Dynamique spatio-temporelle de l’occupation du sol dans les carrières de phosphates au sud-est du Togo

Résumé

L’homme à travers ses actions dénature fortement l’occupation des sols engendrant une modification du milieu naturel. Cet impact rend la nécessité de fournir aux décideurs des cartes d’occupations des sols et des informations relatives à leur état et dynamique. C’est dans cette optique qu’une étude de l’occupation des sols a été conduite dans les carrières de phosphates au sud-est du Togo. Cette recherche vise à analyser la dynamique spatiale de l’occupation du sol dans ces carrières. L’analyse spatio-temporelle de l’occupation du sol à l’aide de la carte topographique de 1958 et des images satellites Landsat 5 ETM de 1986 et Landsat 8 OLI-TIRS de 2020 a permis de mettre en exergue l’impact de l’exploitation des phosphates sur l’occupation du sol. Les résultats montrent qu’en 1958 qui correspond à la date pré exploitation, les forêts dégradées occupaient une superficie de 827,67 ha soit 1,72 %  de la superficie totale, les savanes 19017 ha soit 39,5% et les jachères 25721,60 ha soit 53,63%. En 1986, date post exploitation, les forêts dégradées couvraient une superficie de 157,11 ha soit 0,32 % contre 5603,85 ha soit 11,68 % pour les savanes et 34496,89 ha soit 71,93% pour les champs et jachères. En 2020, les forêts dégradées occupaient 184,78 ha soit 0,38 %, les savanes 12538,11 ha soit 26 ,23 % et les champs et jachères 21165,12 ha soit 44,13 %. Les résultats de l’évolution de l’occupation du sol indiquent que la dégradation du paysage se dégage nettement comme la tendance majeure qui prévaut dans cette région avec un taux global d’évolution spatiale des formations végétales naturelles de 5,83 % entre 1958 et 1986 et de 3,38 % entre 1986 et 2020. L’exploitation minière, la pression démographique et les activités anthropiques dont l’agriculture, l’élevage et l’exploitation du bois sont les facteurs qui ont orienté l’occupation du sol dans cette région. Ces résultats peuvent servir de base pour définir les zones prioritaires en vue de la restauration et l’aménagement de ces carrières.

Abstract

Throughout their actions, humans damage seriously the land use and cause changes to the natural environment. For this reason, it is relevant to provide decision-makers with land use maps and information relating to their condition and dynamics. This is the reason why the study was conducted in three phosphate quarries in south-eastern Togo. The research aims at analyzing the spatial dynamics of land use in phosphate quarries in south-eastern Togo. The spatio-temporal analysis of the land use of the topographic map of 1958 and the Landsat 5 ETM satellite images of 1986 and Landsat 8 OLI-TIRS of 2020 made it possible to investigate the impact of the exploitation of phosphates on the land use. The results show that in the year 1958 corresponding to the pre-logging period, degraded forests occupied an area of 827.67 ha, i.e. 1.72 % of the total area, 19017 ha (39.5 %) of savannahs and 25 721.60 ha (53.63 %) of uncultivated land. In 1986, post-logging period, degraded forests covered an area of 157.11 ha (0.32 %) against 5603.85 ha (11.68 %) for savannahs and 34496.89 ha (71.93%) for fields and fallow land. In 2020, degraded forests occupied 184.78 ha (0.38 %), savannahs 12,538.11 ha (26.23 %) and fields and uncultivated lands 21,165.12 ha (44.13%). The results of the evolution of land use indicate that the degradation of the landscape clearly emerges as the major trend prevailing in this region with an annual average rate of regression of natural plant formations of 5.83 % between 1958 and 1986 and 3.38 % between 1986 and 2020. Mining, demographic pressure and human activities including agriculture, animal husbandry and logging have driven land use in this region. These results can serve as a basis for defining priority areas for the restoration and development of these quarries.

