Effets de l’érosivité des pluies sur la piste Moutélé-Makala dans la Sous-préfecture de Yamba au sud du Congo Brazzaville et la quantification des formes d’érosion

Résumé

La route Moutélé-Makala située dans la Sous-préfecture de Yamba dans le département de la Bouenza, au sud du Congo Brazzaville, est l’objet d’une intense érosion hydrique qui impacte négativement la vie des populations riveraines. L’objectif visé par ce travail est d’évaluer les impacts de l’érosivité des pluies sur la piste Moutélé-Makala. Ainsi, deux paramètres (l’érosivité des pluies et l’érodibilité des sols) ont été respectivement quantifiés à partir de la formule proposée par Renard et Freimund (1994) et du triangle de classification texturale des sols (USDA, 1960). Par ailleurs, les formes des ravinements observées ont fait également l’objet d’une quantification in situ. Les données utilisées concernent la période de septembre 2017 à septembre 2018. Les résultats indiquent une érodibilité (K), estimée à 0,08 t.ha.h/ha.MJ.mm, valeur caractérisant des sols très résistants. En revanche, l’érosivité des pluies (R) est élevée (7.948 MJ.mm/ha.h.an) et constitue un des facteurs qui accélèrent le ravinement dont les pertes en terre atteint 26 250 m3 de volume et 43 tonnes de terre perdues.

Abstract

The Moutélé-Makala road located in the sub-prefecture of Yamba in the department of Bouenza, in the south of Congo Brazzaville, is subject to intense water erosion which negatively impacts the lives of local residents. The objective of this work is to assess the impacts of rain erosion on the Moutélé-Makala trail. Thus, two parameters (rain erosion and soil erodibility) were respectively quantified using the formula proposed by Renard and Freimund (1994) and the textural classification triangle for soils (USDA, 1960). In addition, the shapes of the gullies observed are also the subject of an in situ quantification. The data used relate to the period from September 2017 to September 2018. The results obtained an erodibility (K), estimated at 0.08 t.ha.h / ha.MJ.mm, value characterizing very resistant soils. On the other hand, the erosivity of the rains (R) is high (7,948 MJ.mm/ha.h.year) and constitutes one of the factors which accelerate the gullying whose losses in earth reach 26 250 m3 of volume and 43 tonnes of earth lost.

Introduction

La dégradation des routes par l’érosion hydrique constitue, l’un des problèmes environnementaux les plus préoccupants dans des pays en voie de développement. La route Moutélé-Makala dans la Sous-préfecture de Yamba au sud du Congo Brazzaville, connait ces 30 dernières années une dégradation accélérée due à l’érosion hydrique. L’amélioration du réseau routier est l’un des piliers du développement socio-économique et de lutte contre la pauvreté. Aussi, nous d’avis avec B.A. Mayima et al. (2019, p.122) pour noter que la route est considérée comme l’un des éléments sur lesquels repose le développement socio-économique d’un pays. Ainsi, l’amélioration des infrastructures routières en milieu rural est une stratégie qui vise à rétablir la mobilité en milieu rural. La mauvaise qualité de transport entrave l’écoulement de la production, le déroulement des activités commerciales et l’accès aux services socio-économiques confinant ainsi les résidents ruraux dans une agriculture de subsistance, dans des conditions de vie précaires et d’isolement. Cette réalité a poussé la République du Congo Brazzaville à adopter une politique visant à améliorer le réseau routier par la construction de plusieurs nouvelles routes.

En revanche, cette volonté politique se manifeste plus en milieu urbain alors que depuis plusieurs années les routes congolaises sont affectées par les phénomènes morpho climatiques (l’érosion hydrique, mouvement de masse et les ensablements). La dégradation des routes congolaises par le ravinement en milieu urbain a fait l’objet de plusieurs travaux (I. M’bouka et al, 2017, p.43-58 ; I. M’bouka et L. Sitou, 2017, p.291-302 ; B.A. Mayima et al, 2019, p.121-138). Toutefois, en milieu rural la situation est d’autant plus préoccupante que peu des travaux se sont intéressés à cette problématique (I. M’bouka et al, 2016, p.349-366 ; L. Sitou et I. M’bouka, 2017, p.116-138). Ainsi, la route Moutélé-Makala au sud du Congo n’échappe pas au phénomène de dégradation par l’érosion hydrique. C’est d’ailleurs à cette problématique qu’essayera de répondre cette réflexion. Cette étude a pour finalité d’évaluer l’érosivité des pluies (R) et l’érodibilité des sols (K), dans la Sous-préfecture de Yamba afin d’estimer leurs effets sur les ravinements qui entravent la circulation et le développement socio-économique de la zone d’étude.

