La Sous-préfecture de Hiré, zone où coexiste exploitation aurifère industrielle et artisanale depuis 2007, montre un développement assez équivoque. La présente contribution scientifique met en évidence les effets induits par l’exploitation aurifère sur le milieu naturel. L’objectif est d’appréhender le niveau de dégradation du milieu naturel afin d’attirer l’attention des décideurs sur les conséquences néfastes de cette activité sur l’environnement de la sous-préfecture d’Hiré. L’approche méthodologique de cette étude repose sur la collecte et l’exploitation des informations de sources primaires (enquête de terrain) et secondaires (recherche documentaire). Ainsi, dans le but d’apprécier l’évolution du couvert végétal, des images satellitaires Landsat ont été téléchargées et traitées à l’aide du logiciel ENVI 5.1. Les résultats issus de cette étude montrent une pollution de l’air, des eaux de surfaces, souterraines dans les alentours des mines industrielles et artisanales ainsi qu’une dégradation du sol et une réduction du couvert végétal. Au terme de cette analyse, il ressort que l’exploitation aurifère dans la Sous-préfecture de Hiré constitue un facteur de dégradation de l’environnement physique.
The Sub-prefecture of Hiré, an area where industrial and artisanal gold mining has coexisted since 2007, shows a fairly equivocal development. The environmental effects generated by gold mining are visible in this space through the destruction of vegetation, pollution of air, water and degradation of the soil. Given this state of affairs, this scientific contribution highlights the effects induced by gold mining on the natural environment. The aim is to understand the level of degradation of the natural environment in order to draw the attention of decision-makers to the harmful consequences of this activity on the physical environment of the sub-prefecture of Hiré. The results of this study show pollution of surface and underground water in the vicinity of industrial and artisanal mines and of air. As well as soil degradation and a reduction in plant cover. To collect the data for this study, we used information from primary (field survey) and secondary (documentary research) sources. In order to assess the evolution of the plant cover, Landsat satellite images were downloaded and processed using ENVI 5.1 software. At the end of this analysis, it emerges from this that gold mining in general in the Sub-prefecture of Hiré constitutes a factor of degradation for the physical environment.
Introduction
Depuis le XIX siècle, il s’est développé au Sahel et en Afrique Occidentale l’exploitation des ressources minières (S. KEITA, 2001, p. 17). Ce secteur est caractérisé par la coexistence de l’exploitation à petite échelle (mine traditionnelle) et l’exploitation à grande échelle pratiquée par les grandes compagnies qui constitue une source significative des recettes pour l’État (S. KEITA, 2001, p. 17). Confrontée ces dernières années (2010-2015) à la baisse des prix des matières premières agricoles sur le marché mondial, aux perturbations climatiques, à l’érosion des sols et aussi à la rareté des surfaces forestières cultivables, la Côte d’Ivoire a entrepris d’accroître l’exploitation de ses ressources minières (V, C, K, KOUASSI, 2018, p. 75).. Ainsi, plusieurs gisements d'or à travers le pays ont fait l'objet de permis d'exploration et/ou d'exploitation. La sous-préfecture de Hiré, à l’image de certaines localités ivoiriennes abrite depuis 2006 la mine industrielle de Bonikro et celle de Hiré. Ces mines industrielles ainsi que les mines artisanales contribuent à la dégradation du milieu naturel à travers l’utilisation et le rejet de produit chimique nocif.
Au vu de cette situation préoccupante, les autorités ivoiriennes ont entrepris des actions visant à réduire les dégâts de cette activité sur l’environnement naturel. Pour cela, les codes miniers et pétroliers ont été revus afin d’amener les sociétés des industries extractives à réaménager les sites miniers après leur exploitation et de limiter l’utilisation de produits chimiques à un niveau considérable. De même, «des actions de luttes et de déguerpissement sont menées sur les sites d’exploitations aurifères artisanales» (N. K. KOUADIO, 2016, p. 296).