Introduction

Le Togo exploite des minerais, de marbre, de fer et de calcaire depuis plusieurs années, mais surtout un très important gisement de phosphates. L’exploitation de ces phosphates a été notoire dans les années 1970-1980. Au cours de cette période la plupart des investissements en infrastructures surtout étaient réalisés sur ressources propres dont la majorité provenait des recettes du secteur phosphatier.  La production de phosphate est estimée à environ 2.5 millions de tonnes en 2002, avec des réserves exploitables de plus de 60 millions de tonnes. Elle participe pour environ à 40% des recettes d’exportation du pays (Rapport National sur le Développement Durable, Togo, 2010, p.16).

Outre les retombées économiques (taxes divers, création d'emplois directs et indirects, création d'entreprises connexes, etc,) l'exploitation minière est une activité qui engendre d'énormes problèmes environnementaux et socio-économiques dont la déforestation, la perte de la biodiversité (UICN, 2011 ; p.25, M. DESHAIES, 2011, p.5; A. S. ISSAH  et al., 2018, p.182).

L’exploitation se fait à ciel ouvert, elle utilise de gros engins (buldozers, pelles, dumpers) pour atteindre le gisement. Cette extraction entraîne la dégradation de milliers d’hectares de terres qui après exploitation, ne font l’objet d’aucun réaménagement. Aussi, les activités minières occupent de grands espaces, ce qui impact négativement la végétation. C’est ainsi que la zone d’exploitation qui jadis était une plaine couverte de fourrées, de savanes entrecoupées d’ilots forestiers très dégradés est devenue une zone accidentée, dénudées, souvent difficile d’accès, marquée par des collines, des plateaux et des vallées artificiels résultant des dépôts de terrils en cônes impropres à l’agriculture.

Au vu de cette situation préoccupante, les autorités togolaises ont entrepris des actions visant à réduire les dégâts de cette activité sur l’environnement naturel. Pour cela, les codes miniers ont été revus en 1996 et en 2003 afin d’amener les sociétés des industries extractives à réaménager les sites miniers après leur exploitation. Cependant, malgré les efforts consentis par les autorités togolaises, le milieu naturel continue de se dégrader en raison des activités minières. Dès lors, comment se présente la dynamique spatiale de l’occupation du sol dans les carrières de phosphates au sud-est du Togo ? Cette contribution scientifique vise à analyser la dynamique spatiale de l’occupation du sol dans les carrières de phosphates du Sud-Est Togo. Elle veut aussi vérifier l’hypothèse selon laquelle, les formations forestières ont régressé au profit des formations anthropisées que sont les champs et jachères. La dégradation de l’environnement et par conséquent celle des ressources naturelles est aujourd’hui d’autant plus inquiétante qu’elle ne laisse indifférents ni acteurs de développement, ni chercheurs.

1-Matériel et méthodes

1.1-Matériel

 Le secteur d’étude est localisé au Sud-Est du Togo dans la Région Maritime. Il couvre une superficie de 474 km² et se situe entre 6°14’ et 6°34’ latitude nord, et 1°15’ et 1°46’longitude est. Sur le plan administratif, le secteur étudié est à cheval entre la préfecture de Vo et la préfecture de Zio (figure 1).

Fig5_1.png

Le climat local est de type subéquatorial de transition, entre le climat côtier et le climat tropical guinéen. Il comporte une grande saison sèche de décembre à février et une petite saison irrégulière   à 80 jours. Cette région connaît des aléas climatiques qui s'expriment en termes de retard pluviométrique, d'irrégularité et de mauvaise répartition laissant entrevoir des insuffisances ou des abondances d'une année à l'autre. L'humidité relative est de l'ordre de 75% en moyenne. La température annuelle est voisine de 27°5°C.

Du point de vue géologique le secteur d'étude fait partie de l'ensemble géologique Ouest Africain dominé par le bassin sédimentaire côtier. C’est dans certains de ce bassin sédimentaire que l’on retrouve les gisements de calcaire et de phosphate. Sur le plan géomorphologique l’opposition plateau-vallée est l’élément majeur de différenciation du milieu.