1. Matériels et méthodes

1.1. Présentation du cadre de l’étude

La Sous-préfecture de Yamba est située entre 4°1’40’’ et 4°18’20’’de latitude Sud et 13°50’ et 14°10’ de longitude Est. Elle est localisée au sud du Congo et couvre une superficie de 856, 1 km2. Elle est limitée au Nord par les Sous-préfectures de Mouyondzi et Kingoué, au Sud et à l’Est par les Sous-préfectures de Mfouati et Mindouli (Pool) qui la séparent du Fleuve Niari, à l’Ouest par les Sous-préfectures de Mabombo et Madingou (figure 1). La piste Moutélé-Moukala, dans la Sous-préfecture de Yamba, traverse un milieu géomorphologique assez stable mais sensible en raison de ses caractéristiques physiques. En effet, elle est aménagée sur un relief tourmenté composé des plateaux dont les altitudes varient entre 500 à 600 m et des collines convexes atteignant 500 m d’hauteur.

13fig1

Il décroît au centre et au nord de 400 m en moyenne puis se termine au nord-est et à l’ouest de la vallée par de molles ondulations de la plaine du Niari avec une altitude moyenne de 200 m (Figure 2). Ce relief repose sur un substratum composé essentiellement de formations schisto-calcaires (J. Koechlin, 1961, p.212). Les plateaux sont essentiellement occupés par des sols ferralitiques, localement associés à des sols hydromorphes dans les dolines ou et les bas-fonds. Le climat est de type tropical humide ou Bas-Congo (M.J. Samba-Kimbata, 1978, p.78), avec deux saisons : une saison pluvieuse qui s’étend d’octobre à mai, soit 8 mois, marquée par un ralentissement des pluies de fin décembre à mi-février et une saison sèche allant de juin à septembre, soit 3 à 4 mois. Le maximum des précipitations est enregistré au mois d’avril et de novembre respectivement 203 et 267 mm. Les hauteurs des pluies annuelles varient entre 900 et 2200 mm (M.J. Samba-Kimbata, 1978, p.115). La température moyenne varie tout au long de l’année entre 24 et 25°C.

Le réseau hydrographique dans la zone est très dense. Il s’organise autour du bassin du Niari, auquel s’ajoute des petits cours d’eau comme : louloula, Moussengué, Moussa et la Bouenza (figure 2). La végétation est caractérisée par des formations de savanes arbustives et herbeuses, des forêts galeries (J. Koechelin, 1961, p. 100).

13fig2

1.2. Données utilisées

L’analyse de la sensibilité ou érodibilité des sols de la sous-préfecture de Yamba à l’érosion hydrique a porté essentiellement sur la détermination des paramètres physiques des sols : la texture et la perméabilité des sols. Les totaux des précipitations annuelles de la station de Mouyondzi pour la période 2000 à 2009, soit 10 ans ont été obtenus à l’ANAC de Brazzaville en 2019 et ont permis d’apprécier l’érosivité des pluies. 1.3. Méthodes Sur le plan méthodologique, l’étude combine les deux approches quantitative et qualitative. Elle s’appuie sur des données d’enquêtes et des observations de terrain menées de septembre 2017 à septembre 2018. Elle s’articule autour de deux points. Il s’agit d’une part de déterminer les caractéristiques des sols (texture, structure, perméabilité, matière organique) et d’autre part, l’évaluation, la quantification et la cartographie des ravinements à travers le modèle numérique de terrain.

