la pollution marine et le trafic des produits contrefaits nuisibles à la santé doit faire l’objet d’une grande attention qui se concrétise par le contrôle strict de l’espace maritime.

Sur le plan sanitaire, les agents pathogènes et des micro-organismes issus des rejets d’eaux résiduaires des ménages et autres déchets comme les eaux usées de phosphate déversées dans la mer, constituent des risques importants pour la santé des animaux marins et des hommes. L’homme est contaminé par ces agents pathogènes à travers l’absorption directe de ces micro-organiques présents dans l’eau de mer ou par contact direct avec celle-ci ou le sable de plage pollué et par la consommation des fruits de mer. De même, les métaux lourds et les produits chimiques issus des pollutions industrielles s’accumulent dans les organismes des poissons carnivores tels que les organismes filtreurs et les poissons carnivores et affectent ainsi dangereusement la santé des populations qui tirent d’importantes protéines de ces ressources animales. De même, des actions urgentes méritent d’être entreprises pour lutter contre le trafic des produits contrefaits, dont le milieu marin constitue l’un des principaux canaux de distributions (ONAEM, 2016, p. 22).

Sur le plan environnemental, le Togo prend en compte les menaces qui pèsent sur l’équilibre marin. Il est essentiel d’améliorer la surveillance en mettant en place un cadre juridique visant à empêcher et à sanctionner la pollution volontaire. L’érosion côtière avec le recul du trait de côte de 6 à 8 mm/an à certains endroits, se traduit par la destruction des infrastructures telles que les maisons, les hôtels, les routes mais aussi le couvert végétal côtier dominé par les cocotiers (PNUD, 2012, p. 46). Dans ce contexte, le Togo se voit dans l’obligation de protéger sa côte contre toute activité illicite et préjudiciable. Certes, l’éradication complète des dangers multiples qui menacent les côtes togolaises se révèle difficile mais une nécessité de prendre des mesures palliatives est importante.

2.4.3. Pour une meilleure sécurisation des eaux territoriales du Togo

Le vol à main armée, la piraterie maritime, la pêche INN, le trafic illicite de drogue en mer, le brigandage sont régentés, tant par le droit international que par le droit interne de chaque pays et aussi par des mesures opérationnelles. Pour défendre son espace maritime, le Togo s’appuie sur un certain nombre d’outils parmi lesquels le cadre juridique et réglementaire.

2.4.3.1. Un cadre juridique et réglementaire calqué sur le droit international

Le Togo poursuit la transposition des règles internationales régissant les activités maritimes dans son système légal. Il a ratifié la convention internationale sur la recherche et la sauvegarde en mer, la convention internationale sur la préparation, la lutte et la coopération en mer en matière de pollution par les hydrocarbures et le protocole de 1992, la convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution d’hydrocarbure, la convention internationale du travail maritime adoptée à Manille en 2006 par l’organisation internationale du travail (OIT). Cette dernière convention précise le droit des gens de mer à des conditions de travail décentes. Elle consolide et met à jour la quasi-totalité des normes internationales. L’arsenal juridique togolais a été renforcé par un certain nombre de décrets d’application. Ces décrets sont à la base des mesures sécuritaires adoptées par le Togo. Il s’agit du :

  • décret no2014-113/PR du 30 avril 2014, relatif à l’Action de l’État en Mer ;
  • décret no2014-173/PR du 16 octobre 2014, portant attribution des services du conseil pour la mer ;
  • décret no2014-174/PR du 16 octobre 2014, portant attribution du préfet maritime et organisation de la préfecture maritime ;
  • décret no2015-025/PR du 27 mars 2015, relatif aux missions de l’État en mer ;
  • décret no2015-026/PR du 27 mars 2015, portant création, attribution et organisation du comité nationale de sûreté maritime. A ce cadre juridique et réglementaire, l’État togolais a mis en place une certaine politique pour la répression de l’insécurité dans son espace maritime.

Ces décrets sont à la base des mesures sécuritaires adoptées par le Togo.