Le paysage végétal est très dégradé et est constitué d’ilots forestiers disparates à Ceiba pentandra, Antiaris africana, Milicia excelsa, Cola cordifolia, Tripolchiton scleroxylon (K. KOKOU, 1998), des reliques de galeries forestières.

La population de l’aire d’étude était de 210 075 habitants en 2010 avec un taux d’accroissement moyen de 2,04% (INSEED, 2010). D’après les résultats du dernier recensement général de la population en 2010, cette région connait de fortes densités de plus de 250 habitants au km².

1.2-Méthodes

La méthodologie est basée sur le traitement d’image satellitales en vue de générer des données nécessaires à l’analyse de la dynamique l’occupation du sol dans le secteur d’étude. Sur la base d’interprétation spatiale des images sept classes d’occupation du sol ont été discriminées. Ces classes d’occupations des sols ont été vérifiées et validées au terrain par notre vérité-terrain.

1.2.1- Données utilisées

Le suivi de l'évolution du secteur d’étude la cartographie de l'occupation du sol s’est basée sur l'analyse de trois sources de données : les cartes topographiques des années 1958, les images satellites Landsat de 1986 et 2020, ainsi que les relevés de terrain.

1.2.1.1--Cartes topographiques

Deux cartes topographiques ont servi à l’évaluation des états de surfaces du secteur d’étude en 1958. Ce sont des cartes éditées dans les années 1950 et produites à l’échelle de 1:50 000 grâce à l’interprétation de photographies aériennes prises entre 1949 et 1958 par l’Institut Géographique National (IGN-France). Il s’agit des feuilles de Lomé NB-31-XIV-2a. 2c et Lomé NB-31-XIV-1d.

1.2.1.2-Images Landsat

Les images issues du satellite à 30 m de résolution spatiale. Les images Landsat ont été utilisées pour la mise en place du suivi de la dynamique de l’occupation du sol dans le Sud-Est Togo. Il s’agit des images TM du 13 janvier 1986 et OLI-TIRS du 13 janvier 2020.

Les caractéristiques des différentes images sont consignées dans le tableau 1.

Tableau 1 : Caractéristiques des scènes Landsat utilisées

Capteur

Date

Résolution (m)

Identification Path/Row

LANDSAT5 TM

13 janvier 1986

30

192 /56

LANDSAT OLI-TIRS

13 janvier 2020

30

192/56

Source : www.landsat.com, consulté le 15 octobre 2020.

Les cartes topographiques et les images Landsat ont été complétées par des données de terrain. Les relevés de terrain ont principalement concerné la collecte, à l'aide d'un récepteurs GPS (Global Positioning System), des points d'échantillonnage ayant servi à la classification des images. Des illustrations des unités d'occupation/utilisation du sol ont également été faites grâce à un appareil photographique.

1.2.1.3 Enquêtes

Il s’agit des enquêtes individuelles, des entretiens avec les personnes ressources et des focus group. Les enquêtes ont été faites au moyen d’un questionnaire semi-structuré Quatre types de questionnaires ont été élaborés et adressés à quatre groupes cibles. Le premier type est adressé aux agriculteurs, le second aux éleveurs, le troisième aux exploitants forestiers et enfin aux charbonniers. Les questions ont concerné toutes les activités susceptibles d’avoir des influences sur la dynamique de la végétation notamment : les pratiques agricoles et pastorales, l’exploitation du bois et la carbonisation. Ces enquêtes ont été complétées par des entretiens directs avec l’aide d’un guide d’entretien adressé aux personnes ressources. Ce guide porte essentiellement sur la dégradation de la végétation.