Cependant, malgré les efforts consentis par les autorités ivoiriennes, le milieu naturel continu d’être dégradé à cause de l’exploitation aurifère. Dès lors, comment l’exploitation aurifère contribue-t-elle à la dégradation du milieu naturel dans la sous-préfecture de Hiré ? Cette contribution scientifique vise l’appréhension de la degradation de l’environnement induit par l’exploitation aurifère dans la sous-préfecture de Hiré en vue de parvenir à une gestion rationnelle de l’environnement.
1. Méthodologie
Pour la réalisation de cette étude, nous avons eu recours à des données de source primaire et secondaire. Les données de source secondaire sont issues d’une recherche documentaire en se servant des bibliothèques virtuelles et du répertoire des mémoires du département de géographie de l’université Alassane Ouattara. Ces bibliothèques ont permis de consulter des articles (Étude sur les mines artisanales et les exploitations minières à petite échelle au Mali), des mémoires (Exploitation aurifère et développement local dans le département de Bouaflé) et des rapports d’études scientifiques (étude d’impact environnementale de la mine de Bonikro). Par ailleurs, pour cerner notre sujet et compléter les informations issues des bibliothèques, nous avons réalisé une enquête de terrain afin d’acquérir des données primaires qui ont permis de compléter ou valider certaines informations issues de la recherche documentaire. Cette enquête a consisté à des entretiens avec le secrétaire général de la Mairie, des chefs de villages (Bonikro, Kagbè, Bouakako, Zaroko, Gogobro), le chargé des affaires sociales et communautaires de la direction environnementale et sociale de Newcrest (mine industrielle) et les responsables de 2 sites d’exploitations aurifères artisanales visités (Koné Drissa, Dramane Issiaka). Ces derniers sont les collaborateurs directs de la société minière, des propriétaires terriens et des orpailleurs. Ils ont fourni des informations sur l’historique de l’activité aurifères et les effets néfastes engendrés par cette activité. Dans le but d’apprécier l’évolution du couvert végétal, des images satellitaires Landsat 5, Landsat 7ETM et Landsat 8 ont été téléchargées et traitées à l’aide du logiciel ENVI 5.1. Après avoir recueilli les données primaires, nous nous sommes attelés au traitement de ces données avec le logiciel Excel 2013.
2. Résultats et analyses
2.1. État des lieux de l’exploitation aurifère dans la sous-préfecture de Hiré
2.1.1. L’exploitation aurifère à Hiré, une activité très ancienne
«L'exploitation de l'or n'est pas une activité nouvelle à Hiré. Elle a bien existé à l'époque coloniale. L'exploitation de l'or à Hiré a commencé d'abord par l'orpaillage dans les années 1930» (P. B. ZÉZÉ, 1981; E. BERNUS et S. VIANES, 1962 cité par N. K. KOUADIO, 2016, p. 290). Cette exploitation a été à l'origine des premières migrations de Baoulé, de Dioula (malinké, mahouka) et de ghanéens vers le petit village Hiré-Watta qui devient par la suite une sous-préfecture en 1976 puis une commune en 1995. En outre, N. K. KOUADIO (2008, p. 33) affirme que :
«Le dynamisme de l'orpaillage à Hiré attire l'attention des colons. Ceux-ci vont y implanter une exploitation semi- industrielle et faire arrêter l'exploitation artisanale. Ils étaient beaucoup plus équipés et disposaient de matériels d’exploitation plus appropriés et sophistiqués. Ils pratiquaient l’exploitation de type souterrain et quelquefois l’usage de dynamite pour exploser des roches situées à une profondeur moins importante (5 à 10 mètres environ) contenant des filons d’or».
Certains orpailleurs Baoulé ont même été recrutés par les Européens dans leur mine. «Il y avait aussi des étrangers en particulier des maliens et des burkinabés qui ont été recrutés comme ouvriers dans cette mine à cause de leur vigueur et le fait qu’ils connaissaient au paravent l’activité minière» (N. K. KOUADIO, 2008, p. 33). L'exploitation semi-industrielle de l'or a duré jusque dans les années 1960. Les traces de leurs installations demeurent toujours visibles. La figure 1 montre les sites d’orpaillage détenus par les colons durant la période coloniale.