1.3.1. Étude de la sensibilité des sols vis-à-vis de l’érosion hydrique

La sensibilité des sols vis-à-vis de l’érosion hydrique est liée à ses caractéristiques chimiques et physiques (E. Roose, 1977, p.37) et détermine la force de résistance des sols face à l’effet splash (J. PrintempS, 2007, p.65). La texture du sol a été appréciée à partir des analyses granulométriques réalisée au laboratoire de BCBTP à Brazzaville (Congo) par la méthode de tamisage en deux grandes étapes et selon le protocole décrit par B.A. Mayima (2009, p.105). Les résultats obtenus au laboratoire et à partir du triangle des textures USD, la nature des sols a pu être évaluée (R. B. Brown, 2013, p.5). (Figure 3).

13fig3

Le principe étant de réévaluer les taux moyens des sables, des limons et des argiles, la somme des trois valeurs de texture doit faire 100%. A partir des taux réévalués, l’on repère le pourcentage des sables sur la base du triangle et on suit une ligne remontant vers la gauche, du côté des argiles. Ensuite, on repère le pourcentage des argiles le long du côté gauche du triangle et on suit une ligne horizontale jusqu’à croiser la ligne précédente des sables. Ce point de rencontre entre les deux lignes est le point O, qui donne la texture ou la nature du sol. La vérification du point O, se fait en suivant une ligne partant dudit point en remontant vers la droite jusqu’à atteindre le pourcentage des limons du côté droit du triangle. La situation de la ligne des limons doit se situer exactement sur sa valeur réévaluée pour confirmer la nature des sols. En revanche, la structure du sol a été évaluée à partir du tableau des classes de structure des sols établis par L. Bellon (2009, p.14) qui permet d’attribuer un code correspondant à la structure du sol (tableau 1).

13fig4

Pour les caractéristiques hydriques des sols, nous avons fait usage du modèle de classification et des codes de perméabilité des sols proposé par W. Rwals et al. (1982, p.169) (tableau 2).

13fig5

En fonction des résultats de la nature des sols, de la teneur en matière organique, des classes et des codes de la structure et de la perméabilité du sol, nous avons utilisé l’équation de régression de Wischmeier et Smith (1978), pour estimer l’indice de l'érodibilité (K) : 100 K = 2,1 x 104 x M1,4 (12-MO) + 3,25 (b - 2) + 2,5 (c - 3) (1) M est le facteur granulométrique = (Sable fin(%) + Limon(%) x (100 – argile(%) ; MO : matière organique (%) ; b : code de structure de sol et c : classe de perméabilité du profil.

Ces différentes données ont permis d’une part de mesurer la sensibilité des sols à la formation d’une croûte de battance et d’autre part de voir la capacité des sols à infiltrer l’eau de pluie. Les résultats obtenus ont été analysés en tenant compte du tableau de classification de la sensibilité des sols à l’érosion proposé par A. Bolline et P. Rosseau (1978, p.135) (tableau 3).

13fig6

1.3.2. Étude de l’agressivité climatique

Pour évaluer l’agressivité du climat dans la zone d’étude et ses environs, les données de la pluviométrie mensuelle et annuelle de 2000 à 2009 de la station de Mouyondzi ont été utilisées. L’indice d’agressivité (R) dépend surtout de l’intensité des pluies ou de l’énergie cinétique qui en résulte directement (Stengel et Gelin, 1998) cité par R. Ngatsé et al. (2017, p. 100). Cette énergie permet à la goutte de pluie de désagréger les agrégats du sol à travers l’effet splash. A cet effet, nous n’avons pas disposé des valeurs de la pluie totale et des intensités maximales sur 30 minutes des épisodes pluvieux sur une période de 30 ans, nous avons utilisé la formule proposée par Renard et Freimund (1994) cités par D. Douay et E. Lardieg (2010, p. 29). Cette formule simplifiée intègre uniquement la hauteur des pluies annuelles moyennes (P) en mm. Pourtant, dans la zone d’étude les précipitations moyennes annuelles sont supérieures à 850 mm (Agence Nationale de l’Aviation Civile).

13fig7

Les résultats obtenus après l’évaluation de ce paramètre ont fait l’objet d’appréciation de l’agressivité climatique en tenant compte de la classification de l’indice d’érosivité (R) par rapport à la vulnérabilité des sols dans la zone d’étude (tableau 4).