Au total 88 personnes ont été enquêtées. Le calcul de la taille de l'échantillon est fait à partir de la formule de P. DAGNELIE (1998) : n=4P (1-P)/d²  avec n = taille de l’échantillon ;  p = proportion estimative de chaque catégorie d’acteurs obtenue à partir d’une enquête exploratoire et d = 10 % (marge d’erreur comprise entre 0 et 20 %). L’âge minimum de l’enquêté retenu pour cette recherche est de 25 ans avec au moins une durée de 10 ans dans la localité. Cet âge a été retenu parce qu’à 15 ans l’être humain est proche de la puberté et est à même de prêter une attention à son milieu de vie. Avec au moins 10 ans d’expérience il est apte à retracer l’historique de l’occupation du sol de son milieu.

2.3. Traitement des données

2.3.1. Traitement cartographique des données

2.3.1.1- Exploitation des cartes topographiques

Les cartes topographiques ont été scannées, géoréférencées puis numérisées afin de produire la carte d’occupation de sol. Les cartes topographiques, toutes au format papier ont été converties au format numérique (image) par scannage. Ensuite, elles ont été géoréférencées par rapport à l’ellipsoïde WGS 84 et le fuseau 31 Nord. Le géoréférencement est une opération qui consiste à utiliser des coordonnées cartographiques pour affecter un emplacement spatial à des entités cartographiques. Il s’en est suivi le passage de tous les objets (ponctuels, linéaires et surfaciques) de la forme analogique à la forme numérique à l’ordinateur à l’aide du logiciel de SIG ArcGIS 10.0 d’ESRI.

2.3.1.2-Extraction de l’information des images Landsat

L’extraction de l’information des images Landsat s’est faite à travers toute une série d’étapes successives. Une phase de prétraitement des images a précédé la phase de traitement proprement dite.

  • Prétraitement des images Landsat

Le prétraitement des données regroupe toutes les opérations qui sont effectuées dans le but de rendre les lots de données concernant le secteur d’étude lisible et bien superposable. Comme opérations on peut retenir les corrections géométriques et radiométriques, et l’extraction du secteur d’étude. Les améliorations radiométriques consistent à corriger les effets des différents artefacts qui perturbent la mesure radiométrique, tandis que les corrections géométriques rendent possible la superposition à d'autres documents cartographiques de référence. Ces deux opérations n’ont pas été nécessaires car les images obtenues sont déjà projetées dans le système Universal Transverse Mercator (UTM).

Le secteur d’étude fut extrait de l’image suivant un couloir de forme hexagonale couvrant les sites miniers de Kpogamé et Hahotoé-Dagbati. Une fenêtre d’étude centrée sur ce couloir et comprise entre les coordonnées 6°15’00 et 6°30’00 de latitudes Nord, et 1°15’30 et 1°46’30 de longitudes Est, a été  extraite pour les deux périodes (1986 et 2020) sous ENVI.

  • Traitement numérique

Des compositions colorées combinant les bandes 4-5-3 pour les Landsat TM et 5-6-4 pour les OLI-TIRS (C. CHATELAIN, 1996 ; M. C. Girard et M. C. Girard, 1999) furent faites. L’idée est d’avoir une synthèse d’informations en vue de faire une bonne discrimination des unités d’occupations et d’utilisation du sol. En plus, l'interprétation visuelle des images qui a pour rôle d'établir une relation entre le terrain et l'image a permis d'identifier des détails comme : les forêts (forêts dégradées et forêts galeries), les savanes et autres formations basses (arborées et arbustives, fourrés et autres végétations basses), les plantations, les champs et jachères, les plans d’eau, les agglomérations et sols nus (bâtis, carrières, sols nus, routes) sur les différentes images.

La connaissance du secteur d’étude a guidé le choix en faveur de la classification supervisée qui revient à appliquer le même traitement à chaque pixel, indépendamment des pixels voisins. Sous le logiciel de traitement d’image ENVI 5.1, le processus de classification s’est déroulé à travers la définition de la légende ou le renseignement du ROI (Regions Of Interest) ; la sélection des échantillons de parcelles d'entrainement ; la description et renseignement des différentes classes et le choix de l'algorithme de classification. L'algorithme Maximum de Vraisemblance (Maximum Likelihood) qui repose sur la règle de Bayes a été choisi pour la classification des images. C’est une méthode qui calcule la probabilité d’appartenance d’un pixel à une classe donnée plutôt qu’à une autre. Les pixels seront affectés à la classe pour laquelle la probabilité est la plus forte. Cependant, si cette probabilité n'atteint pas le seuil escompté, le pixel est classé "inconnu".