Les sites d’orpaillage détenus par les colons durant la période coloniale étaient situés pour la plupart à l’est de la ville et en bordure de route afin de faciliter l’accès. En 2012, ces sites ont fait l’objet d’exploitation par les orpailleurs. Ces derniers recreusaient les anciennes galeries et regroupaient les anciennes roches. Cependant depuis 2014, cet espace est devenu la propriété de la société Newcrest qui l’a ensuite cédé à Afrique Gold en 2018. Cette dernière exploite les gisements d’or en utilisant des moyens sophistiqués et modernes.
2.1.2. Typologie et caractéristiques de l’exploitation aurifère à l’échelle de la sous-préfecture de Hiré
A l’échelle de la sous-préfecture, deux types d’exploitation aurifères coexistent à savoir l’exploitation aurifère industrielle et artisanale.
2.1.2.1. L’exploitation aurifère industrielle, une activité aux outils modernes
Les infrastructures utilisées par la société Newcrest comprennent notamment une exploitation minière à ciel ouvert, une infrastructure de stockage des stériles, une usine de traitement de minerai, un dispositif de stockage des résidus miniers. Les infrastructures incluent aussi un dortoir pour les employés de la mine, des infrastructures de maintenance de l’usine et d’approvisionnement en eau et en électricité (groupe électrogène). En outre, l’exploitation d’une mine à ciel ouvert requiert généralement des engins de chantier aux gabarits imposants et peu communs aux autres secteurs de l’industrie. Ainsi, l’exploitation aurifère industrielle repose essentiellement sur l’utilisation d’une flotte d’engins miniers comprenant des foreuses, des pelles, des camions-bennes, des niveleuses, des chargeuses, des rom-pads ou des matériaux de concassage, des Volvo, des dumpers et des bouteurs sur pneus et sur chenilles. La planche 1 contenant les photos (A et B) et (C) montre des engins utilisés dans l’exploitation aurifère industrielle dans la Sous-préfecture de Hiré.
La photo A est un aperçu de tombereau minier utilisé pour le transport du minerai sur le site de Hiré. Il est impressionnant. En effet, il peut supporter des charges utiles allant jusqu’à 360 tonnes, permettant ainsi une rentabilité maximale. La photo B montre un bouteur sur chenille que les employés de Newcrest utilisent pour le chargement des tombereaux sur le site de Hiré. L’utilisation de ce bouteur sur chenille permet de réduire le temps de chargement des tombereaux, car le temps est un élément crucial dans l’exploitation d’une mine. En effet, plus le chargement se fait rapidement, plus les tombereaux peuvent effectuer plusieurs voyages entre la carrière et l’usine de stockage du minerai. Le nombre de voyages conditionne la quantité de minerai traité par jour à l’usine. De même, il simplifie les tâches des employés tout en réduisant les risques d’accident et offre une rentabilité maximale. Quant à la photo C, elle indique un bouteur sur chenille en activité sur le site industriel de Hiré chargeant un tombereau.
2.1.2.2. L’exploitation aurifère artisanale, une activité marquée généralement par des outils traditionnels
L’exploitation aurifère artisanale à Hiré a débuté en 2007 avec des moyens de production très rudimentaires. Mais depuis 2012, on constate l’utilisation de matériaux mécanisés. Le tableau 1 présente les fonctions des outils utilisés dans l’exploitation artisanale de l’or à l’échelle de la Sous-préfecture de Hiré.
Le tableau 1 est un récapitulatif des matériaux utilisés dans l’orpaillage à l‘échelle de la Sous-préfecture de Hiré. La première partie du tableau fait état de l’inventaire des outils manuels et des fonctions assignées à ces outils. Il s’agit des bassines et calebasses qui permettent de vider les puits et de laver le sable issu du broyage des roches; des dabas qui sont utilisés pour creuser partiellement le sol; des lampes torches qui permettent aux orpailleurs d’éclairer les tunnels; des marteaux qui permettent de concasser des cailloux contenant l’or; des pioches utilisées pour creuser les puits; des sachets utilisés pour retenir l’eau des bassins; des sacs et cuvettes pour transporter du sable et des seaux, cordes, pelles et poulies pour retirer le gravier ou la terre. Quant à la deuxième partie du tableau, elle présente les matériaux mécanisés utilisés dans l’orpaillage. Les broyeuses permettent de moudre les pierres. Les motopompes permettent d’aspirer l’eau dans les galeries creusées.
