Manifestations et implications socio-économiques des litiges fonciers dans le département de Daloa, Centre-Ouest de la Côte d’Ivoire

Résumé

Dans le département de Daloa, la mise en valeur des terres a évolué avec les exigences économiques fondées sur l’économie de plantation et a fini par déboucher sur la saturation foncière. Cette situation a fait émerger une gamme assez variée de litiges fonciers dans cette partie de la Côte d’Ivoire. Banalisés au début du siècle dernier, ces conflits ont pris une ampleur qui ne laisse plus personne indifférente. Déterminer les modes d’expression des litiges fonciers dans le département de Daloa est l’objectif de cet article. La recherche documentaire d’une part et les enquêtes de terrain qui s’appuient sur le choix raisonné et de données qualitatives pour la majorité ont permis de réaliser les enquêtes dans 11 localités et enquêter 139 acteurs. Les résultats montrent que 86 % des acteurs estiment que les conflits latents et le décès des exploitants des parcelles sont pour 50 % les principales causes de ces litiges. Les implications socio-économiques placent ce département comme un espace conflictuel.

Abstract

In the Daloa department, land development evolved with economic demands based on the plantation economy and ultimately led to land saturation. This situation has given rise to a fairly varied range of land disputes in this part of Côte d’Ivoire. Trivialized at the beginning of the last century, these conflicts have taken on a scale that no longer leaves anyone indifferent. Determining the modes of expression of land disputes in the Daloa department is the objective of this article. Documentary research on the one hand and field surveys which are based on reasoned choice and qualitative data for the majority made it possible to carry out surveys in 11 localities and survey 139 actors. The results show that 86% of stakeholders believe that latent conflicts and the death of plot operators are 50% of the main causes of these disputes. The socio-economic implications place this department as a conflictual space.

Introduction

Le foncier peut être défini comme l’ensemble des rapports sociaux entre les hommes à propos de l’accès à la terre et aux ressources naturelles qu’elle porte, et du contrôle de son usage. La façon dont une société organise ses rapports fonciers ruraux varie selon les époques et les lieux (J.P. COLIN et al., 2023, p.15). Elle dépend, d’une part, des écosystèmes qu’elle occupe et de ses modes d’exploitation et/ou de conservation du milieu (extractivisme, pastoralisme, horticulture, agriculture de défriche-brûlis, agriculture sédentaire, plantations, etc.) et, d’autre part, des rapports sociaux qui la fondent, des institutions qui la gouvernent, de ses modalités d’inscription dans des espaces politiques et économiques plus larges, et enfin de la démographie (les règles d’accès au foncier pouvant être souples et inclusives en situations de faibles densités. Lorsque l’enjeu est de stabiliser une communauté humaine dans un environnement difficile, et devenir plus strictes et exclusives lorsque la pression s’accroît). Le foncier est au confluent de l’économique, du social, du politique et du culturel (J.P. COLIN et al., 2023, p. 42).

Pays de tradition agricole, le foncier rural ivoirien a été déstabilisé avec la mise en valeur des forêts pour la pratique du café et du cacao. Ainsi, la question foncière est d’une importance cruciale dans monde rural ivoirien. Le potentiel agricole et surtout l’agriculture de plantation valorisée depuis 1960 dans les zones forestières occasionne très souvent les litiges fonciers (K. TRAORÉ, 2019. p.114). La forte migration des cacaoculteurs vers les zones forestières ivoiriennes a engendré plusieurs formes de transactions foncières marchandes non formelles (J.P. COLIN et E. BOUQUET, 2022, p. 471). Le département de Daloa, situé au centre-ouest du pays, zone de très forte production cacaoyère est l’un des exemples (K. TRAORÉ, 2019, p. 110). Dans cet espace, la disponibilité foncière antérieure a favorisé divers modes d’accès à cette ressource suivant des logiques parfois controversées et anarchiques visant à satisfaire les acteurs contractants. En effet, les terres appartenaient à des familles qui avaient l’exclusivité des droits d’usage et d’attribution. Des terres pouvaient être offertes gratuitement ou contre un don symbolique au détenteur. Cette gestion qui s’apparente souvent au bradage a conduit à l’amenuisement rapide du patrimoine foncier dans le département de Daloa. La rareté des terres plonge le département dans un état permanent de crise foncière aux implications socio-économiques considérables (D. M. AMALAMAN, 2015, p.4). Le renouvellement de générations est marqué par une prise de conscience face à la dilapidation du patrimoine foncier des populations locales et le désir de sécurisation des droits antérieurement acquis sur les parcelles ont exacerbé les tensions (A. COULIBALY, 2006, p.2). Il s’avère opportun d’étudier les modes d’expression des litiges dans le département de Daloa. Ainsi, comment s’expriment les litiges fonciers dans le département de Daloa ? Cette étude identifie les formes d’expression des litiges fonciers, analyse la pluralité de facteurs de leur survenance et détermine leurs implications socio-économiques dans le département de Daloa.

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Date de parution
30 sep 2023