2.4.3.2. Des mesures sécuritaires incitées par l’urgence

Vu l’urgence et la gravité de la situation sécuritaire dans les eaux territoriales du Golfe de Guinée, le Togo a décidé de mettre en place une synergie des différentes administrations qui se traduise par une politique de gestion du problème de piraterie maritime, du narcotrafic, de la pêche illicite et de la dégradation de l’environnement.

2.4.3.2.1. Des politiques sécuritaires avisées

En collaboration avec les acteurs du domaine maritime, l’Etat togolaise en sa position de grand décideur, joue un rôle très important dans la répression du phénomène de piraterie. Afin de lutter contre la piraterie dans le Golfe de Guinée et plus particulièrement au large des côtes togolaises, l’Etat a :

  • tout d’abord renforcé la marine nationale chargée de surveiller les côtes en les sensibilisant et en renforçant leurs équipements par la mise à leur disposition des patrouilleurs modernes (photo 1 et 2).Fig17_6.png

En plus des patrouilleurs de la photo 1 et 2, le Togo dans le cadre de la surveillance maritime dispose de trois patrouilleurs qui permettent de surveiller la côte togolaise et de pourchasser les trafiquants surtout dans les environs de la zone portuaire. Ce nombre est relativement insuffisant pour couvrir la superficie maritime du Togo qui est évaluée à plus de 19 000 km² d’après nos enquêtes (Base marine, 2015). Pour pallier cette insuffisance une coopération a été mise en place avec l’armée de l’air pour la surveillance aérienne et avec la gendarmerie pour la surveillance des navires au mouillage et en mer. Pour ce faire, l’Etat a mis en place en 2014, une structure dite « Organisme National chargé de l’Action de l’État en Mer (ONAEM) » dont l’objectif est d’apporter une solution durable aux  problèmes sécuritaires et environnementaux du pays dans le domaine maritime. En effet, le décret n 2014-113/PR du 30 avril 2014 relatif à l’action de l’État en mer précise que l’ONAEM face à la recrudescence du fléau d’insécurité, a pour mission de « renforcer l’action des administrations publiques et de coordonner les efforts intersectoriels avec pour objectif de préserver les intérêts maritimes du Togo ». La structure se compose principalement du Haut Conseil pour la Mer (HCM) présidé par le chef de l’État, d’un Conseiller pour la Mer ayant rang de ministre et d’une Préfecture Maritime (figure  3). 

Fig17_7png.png

La figure 3 montre l’organigramme de l’OAEM. Selon  la figure 3, c’est le président de la république qui gère tout le système. La Préfecture Maritime chargée de représenter l’autorité de l’État en mer, dispose des moyens pour lutter contre la piraterie et la criminalité maritime. Ces moyens sont les bâtiments de la marine nationale, trois patrouilleurs et deux vedettes rapides.  L’exercice de la souveraineté implique le devoir d’assurer la sécurité et la sûreté des navires dans les eaux sous juridiction nationale. A cet effet, le Haut Conseil de la Mer avait pris comme perspective les mesures suivantes :

  • avoir une base annexe à Kpémé et disposer d’une tour de surveillance maritime équipée de moyens de détection et de communication modernes par des radars (AIS) ;
  • mettre un ou deux petites vedettes pour faire les patrouilles maritimes et aériennes sur les routes d’approche de Lomé avec la création de routes de la mer recommandées et sécurisées ;
  • la création d’un centre maritime unique composé de la Préfecture Maritime, des locaux du Conseiller pour la mer, y compris le secrétariat pour la mer.

Les deux premiers objectifs sont réalisés. Une base de système d’informations automatiques à l’aide de deux radars, dont le premier est situé au port de Lomé et le second dont la surveillance s’étend jusqu’au Bénin, est installé à Kpémé et a pour mission de renforcer la surveillance (figure 4).

Fig17_8png.png

D’après la figure 4, le Togo dispose sur son territoire maritime deux radars pour la surveillance maritime. Le premier placé au port de Lomé, couvre l’espace qui s’étend entre la frontière maritime Ghana-Togo à l’Ouest et Agbodrafo à l’Est. Le second  installé au port de Kpémé assure la couverture jusqu’au Benin. Ce dispositif permet de comprendre, la préoccupation de l’État togolais aux problématiques sécuritaires. Les radars sont dotés d’un système d’information automatique (AIS) qui fournit une image de l’ensemble des navires au mouillage dans le parc marin au large du port de Lomé (figure 5).

