En Côte d’Ivoire, la dynamique urbaine se manifeste à travers l’étalement démesuré de l’espace urbain et une croissance accentuée de la population citadine. La ville de Bouaké connait une évolution démographique fulgurante (84 846 habitants en 1965, 832 371 habitants en 2021) et spatiale (2 122ha en 1966, 29 250 hectares en 2014) (INS, 2014 ; RGPH 2021). Elle tend vers les villages situés aux périphéries de la ville. Cette contribution a pour objectif d’analyser les stratégies foncières des villages périphériques de Bouaké et montrer si oui ou non, ces stratégies ont des limites face aux mutations urbaines. Elle s’appuie sur l’exploitation documentaire, des observations et des enquêtes de terrain. Les résultats obtenus montrent que les villages périphériques de Bouaké ont mis en place des stratégies pour la gestion de leur foncier. Ces stratégies sont d’ordres collectifs et individuels (le lotissement par anticipation, la construction de logements sur les espaces peu bâtis, la pratique de l’agriculture sur la parcelle et la mise en vente de la parcelle). Ces stratégies ont des limites tant internes (divergences familiales) qu’externes (les lotissements non approuvés et la réquisition des espaces pour des travaux d’aménagement publics).
In Côte d'Ivoire, the urban dynamic is manifested through the disproportionate spread of urban space and an accentuated growth of the urban population. The city of Bouaké is undergoing rapid demographic growth (84,846 inhabitants in 1965, 832,371 inhabitants in 2021) and spatial growth (2,122 hectares in 1966, 29,250 hectares in 2014) (INS, 2014; RGPH 2021). It tends towards the villages located on the outskirts of the city. This contribution aims to analyze the land tenure strategies of the outlying villages of Bouaké and to show whether or not these strategies have limits in the face of urban change. It is based on documentary analysis, observations and field surveys. The results obtained show that the outlying villages of Bouaké have put in place strategies for the management of their land. These strategies are both collective and individual (anticipatory subdivision, construction of housing on sparsely built-up areas, farming on the parcel and putting the parcel up for sale). These strategies have both internal limits (family differences) and external limits (unapproved subdivisions and the requisition of space for public development work).
Introduction
La Côte d’Ivoire est passée de 1921 à 2021, d’une situation d’urbanisation embryonnaire à une situation d’urbanisation explosive et remarquable. En effet, d’un taux d’urbanisation de 2,09% en 1921 avec 32 000 personne dans les villes, le pays s’est retrouvé avec un taux de 12,67% et une croissance annuelle de 8,5% en 1955. Ce taux a atteint 32% en 1975, 42,5% en 1998 (B. ZANOU et D. YEO, 2001, p.13), 49,74% en 2014 (INS, 2014) et 52,5% en 2021 (RGPH, 2021).
La ville de Bouaké n’est pas restée en marge de cette croissance urbaine. De 1960 à 1990, le taux de croissance urbaine de Bouaké supérieur à 5%, a atteint 4,5% entre 1988 et 1998. Ce taux s'est stabilisé autour de 3% pendant les années de crises militaro-politique qu'a connu la Côte d’Ivoire en 2002 et 2011 (A.J.M.K. KOUAKOU, 2017, p.3). La population urbaine de Bouaké a atteint respectivement 84 846 habitants en 1965, 173 189 habitants en 1975, 322 999 habitants en 1988, 416 618 habitants en 1998, 536 189 habitants en 2014 (INS, 2014) et 832 371 habitants en 2021 (RGPH, 2021). Un ensemble d’atouts ont fait de Bouaké une ville importante voire dans la sous-région septentrionale. Il s’agit de sa situation de ville carrefour, d’un début d’industrialisation précoce et des fonctions commerciales et administratives. Cela a entrainé une urbanisation rapide depuis l’indépendance de la Côte d’Ivoire (B T A. DOHO et al, 2020, p.125). La ville connait une évolution tant démographique que spatiale. La tache urbaine couvre aujourd’hui 29 250 hectares contre 2 122 hectares en 1966 (INS, 2014). Peu à peu, le développement spatial et les nouveaux lotissements absorbent les villages dans la périphérie proche de la ville (S. DIABAGATE, K-P. KONAN, 2021, p.131).
L’on constate une intrusion de la ville de Bouaké dans le terroir des villages situés aux périphéries de la ville. Les acteurs de la chaine de production du foncier urbain se tournent désormais vers ces espaces qui offrent encore des possibilités à la ville de Bouaké de s’étendre davantage. Cela pose le problème de gestion foncière dans les villages périphériques de Bouaké. Face à cette situation, les villages périphériques de Bouaké ont mis en place des stratégies foncières afin de préserver leur patrimoine foncier face aux mutations urbaines. Quelles sont les stratégies foncières initiées par les villages périphériques de Bouaké pour la gestion et la sécurisation de leur patrimoine foncier ?