2.1.3. Dynamique de l’occupation du sol à l’échelle de la sous-préfecture de Hiré de 2008 à 2017
La dynamique spatiale et temporelle de l’occupation du sol entre 2008 et 2017 est régressive et deux paramètres d'évolutions se font remarquer : les unités végétatives dont les superficies ont augmenté (mine d’or, sols nus et forêts dégradées) et les unités dont les superficies ont régressé (forêts denses humides). La figure 2 montre la dynamique spatiale et temporelle de l’occupation du sol entre 2008 et 2017.
Ainsi pour mieux apprécier la dynamique de l’occupation le tableau 2 est un récapitulatif de l’évolution des superficies des différents types d’occupation du sol de 2008 à 2017.
L’analyse du tableau 2 montre que la période 2008-2017 est marquée par la progression des de la végétation dégradée. Elle est passée de 16835 hectares en 2008 à 20584 hectares en 2017 soit une progression annuelle de 416 hectares. L’espace de la mine est passé de 130 hectares à 1994 hectares soit une avancée annuelle de 207,11 hectares. L’occupation humaine également connait une croissance sur l’espace. En effet, elle est passée de 2575 hectares en 2008 à 4180 hectares en 2017 soit une progression annuelle 178,33 hectares. La végétation primaire quant elle, a connu un recul exagéré soit une dégradation passant de 13750 hectares en 2008 à 9212 hectares en 2017 soit une régression annuelle de 504 hectares à cause des flux migratoires des populations riveraines vers le périmètre minier (Hiré). Cette situation entraine un déboisement accéléré. La mime d’or en activité il y a seulement 9 ans (débuté en 2008) a fait reculer la végétation de 4,65% en 2017 soit 1994 hectares contre 00% en 1988. Le tableau 3 a permis de faire l’intersection des deux périodes, afin d’appréhender l’évolution spatio-temporelle de l’occupation du sol en hectare de chaque unité sur 9 ans.
Quant à l’exploitation aurifère artisanale, il faut noter que depuis 2006, le nombre d’orpailleurs qui travaillent dans la Sous-préfecture de Hiré n’a cessé d’augmenter jusqu’en 2010. Des évaluations datant de 2010 estiment qu’environ 1000 mineurs artisanaux travaillaient dans le périmètre de Hiré en 2012. Cependant en 2017 le nombre d’orpailleurs était estimé à moins de 500 (V. C. K. KOUASSI, 2018, p. 113). La figure 3 présente les différents sites d’orpaillages dans la Sous-préfecture de Hiré.
2.2. Effets de l’exploitation aurifère sur de l’environnement physique à Hiré
2.2.1. L’exploitation aurifère, facteur de réduction de la quantité d’eau et de pollution des eaux de surface et souterraine dans la sous-préfecture de Hiré
2.2.1.1. État actuel des eaux souterraines dans les alentours de la mine industrielle de Bonikro
Les activités aurifères industrielles impactent les ressources en eau, par le biais du pompage de rabattement effectué en fond de fosses, permettant d’assurer les conditions de travail à sec, de sécuriser la stabilité des parois. La baisse du niveau de la nappe phréatique résultant de cette évacuation des eaux des fosses affecte potentiellement les puits et les forages situés dans les étendues locales et zonales. La quantité et la qualité des eaux de surface et souterraines ont été évaluées. En effet, selon l’étude réalisée par Y. BAMBA (2012, p. 29), il apparait d’une part que :
«La quantité d’eau mobilisée pour l’exploitation de la mine est admissible vu la disponibilité des ressources en eau avec un excédent de 5 951 009,8m3 dans la zone d’étude. Et d’autre part, l’analyse des paramètres physiques, chimiques et microbiologiques des eaux des forages PB02 et PB04 (lieu de prélèvement des échantillons d’eau) a montré que la zone minière connait une pollution en cyanure total avec des valeurs respectives de 0,865 mg/l et 0,829 mg/l».