La qualité de la classification obtenue a été évaluée à l’aide des paramètres calculés par la matrice de confusion de l’image Landsat TM (1986) et celle l’image Landsat TM (2020) que sont la précision globale et le coefficient Kappa (R. G. CONGALTON, 1991 ; MC GIRARD et CM GIRARD, 1999).

Appelée également tableau de contingence, la matrice de confusion est un tableau qui affichent les statistiques de la précision de classification d’une image, notamment le degré de classification erronée parmi les diverses classes. Elle est calculée avec les valeurs exprimées en pixels et en pourcentage.

La dernière étape du traitement des images concerne la conception des cartes d’occupation des sols et l’élaboration des statistiques. Elle regroupe les opérations comme la vectorisation, l’intégration des résultats sous SIG et la production des cartes. La vectorisation a consisté à la conversion des images classifiées du mode raster en mode vecteur (polygones) dans le but de faciliter leur gestion dans le logiciel d’analyses SIG, ArcGIS 10.0. Ensuite vient la manipulation SIG au cours de laquelle, des analyses spatiales sont faites. Les statistiques par rapport aux superficies des différentes unités d’occupation des sols furent également faites.

Homogénéisation des légendes

Le traitement cartographique des données a consisté à la digitalisation de la carte topographique (feuilles de Lomé NB-31-XIV-2a. 2c et Lomé NB-31-XIV-1d de 1958) en format papier et ensuite au traitement des données issues de la classification des images satellitaires. L’exploitation de ces deux types de données pour évaluer l’évolution de l’occupation du sol exige que les légendes soient homogénéisées afin de rendre plus explicite la compréhension des cartes. Cette homogénéisation s’avère indispensable car elle permet également de compenser les inégalités entre les classes des légendes en regroupant certaines classes (P. OZENDA, 1986). La légende des cartes topographiques fut réduite par fusion de certaines classes, afin d’avoir le même nombre de classes issus de la classification des images satellites (Tableau 2).

Fig5_3.png

 

Les cartes d’occupation du sol de 1958, 1986 et 2020 ont été produites en ajoutant des éléments comme des couches du réseau routier, les cours d’eau, le nord géographique, la légende et l’échelle.

Afin de quantifier les changements au niveau des classes d’occupation du sol, plusieurs indicateurs statistiques ont été calculés ; il s’agit des taux de changement et de la matrice de transition.

- Calcul des taux de changement : les taux de changement (taux d’évolution annuel et taux de changement global) des superficies des classes d’occupation du sol entre les années 1986 et 2020 furent déterminés respectivement à travers l’équation proposée par la FAO (1990) (1) et celle de B. Bernier (1992) (2) couramment employée pour mesurer la croissance des agrégats macroéconomiques entre deux périodes données (V. J. Mama & J. Oloukoi, 2003,p.436 ; J. Oloukoi et al, 2006, p.311 ; Soro, 2014, P.151)

Fig5_4.png

Avec Tc le taux moyen annuel d’expansion spatiale, S1 et S2 les superficies d’une catégorie d’occupation des terres en année t1 et en année t 2.