Fig17_9png.png

La figure 5 nous donne une vue partielle mais détaillée du parc marin montrant le positionnement précis des navires au mouillage ou en mouvement en un instant donné grâce au système d’identification automatique (AIS). Cette identification donne, non seulement, la position géographique de chaque navire dans le parc marin, mais aussi les noms de ceux-ci et leurs caractéristiques. Par exemple, la couleur bleu sur la figure identifie les navires disposant d’une garde armée à bord, le rouge les navires en transit et le vert les remorqueurs.Ce parcage et cette identification des navires facilitent la détection de potentiels pirates ou brigands pour une intervention rapide des vedettes depuis le centre des opérations (planche photographique 1).

Fig17_10png.png

Cette stratégie permet la prise en charge sécuritaire de tout navire entrant dans les eaux territoriales togolaises. En outre, la marine togolaise assure une présence permanente de jour comme de nuit dans les eaux territoriales au moyen d’une force mixte composée des agents des affaires maritimes, de la gendarmerie, de la police et de la douane.

La définition de l’étendue des dommages pour la santé sur l’ensemble de la zone côtière, ainsi que l’incidence des agents pathogènes  permettraient d’apprécier l’ampleur de la menace.  Ainsi, la lutte contre les agents pathogènes responsables des maladies hydriques fait l’objet d’une grande attention et se concrétise par des contrôles sanitaires stricts dans l’espace maritime. Au niveau de l’environnement, le Togo poursuit sa stratégie d’endiguement de l’érosion des côtes et de réduction de la pollution des milieux aquatiques côtiers par une approche durable et globale des problèmes liés à l’environnement et une réglementation qui tient compte de ces enjeux.

2.4.3.2.2. Pour un renforcement de la capacité sécuritaire

Face à la modernisation de l’équipement des pirates et surtout de leur qualification, il est impératif d’actualiser les techniques de gestion des opérations en cas d’attaque. C’est dans ce cadre que des exercices militaires sont organisés au large des côtes conjointement entre la marine, la gendarmerie, la police et la douane avec l’appui des experts étrangers pour renforcer la capacité des acteurs chargés de la sécurité maritime au Togo. Dans le même contexte, le Togo participe à des exercices internationaux tels que NEMO (17.8) assuré par les forces navales françaises pour un scénario de contrôle de pêche en 2017 et a participé à l’exercice naval dénommé OBANGAME Express (0E19) en 2019, assuré par les forces navales américaines pour un renforcement de capacité. Sur le plan régional, on note la mise en place d’une stratégie maritime intégrée de la CEDEAO et de la CEEA qui se traduit par des accords bi et multilatéraux, par la coordination entre les centres opérationnels des Marines de la sous-région à travers la création d'un Centre Régional de Coordination pour la Sécurité Maritime de l'Afrique Centrale (CRESMAC) à Pointe-Noire au Congo.

3. Discussion

Le Togo bénéficie d’un littoral d’une longueur de 50 km qui lui offre un espace maritime de 20 780 km2. La profondeur du plateau continentale et la diversité des fonds marins constitue des atouts naturels de l’espace maritime du Togo selon C. G. E. DEGBE, (2009, p. 14) et  K. A. FIAGAN (2014, p. 8). Pour ses auteurs les atouts naturels ont contribués au développement du transport maritime et la pratique de la pêche artisanale. M. VIMENYO (2006, p. 141) a montré que le secteur de la pêche, fournit près de 20 000 tonnes de produits halieutiques couvrant environ 35% des besoins de la population nationale. Il contribue ainsi, pour 4% au Produit Intérieur Brute. Ces conclusions vont dans le même sens que celles de Y. KOMBATE (2011, p. 5) qui soutient que l’espace maritime togolais offre de nombreuses opportunités. Le port de Lomé participe aux échanges internationaux en Afrique occidentale grâce à sa situation géographique régionale exceptionnelle. Les enjeux dans cet espace sont importants et l’analyse de ces enjeux montre, sur le plan économique, que le PAL est un hub important surtout avec la construction du 3ème quai et de la darse de LCT. Ces résultats confirment ceux de l’ONAEM (2016, p. 19). Selon cet organisme, l’augmentation du transbordement a atteint 137% en 2017. Ce dynamisme économique du PAL a été possible grâce à la politique sécuritaire mise en place, comme l’affirme B. BLEDE et al. (2015, p. 1). Pour l’auteur, le Togo n’a enregistré aucun acte de piraterie de 2015 à aujourd’hui, malgré que cette pratique illicite ayant pour épicentre la région du delta du Niger, soit en essor dans le Golfe de Guinée. M. VIMENYO (2015, p. 12) a par ailleurs montré que l’avantage qu’offre le PAL n’est pas seulement lié aux atouts naturels et aux équipements, mais à l’efficacité du système sécuritaire mis en place par les autorités togolaises, lorsqu’il a abordé le système d’information automatique (AIS) dans ces recherches. 