La figure 4 présente le niveau de concentration en cyanure dans les eaux souterraines de la mine.
«La qualité physico-chimique des eaux souterraines est globalement moyenne par rapport aux normes de l’O.M.S sur l’ensemble des aquifères de la ville de Hiré» (KOUASSI, 2006 cité par Y. BAMBA, 2012, p. 23). Cependant, l’analyse détaillée des résultats met en exergue des résultats mitigés. La norme de buvabilité de l’O.M.S de 0,05 mg/l pour le Cyanure total a été excédée pour deux échantillons analysés PB02 et PB04 avec des valeurs respectives de 0,865 mg/l et 0,829 mg/l. Ces fortes teneurs peuvent être expliquées par un effet de contamination à partir des résidus de traitement très riche en cyanure. En effet, ces deux forages PB02 et PB04 sont situés à proximité de l’usine de traitement du minerai et du parc à résidu.
2.2.1.2. État des eaux de surface autour de la mine de Bonikro
«La qualité physico-chimique actuelle des eaux de surfaces a été analysée à partir de dix-huit (18) points d’échantillonnages identifiés sur le réseau hydrographique drainant la zone aurifère. La campagne d’échantillonnage a couvert la période du 28 Septembre 2011 au 24 Janvier 2012» (Y. BAMBA, 2012, p. 28). La figure 5 montre des points échantillonnés sur les eaux superficielles de la mine de Bonikro.
L’analyse des eaux prélevées présente des indices d’Aluminium (Al) et de Silice avec des valeurs oscillant respectivement entre 0,008 mg/l et 0,361 mg/l et entre 21 mg/l et 29,5 mg/l, celles-ci dépassent les valeurs limites proposées par l’OMS (0,2mg/l pour l’aluminium et 20 mg/l pour SiO2). La forte teneur en Al est détectée aux environs de Petit Bouaké (figure 5A). «Ces fortes teneurs s’expliqueraient par la dissolution des minéraux contenus initialement dans les rejets miniers et les phénomènes liés au drainage minier acide» (HAKKOU et al. 2006) cités par Y. BAMBA (2012, p. 29).
Dans la ville de Hiré, les concentrations en cyanure, Arsenic et les ETM (Al et SiO2 qui étaient en trace à l’état initial du projet) sont supérieurs à l’état actuel aux concentrations usuelles pour les eaux naturelles non contaminées, et présentent des teneurs plus fortes avec une différence significative comparée aux valeurs proposées par l’O.M.S. «Les eaux de surface au voisinage du centre minier de Bonikro s’avèrent donc nettement polluées» (Y. BAMBA, 2012, p. 29). Par ailleurs, l’exploitation aurifère artisanale contribue également à la pollution de l’eau. En effet, l’utilisation des produits chimiques tels que le mercure ou le cyanure dans certains procédés d’extraction est nocive pour le bon fonctionnement de l’écosystème aquatique.
2.2.2. L’exploitation aurifère facteur de dégradation du sol et de la végétation dans la sous-préfecture de Hiré
2.2.2.1. L’exploitation aurifère, cause de la dégradation du sol dans la sous-préfecture de Hiré
Les sols sont exposés à des risques de pollution engendrée par les déversements d’hydrocarbure et des produits chimiques. Les parcelles qui ont été dénudées de leur couvert végétal pour les besoins de l’exploitation aurifère, de même que les sols des ouvrages et les aires de stockage de matériaux dans le cas de l’exploitation aurifère industrielle sont particulièrement vulnérables à l’érosion par l’eau et le vent. En plus, cette activité constitue un risque pour la viabilité des sols du fait des raisons suivantes : l’effondrement de terrains au cours du décapage des sols et des activités de stockages, le terrassement mécanique créée par la circulation intense et le va-et-vient des camions de transport et engins de terrassement.