Le taux de conversion d’une classe de végétation correspond au degré de transformation subie par cette classe de végétation en se convertissant vers d’autres classes. Il s’obtient à partir de la matrice de transition (H. Djibril et I. Toko, p.4174) suivant la formule :

Fig5_5.png

Avec S1 la surface d’une classe d’unité de surface à la date t1 ; S2 la superficie de la même classe d’unité de surface à la date t2 ; ln le logarithme népérien ; e la base des logarithmes népériens (e =2,71828)

2.3.1.3-Traitement des données d’enquêtes

Le logiciel Sphinx Lexica 4.5 a permis d’élaborer la maquette de saisie, de saisir les données collectées et d’extraire les informations sous forme numérique. L’importance des facteurs de dégradation de la végétation a été évaluée en utilisant la valeur d’importance (Byg & Baslev, 2001, p. 961). Cette valeur a été calculée à partir de la formule suivante : IV=nisn avec nis le nombre d’enquêtés qui considèrent le facteur comme un déterminant de dégradation de la végétation et n le nombre total d’enquêtés.

3-Résultats

3.1. Précision de la classification supervisée et cartographie

Au terme de la classification supervisée, la matrice de confusion a donné des valeurs de précision globale variant de 88,47 % à 90,46 % et celles du coefficient Kappa de 85,84 % à 86 % (Tableau 3). Globalement, la discrimination entre les classes d’occupation du sol a été statistiquement fiable.

Fig5_3.png

3.2-- État de l’occupation du sol en 1958, 1986 et 2020

La figure 2 présente les états d’occupation du sol du 1958 ,1886 et 2020

Fig5_7.png


 

3.1.1-État de l’occupation du sol entre 1958 à1986

Le tableau 3 synthétise les données de superficies de classes d’occupation du sol.

Fig5_8.png

L’analyse du tableau 3 montre qu’en 1958 le paysage du milieu d’étude était dominé par une végétation naturelle constituée de savanes (39,65 %). A côté de celle-ci on a les champs et les jachères (53, 63%). Précisons qu’à cette date l’exploitation minière n’avait pas encore commencé. Les forêts dégradées étaient presque inexistantes (1,72 %) sont représentées par les galeries forestières le long de la rivière Haho et quelques lambeaux de forêts.

En 1986 qui correspond à une date post exploitation on constate que le paysage est largement dominé par les champs et les jachères (71,93%) au profit des forêts dégradées, des savanes qui ne représentent plus que respectivement (0,32 et %) et (11,68%). Les agglomérations ont augmenté en superficie passant (1,97 %) en 1958 à (6,53 %) en 1986. L’étendue des plantations a également augmenté en superficie passant de (0,076 %) à (1,178 %).

En 2020, l’occupation du sol est encore dominée par les champs et les jachères (44,13%) suivis des savanes (26,23 %) et des agglomérations et sols nus (11,15%). La superficie des forêts dégradées et celle des plantations ont légèrement augmenté passant respectivement de (0,32%) à (0,38%) et de (1,178 %) à (10,75%).

3.1.2-Dynamique de l’occupation du sol  

3.1.2.1-Dynamique d’occupation du sol entre1958 et 1986

Le tableau 4 présente les différentes classes d’occupation du sol, leur superficie ainsi que leurs taux de variation.

Fig5_9.png

Ce tableau 4 révèle que sur les sept classes d’occupation du sol identifiées dans ces carrières quatre ont connu une régression relativement importante. Ces classes sont : les forêts dégradées, les savanes, les plans d’eau qui ont enregistré durant cette période, une diminution respective de -81,01 %; -70; -3,34%. Quant aux quatre autres classes notamment les champs et jachères, les plantations, les agglomérations et sols nus, carrières, ils ont connu une progression avec un taux respectivement de 34,11 %, 1437 %, 230,20 % et 100 %.

La régression des forêts dégradées, plans d’eau est liée à l’extension des travaux d’extraction minière. Quant à la régression de la superficie des carrières, cela s’explique par l’occupation dans anciennes carrières abandonnées pour des activités champêtres étant donné que les paysans se trouvent dans un contexte de pénuries de terres en raison de l’exploitation minière. 

3.1.2.1-Dynamique d’occupation du sol entre 1986 et 2020

Le tableau 5 résume les différentes unités d’occupation du sol, leur superficie, leur taux moyen annuel d’expansion spatiale durant les périodes qui séparent les années 1986-2020.