Conclusion

Le présent article sur les enjeux sécuritaires de l’espace maritime du Togo a permis d’analyser sous l’angle un problème local de portée internationale. En effet, les enjeux dans l’espace maritime togolais sont d’ordres socio-économique, politique, sanitaire et environnemental.

Il est alors, essentiel de maintenir la pression sur les pirates et sur les trafiquants pour redynamiser et développer l’économie bleue. Pour lutter efficacement contre l’insécurité dans maritime au Togo, les mesures et les politiques à mettre en œuvre doivent prendre en compte tous les facteurs mais aussi tous les acteurs directement ou indirectement impliqués dans l’insécurité maritime  afin d’assurer la sécurité des navires mais aussi des hommes.

Références Bibliographiques

BLEDE Barthelemy et DIOUF André, 2016, « Les défis maritimes du Togo : la sûreté des eaux demeure un sujet de préoccupation », Rapport sur l’Afrique de l’ouest no 18, Dakar, 8 p.

DEGBE Cossi George Epiphane, 2009, Géomorphologie et érosion côtière dans le Golfe de Guinée, mémoire de Master 2 en Océanographie physique, Faculté des Sciences et Technique, Université d’Abomey-Calavi, Cotonou, 100 p.

FIAGAN Koku-Azonko, 2014, La pêche artisanale maritime et sa contribution au développement socio-économique au Togo, thèse de Doctorat en Géographie, Université de Lomé, Lomé, 456 p.

HARDING Alan, PALSON Gylfi, RABALLAND Gaël, 2007, « Ports et transport maritime en Afrique de l’Ouest et du Centre : les défis à relever », Document de travail du SSATP, New York, n°84 F, 56 p.

KOMBATE Yentchabré, 2011, Le port Autonome de Lomé et avant pays, thèse de Doctorat, option géographie des transports, Université de Lomé, Lomé, 401 p.

LUNTUMBUE Michel, 2012, « Insécurité maritime dans le Golfe de Guinée : un état des lieux », Note d’Analyse du GRIP, Bruxelles, 13 p.

ONAEM, 2016, « Stratégie Nationale pour la Mer et le littoral », Lomé, 105 p.

PNUD, 2012, « Programme National de Suivi de l’Environnement au Togo PNSET », Ministère de l’Environnement et des Ressources Forestières, Lomé 132 p.

SIDE EVENTS, 2016, « Sommet extraordinaire de l’Union Africaine sur la sécurité et la sûreté maritimes et le développement en Afrique : Protégeons nos Océans », Dossier du participant, Lomé 64 p.

VIMENYO Messan, 2015, « Le parc marin au large du port de Lomé : quel rôle dans la lutte contre la piraterie maritime dans le Golfe de Guinée ? », Communication présentée au séminaire de Dakar, Dakar 18 p.

 

 

 

 

 

Auteurs

1Laboratoire de Recherche sur la Dynamique des Milieux et des Sociétés (LARDYMES), Université de Lomé, rachmaloua@yahoo.fr 

2Laboratoire de Recherche sur la Dynamique des Milieux et des Sociétés (LARDYMES), Université de Lomé, vimenyomessan@yahoo.fr

 

 

Catégorie de publications

Date de parution
30 sep 2020