13fig8

1.3.3. Observation sur la piste et quantification des formes identifiées

Les observations ont porté sur trois éléments. D’abord sur la façon dont la piste de Moutélé- Moukata est disposée vis-à-vis de la topographie (pente). Ensuite elles ont porté sur la présence ou non du système de drainage. Enfin, il s’est agi de la manière dont la piste se dégrade par l’érosion hydrique, les causes responsables de cette dégradation ainsi que les formes engendrées. Le cubage des ravinements a permis d’estimer le volume de terres érodées et d’évaluer l’ampleur du phénomène. Les données obtenues constituées de valeurs de longueurs, de largeurs et de profondeurs des ravins ont permis de calculer les aires des formes évoluées en tenant compte de leur morphologie en V ou triangle (figure 4).

13fig9

Pour estimer les volumes totaux de chaque forme des ravinements à partir des formules ci-dessus, il a fallu mesurer les différentes aires (A) évaluées à partir des longueurs (l) et profondeurs (p) qui ont permis d’estimer les volumes par la formule empirique ci-après :

13fig10

A cet effet, à partir de cette formule, les volumes (Vm) des ravinements ont été également évalués, à partir du modèle de Katz et al (2013) cités par R. Kombo Kissangou et al (2018), schématisée dans la figure 4.

13fig11

La figure 5 fait l’objet d’un principe qui nécessite de multiplier le volume (V) de la forme évaluée par un coefficient (β) relatif à la morphologie générale du ravinement, qui correspond à la morphologie des sections constitutives. Ainsi, l’équation utilisée est la suivante :

13fig12

A partir des mesures tridimensionnelles des sections transversales des ravins, réalisées dans leur stade statique (figure 1), le volume de chaque ravin a été calculé. Le volume de terres décapées est obtenu et exprimé en tonne par la formule suivante :

13fig13

2. Résultats et discussion

2.1. Erodibilité des sols

Le facteur K a été déterminé à partir de la texture des sols du site, de la teneur en MO, du code de structure des sols utilisés par L. Bellon (2009, p.27), amélioré par I. M’bouka-Milandou et al (2016, p.51) et du code de perméabilité desdits sols de W. Rwals et al (1982, p.169).

2.1.1. Texture, matière organique et nature des sols

Les résultats des textures et Matières Organiques réévaluées pour les besoins de l’élaboration du triangle des textures (tableau 5) donnent quasiment les mêmes conclusions.

13fig14

Les formations sont dominées par les argiles (photos 1et 2) avec un taux à plus de 62% suivi des sables fins avec un taux à plus de 7%.

13fig15

Ainsi, les résultats des moyennes des textures des sols du plateau Babembé sont confirmés (tableau 6) à travers le triangle des textures des sols (figure 3).

13fig16

Par ailleurs, étant donné que les sommes des moyennes de textures des sols du plateau Babembé donnent 100%, le triangle de textures de sols du site confirme bien ces résultats (figure 6).

13fig17

Suite à la confirmation de cette nature argileuse des sols, la perméabilité a été déterminée à partir du tableau 2 de W. Rwals et al. (1982, p.169).

2.1.2. Perméabilité des sols selon leur nature

Le tableau 7 montre la vitesse d’infiltration des eaux dans les sols du plateau Babembé (Perméabilité) ainsi que les codes y afférents, selon nature argileuse.

13fig18

Partant de la nature des sols, les résultats de perméabilité selon la classification de W. Rwals et al (1982, p.168), confirment que les sols du site sont argileux. A cet effet, ils présentent une capacité d’infiltration très lente des eaux. D’une façon empirique, le code de structure desdits sols porte le code b égal à 1 (b = 1) tandis que le code c obtient 6 (c = 6) qui confirme l’infiltration très lente des eaux dans le sol. Enfin la texture des sols, la teneur en Matière Organique, les codes de texture et de perméabilité des sols ont permis d’évaluer les indices d’érodibilité.

2.1.3. Evaluation du facteur d’érodibilité des sols (K)

Les résultats des analyses des sols réévalués ont fait ressortir cinq fractions texturales (tableau 5) à savoir les argiles, les limons fins, les limons grossiers, les sables fins, les sables grossiers ainsi que le taux de matière organique. En effet, ces principaux paramètres ainsi que les codes de perméabilité et de structure des sols ont permis d’évaluer l’indice d’érodibilité des sols (K) en utilisant l’équation (1) dont les résultats sont présentés dans le tableau 8.