Fig5_10.png

L’analyse du tableau 5 montre qu’en 1986, le paysage était dominé par les champs jachères, les savanes, les agglomérations et sols nus, suivies des carrières et des plans d’eau. En 2020, le paysage est dominé par les plantations, les savanes, les Agglomérations et sols nus, et les plans d’eau. On constate que les plantations ont connu une augmentation très sensible avec taux moyen d’expansion spatiale de 813,02 % suivie des savanes 123,74 % Par contre les champs et jachères et les carrières ont connu une réduction avec des taux global d’évolution spatiale respectivement de -38,64 %° et de -16,66 %. En réalité, les superficies les carrières n’ont pas régressé, normalement elles évoluent dans l’espace et le temps, seulement les anciennes carrières abandonnées ont été recouvertes avec le temps par une végétation naturelle ou même occupées pour cultures. La réduction des champs et jachères peut s’expliquer par le fait des reboisements réalisés dans certains endroits des carrières post exploitation dans le souci de limiter les dégâts causés à l'environnement. Ces reboisements devraient être précédés d'un remblai que la SNPT (société nouvelle de phosphates du Togo)  ex. OTP (office togolais des phosphates) ne pratiquait pas parce qu’elle estimait que cette opération lui revenait chère. Pour cette raison, elle pratiquait un remblai en cône qui est à l'origine de reliefs artificiels dans le paysage. Ce n'est qu'à partir de 1980 que les remblayages systématiques suivis d'aplanissements ont été entrepris.

3.1.3-Facteurs de la dynamique de l’occupation du sol

L’évolution du couvert végétal dans le Sud-Est Togo est essentiellement due aux facteurs anthropiques. Selon les populations locales, six principales formes d’activités sont responsables de la dégradation couverte végétal. L’exploitation minière est le premier facteur de la dégradation de la végétation avec une valeur d’importance de 0,81. La seconde place est occupée par l’agriculture avec une valeur de 0,69, la carbonisation occupe la troisième place avec 0,57. Les feux de végétation avec une valeur de 0,42 n’interviennent qu’en saison sèche. L’élevage bovin occupe une place non négligeable avec 0,33 comme valeur d’importance. Enfin, la collecte du bois de chauffage avec une valeur de 0,18 apparaît comme la moins dévastatrice.

L’exploitation minière reste le principal facteur de l’évolution régressive du couvert végétal. En effet, les minerais étant généralement dans le sous-sol ; leur exploitation exige la destruction du couvert végétal et l’excavation du sol de découverture avant d’atteindre les minerais. Techniquement, les opérations d’excavation débutent par une suppression du couvert végétal, suivi par un passage de bulldozers qui dénudent au fur et mesure le substrat dans le but de mettre la roche mère au jour.

L’augmentation des surfaces agricoles est la seconde cause de dégadation du couvert végétal. Elle est liée à deux principaux types d’agriculture pratiqués dans la région: Le feu de brousse et de feux végétation est un puissant moyen utilisé à la fois par les agriculteurs et les éleveurs pour faciliter leurs activités. Ces feux végétation causent une mortalité considérable des arbres voire la disparition de la végétation. Ils empêchent le renouvellement du couvert végétal par calcination du potentiel séminal. Par conséquent ces feux amplifient la diminution des surfaces forestières surtout dans les zones où les sols sont dégradés et exposés à l’érosion.

Les ressources ligneuses souvent rares dans cette région en raison de l’exploitation minière, sont souvent utilisées par les populations pour satisfaire leurs besoins énergétiques. La collecte du bois pour la cuisson des aliments passe très souvent par le ramassage de cette ressource dans les carrières post exploitation. En effet, la plupart de ces collectes s’opèrent dans les sites des carrières abandonnées. Dans le souci de vendre du bois afin de subvenir à certains besoins familiaux, 38,62 % des paysans sont obligés d’opérer des coupes dans les parcelles reboisées, réalisées dans le souci de limiter les dégâts causés à l'environnement. Cette pratique dangereuse appauvrit la région en végétation et conduit fortement à la dégradation de sa précieuse biodiversité selon 68,75 % de la population.