L’activité aurifère artisanale contribue également à la destruction du sol. En effet, les trous creusés par les orpailleurs, la couche arable du sol dégagée, les produits chimiques utilisés et les pierres infertiles en or rejetées à la surface rendent les sites infertiles et irrécupérables pour l'agriculture (C. A. KOUADIO, 2015, p. 99). La planche 2 à travers les photos A et B témoigne de l’impact de cette activité sur le sol.
La photo A est un aperçu de la carrière de la mine industrielle de Bonikro. Cette photo montre les dégâts engendrés par l’exploitation aurifère et laisse entrevoir une dégradation avancée du sol. Le diamètre de cette carrière avoisinerait 500 mètres selon des ouvriers. La profondeur peut atteindre 250 mètres de profondeur. Cet état de fait montre à quel point l’exploitation aurifère surtout industrielle contribue à dégrader le sol. De même, l’ouverture des chantiers d’exploitation s’accompagne d’un abattage abusif et anarchique des arbres. Ce déboisement massif est en partie à l’origine de la disparition du couvert végétal pourtant nécessaire à la survie des populations des zones exploitées. Les sols ont un profil perturbé et leur érosion par les eaux de ruissellement montre qu’ils sont infertiles à l’agriculture. On note une grave pénurie des terres pour l’habitat et l’agriculture. Quant à la photo B, elle présente l’état du sol après le passage des orpailleurs sur le site de Bouakako. La destruction du couvert végétal expose le sol à l’eau de ruissellement et favorise une érosion certaine. De même, les trous creusés par ces derniers contribuent fortement à l’érosion du sol du fait de l’accumulation de l’eau dans ces trous.
2.2.2.2. Réduction de la couverture végétale induite par l’activité aurifère dans la sous-préfecture de Hiré
La dégradation des forêts par les activités aurifères est l’une des conséquences les plus visibles des effets environnementaux. En effet, «le couvert végétal des sites est dégradé par l'action des fouilles. Et environ 615 hectares de forêt ont été détruits dans le cadre de construction de la mine de Bonikro» (E. T. ALLOU, 2015, p. 94). La figure 6 présente l’évolution de la couverture végétale de la Sous-préfecture de Hiré.
L’analyse de la figure 6 montre l’evolution de la couverture végétale de la Sous-préfecture de Hiré. En 1988 cet espace était prédominé par la végétation primaire. Cependant, de 1988 à 2008, l’on constate une réduction de la végétation primaire au profit de la végétation dégradée qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Entre 2008 et 2017, le constat montre une prédominance de la végétation dégradée. Cette situation est imputée à plus plusieurs facteurs. Le principal facteur est l’exploitation aurifère. En effet, en 1988, la superficie de végétation dégradée était faible (7605 hectares) par rapport à 2008 (19270 hectares) et 2017 (21454 hectares). À cette période la Sous-préfecture Hiré était moyennement peuplée et la pression foncière était pratiquement faible. D’où la faible dégradation de la végétation primaire constatée. Mais à partir de 2008, année du début de l’exploitation aurifère industrielle, la végétation primaire de cet espace a connu une forte dégradation.
En effet, l’ouverture des chantiers d’exploitation aurifère à Hiré s’accompagne d’un abattage abusif et anarchique des arbres. Ce déboisement massif est en partie à l’origine de la disparition du couvert végétal primaire pourtant nécessaire à la pratique de l’agriculture et par conséquent à la survie de la population. De même, l’orpaillage pratiqué sur l’ensemble de cet espace et la construction des mines industrielles ont entrainé la destruction de plusieurs plantations et champs. Selon N. K. KOUADIO (2016, p. 291), «plus de 1000 agriculteurs ont été expropriés de leur terre. Ainsi, cette situation a entrainé une pression foncière caractérisée par la conquête de terre pour la pratique de l’agriculture et par conséquent la destruction de la forêt».
En outre, cette activité a entrainé une migration de population dont le besoin en logement doit est satisfait. L’extension urbaine et la construction de voie de transport pour l’acheminement du minerai contribuent à la destruction de la forêt.