13fig19

Il est déterminé expérimentalement pour un échantillon de sol donné par la relation de W.H. Wischmeier et D. D. Smith (1978, p.60). Les résultats obtenus pour le facteur K (0,08 t.ha.h/ha.MJ.mm) montrent l’indice d’érodibilité des sols du site de plateau Babembé. En effet, en s’appuyant sur la classification de A. Bolline et P. Rosseau (1978, p.130-135), cet indice correspond à la première classe, qui indique que les sols de la zone d’étude sont très résistants à l’érosion hydrique. Cette résistance est liée à la teneur élevée des argiles dans les sols qui représentent un peu plus de 62%, suivie des limons (12,9%) puis les sables (10,1%) avec une teneur importante de la matière organique (8,4%). La valeur de K trouvée est inférieure aux valeurs trouvées par R. Ngatsé et al (2017, p.100) sur le Bassin Versant de la Djiri (K = 0,39 à 0,42) à Brazzaville. Cependant, cette valeur est assez proche de celle obtenue par J.S. Romba Yamgouba (2016, p.35-37) à Tougou au Burkina Faso (K = 0,03).

2.1.4. Erosivité de la pluie

Par manque de données plus récentes, les mesures de la quantité annuelle des précipitations de la station de Mouyondzi ont concerné la période de 2000 à 2009. Ces mesures sont présentées par la figure 7.

13fig20

L’analyse des résultats obtenus de la figure 6 montre que la zone d’étude est soumise à une agressivité pluviale dont les valeurs de R varient de 4.747 à 11.158 MJ.mm/ha.h.an avec une moyenne de 7.948 MJ.mm/ha.h.an.

2.2. Effets de l’érosivité des pluies et la quantification des formes d’érosion sur la route Moutélé-Makala

Le contexte pédoclimatique dans la zone d’étude ne facilite pas des infiltrations des eaux de pluies. En effet pendant les saisons pluvieuses, le temps qui s’écoule entre deux (2) averses est trop court. Aussi, le sol qui est dominé par les formations argileuses ne facilite pas l’infiltration des eaux des pluies ; sa saturation est vite atteinte. Aussi, les eaux de pluie qui se déversent sur la piste ruissellent et érodent la chaussée qui est dépourvue d’un système de drainage. Selon F. Fournier (1962, p.2), il suffit d’une grande fréquence des pluies, même si le volume de ces dernières est important, pour organiser des ruissellements responsables des érosions plus élevées. Ainsi, l’abondance des ruissellements et la dominance des formations argileuses ne permettent pas une infiltration rapide et sont responsables de plusieurs formes d’érosion qu’on observe sur les différentes pistes de Moutélé-Makala (photo 3)

13fig21

Les photos 3 et 4 montrent respectivement la présence d’une ravine convertie en caniveau par les eaux de ruissellement et une excavation née du modelé en marche d’escalier issu des ruissellements diffus et concentrés et d’un glissement de terrain. Ce petit cirque à la forme d’un amphithéâtre évolue de manière par érosion régressive. En revanche, on note la présence des graminées au fond de ce cirque qui malheureusement ne semble pas n’arrêter sa dynamique actuelle. Le processus de l’évolution des ravinements sur la piste Moutélé-Makala est très lent en raison du schisto-calcaire contrairement dans le milieu sablonneux où le processus d’évolution des ravinements est très rapide à se manifester. Le manque de système de drainage des eaux de pluie sur la piste, stimule les eaux de ruissellement à exploiter les abords de la route en les convertissant en caniveau comme le témoigne la photo 3. Les formes identifiées ont été quantifiées et les volumes sont consignés dans le tableau 9.