4-Discussion

La méthode des classifications dirigées a permis de distinguer six classes d’occupation du sol, qui pourraient toujours ne pas être bien différenciées en raison de la faible résolution des images disponibles. Cette confusion serait due à des réponses spectrales proches pour ces formations ligneuses (H. DIAOLO et al. , 2011).Ces mêmes difficultés ont été signalées par d’autres auteurs (B. .TANKOANO et al, 2009 ; D. H. N’DA et al., (2008).

La classification de l’occupation du sol résultant de l’analyse des images a donné une précision globale respective de 88,47% et 90,46%. L’indice de Kappa a donné des valeurs de 85,84% pour l’année 1986 et 86% pour 2020. De l’analyse de ces différents indices, on peut déduire une fiabilité des résultats de cette analyse étant donné que R. G. PONTIUS (2000), a admis que les résultats d’une analyse d’image dont la valeur de Kappa est supérieure à 0,50 sont bons et exploitables. De ce fait, la présente classification qui compte six classes est acceptable et permet d’évaluer la tendance de changements de l’occupation du sol dans une période ans 62 ans.

L’analyse de la dynamique spatio-temporelle des unités d’occupation du sol montre que les formations naturelles font place de plus en plus aux formations anthropisées. Cela   montre l’ampleur et le rythme de l’évolution des activités minières. De 1958 à 1986 les forêts dégradées et les savanes sont passées de 198.44, 67 ha à 5760,96 ha entre 1958 et 1986. De 1986 à 2020, elles sont passées de 5760,96 ha à 12722,89 ha. Cette dégradation du couvert végétal est liée à l'avancement des travaux d'extraction minière. A cette activité minière est donc venue s’additionner aux formes préexistantes d’occupation de sols (agriculture, habitations) pour accentuer la dégradation des écosystèmes naturels. Plusieurs études ont montré les impacts négatifs de l’exploitation minière sur la végétation (M. DJANGBEDJA ,2011 ; A. S. ISSAH et al. 2018 ; E. VOUNDI et al, 2019). Ils estiment qu’une analyse diachronique de l’occupation du sol dans les régions d’exploitation minière laisse apparaître une forte dégradation des ressources forestières liée à l’intensification de l’exploitation minière.

Les enquêtes socio-économiques, ethnobotaniques et les observations directes sur le terrain ont confirmé que les activités anthropiques sont responsables de la dynamique régressive des formations forestières. Plusieurs auteurs M.S. AZANLEKO (1986) ; A. S. ISSAH et al. (2018) ; U. SIKUZANI et al. (2020) ont abouti aux mêmes résultats.

Conclusion

L’étude de la dynamique de l’occupation du sol dans les carrières de phosphates au sud-est du Togo a permis de mettre en évidence les différentes formes de conversion subies par la végétation. Ainsi, on peut noter une régression des formations naturelles de 5,85% entre 1958 et 1986 et de 3,38% entre 1986 et 2020. Les formations naturelles ont cédé progressivement place en partie aux formations anthropiques. L’exploitation minière, la démographie, l’agriculture et le surpâturage constituent les principales causes de dégradation de cette région du Togo. Cette étude permet d’attirer l’attention des décideurs et aménageurs sur la nécessité d’élaborer des outils efficaces d’aménagement du territoire et de préservation de la végétation afin d’améliorer le cadre de vie des populations riveraines de ces sites miniers. Elle ouvre la perspective suivante : élaborer une carte de vulnérabilité forestière aux activités minières dans cette région à l’aide du Système d’Informations Géographiques (SIG).

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Auteur

1Université de Lomé, Département de Géographie/ FSHS/UL (Togo), Laboratoire de Recherches Biogéographiques et d’Études Environnementales (LaRBE), paulinminkilabe@yahoo.fr

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Date de parution
31 déc 2021