11fig22

β=coefficient morphologique des ravinements L=longueur totale des ravins (m) ; l=largeur moyenne des ravins (m) ; P=profondeur moyenne (m) des ravins ; V= volume des ravins (m3) ; P= poids de sédiments (tonne)

Les résultats montrent que la piste Moutélé-Makala est affectée par le phénomène d’érosion. Nous y avons dénombré 10 qui totalisent 26560,47 m3 de volume, soit 42,75 tonnes de terre perdues dont le 10e ravin est le plus important et grave en menaçant de couper le route, il totalise 26250 m3 de volume et 43 tonnes de terre perdues. Ce dernier est suivi par le 8e avec près de 112,2 m3, soit 0,18 tonnes (tableau 9). La dégradation de la piste est affectée par le type des ravinements indiqués dans le tableau 9. Sur la piste Moutélé-Makala, la ravine reste la forme la plus majeure et cette dernière précède bien avant les grands ravins (10). C’est ce que M’bouka et al, (2016, p.352-356) affirment dans leurs travaux réalisés sur la route Linzolo dans la Sous-préfecture de Goma tsé-tsé, que les ravines restent les principaux précurseurs des grands ravins qui affectent la route. Dans le cadre de nos travaux, nous n’avons pas pris en compte les rigoles lors du dénombrement en raison non seulement de leur nombre trop important mais, surtout à cause de leur caractère parfois éphémère.

3. Discussion

L’analyse des résultats obtenus montre que la zone d’étude est soumise à une agressivité climatique appréciée à travers les valeurs de l’érosivité des pluies (R) variant entre 4.747 et 11.158 MJ.mm/ha.h.an, avec une moyenne de 7.948 MJ.mm/ha.h.an. Cette valeur est largement supérieure à 5.000 MJ.mm/ha.h.an, seuil fixé selon la classification de D. Douay et E. Lardieg (2010, p.12-18) pour qu’une pluie provoque l’érosion. En ce qui concerne les résultats sur l’érodibilité des sols (K), les valeurs trouvées ici sont inférieures à celles trouvées par R. Ngatsé et al (2017, p.110-112) sur le bassin versant de la Djiri à Brazzaville qui varient entre 0.39 et 0.42. Cette différence observée se situe au niveau de la composition granulométrique de ces sols. En effet, le sol des quartiers nord de Brazzaville notamment le quartier Djiri sont essentiellement composés de sable (95%). En revanche, nos valeurs sont proches de celles obtenues par Romba (2016, p.45-48) à Tougou au Burkina Faso sur un même type de sol (K= 0.03). Les pertes en terre total calculées dans la zone, reflètent bien la nature du sol assez argileuse 45.78 tonnes pour les dix ravinements. Ces valeurs concernant les pertes en terre sont au-dessous de celles qu’on enregistre sur les routes autour de Brazzaville où le substratum géologique est essentiellement constitué de la roche sableuse, facilement mobilisable.

Conclusion

Cette étude sur l’érosion et sa manifestation nous a permis de comprendre et d’analyser les effets conjugués de l’érosivité des pluies (R) et l’érodibilité des sols (K) sur la dégradation des routes par l’érosion hydrique dans la Sous-préfecture de Yamba au Congo Brazzaville et la quantification des formes d’érosion. Ces deux paramètres ont été analysés afin d’évaluer leurs effets, sur le phénomène de ravinement qui entrave la circulation et freine le développement socio-économique de la zone d’étude. En revanche, les sols schisto-calcaires très ferralitiques, dans la Sous-préfecture de Yamba située à l’ouest du département de la Bouenza, sont majoritairement dominés par les argiles avec plus de 62%, suivi des limons (12,9%). Ces résultats ont été confirmés respectivement à partir de la classification texturale de l’USDA (1960) et celle de Bolline et Rousseau (1978). Ainsi, les sols de la Sous-préfecture de Yamba sont très résistants à l’érosion comme en témoigne leur indice d’érodibilité K = 0,08 t.ha.h/ha.MJ.mm. Par ailleurs, la dégradation de la piste Moutélé-Makala par le phénomène de ravinement s’explique également par l’agressivité du climat dans la zone d’étude. Ainsi, avec une moyenne de l’érosivité de pluies estimée à 7948 MJ.mm/ha.h.an, si l’on tient compte de la classification de Renard et Freimund (1994), cette valeur est largement supérieure à 5000 MJ.mm/ha.h.an qui indiquent une forte érosivité, capable de provoquer le ravinement qu’on observe dans la zone le long des pistes et routes.

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Auteur

1Centre de Recherche sur les Tropiques Humides, parcours Géographie, Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humains, Université Marien NGOUABI, Brazzaville, mayimabrice@gmail.com

 

Catégorie de publications

Date de parution
31 déc 2019