2.3. Effets de l’exploitation aurifère, facteur de dégradation du cadre de vie dans la sous-préfecture de Hiré
2.3.1. Fissuration et désintégration conséquente des maisons induites par les vibrations issues des explosions
Les vibrations engendrent des fissures dans les maisons. En effet, les structures des maisons construites à Hiré ne respectent pas pour la plupart les normes en matière de bâtiment surtout dans les zones rurales. Elles sont de qualité variable. Les types de matériaux utilisés vont du ciment à la terre argileuse et les fondations ne sont pas faites correctement. Ainsi, les vibrations de sols prolongées et de niveau de bruit élevé entraînent facilement des fissurations dans la structure des maisons. La photo 1 montre une fissuration dans un mur causée par les explosions au quartier central de Hiré.
La photo 1 montre l’apparition de fissures de différentes formes dans la structure de ce mur situé à moins de 500 mètres de la mine. Cette fissure observée agit sur la valeur de celui-ci. Elle est toute l’expression d’une désintégration causée par l’explosion comme nous l’expliquait le monsieur sur la photo de la gauche.
2.3.2. Les effets sonores issus de l’explosion, facteur de perturbation de la tranquillité des populations voisines
Les communautés vivent dans des zones relativement proches des fosses (moins de 500 mètres). Elles ressentent donc les impacts des vibrations de sol et les effets sonores. Ces effets ont tendance à créer des bruits de toutes sortes ressentis par les structures et les hommes même à de faibles niveaux. Ce qui perturbe la quiétude des populations. En effet, les effets sonores ne sont pas maitrisés correctement et posent des dégâts sur les toitures et les fenêtres. Les niveaux n’ont pas besoin d’être élevés pour troubler la quiétude des populations. La figure 7 montre la répartition des niveaux décibels autour des mines industrielles dans la sous-préfecture de Hiré
La figure 7 montre une variation des décibels sonores autour des mines industrielles dans la sous-préfecture de Hiré. Cette variation laisse entrevoir les foyers de bruit à l’échelle de la ville de Hiré et des villages proche de la mine. Les informations montrent que la quiétude des populations est menacée car les installations minières sont situées à proximité des lieux d’habitations. Ces différents espaces déterminées autour de la mine sont des potentielles zones à risque de maladies liées aux émissions sonores élevées dans la mesure où les différents niveaux de décibels du bruit de ces mines sont au-dessus des valeurs autorisées par l’Organisation Mondiale de la Santé (les impacts du bruit peuvent se manifester à partir 55 décibels la journée et 40 décibels la nuit).
Ces différents niveaux sonores sont au-dessus de 40 décibels. L’impact provoqué par l’explosion est beaucoup plus agressif pour les populations vivant à 500 mètres de la mine. En effet, pour les personnes vivant à 500 mètres, le niveau de décibels reçu est compris entre 123 et 147 décibels. Pour celles situées à 1000 mètres, 1500 mètres et 2000 mètres l’impact sonore est compris entre 115 et 123 décibels, 111 et 115 décibels, 108 et 111 décibels.
Ainsi, lors de nos enquêtes les populations ont affirmé ressentir fortement les effets des explosions au sein de leurs habitats. Ces personnes sont des propriétaires d’habitations vivant avec leur famille dont les lots se trouvent dans le périmètre de la mine.
3. Discussion
Le véritable problème de l’exploitation minière réside dans la gravité et la nature des risques qu’elle peut faire courir à l’environnement. En effet, bien que les richesses générées par le secteur minier aient un impact important sur le développement économique, il cause d’énormes dommages à l’environnement. Étant une activité de courte durée, mais dont les effets persistent longtemps, elle constitue un facteur de destruction des forêts. À cet effet de nombreux travaux de recherches scientifiques menées par différents chercheurs l’attestent. Ainsi, il est estimé que «l’extraction minière, jointe à la prospection du pétrole, met en péril 38% des dernières étendues de forêt primaire du monde» (R. CARRERE, 2003, p. 22). En plus de la destruction de la flore, «l’exploitation minière a des effets négatifs sur les biotes qui lui sont associés. Dans les exploitations à ciel ouvert, les sols arables sont arrachés pour atteindre la partie minéralisée ce qui induit l’érosion et l’appauvrissement des sols» (D. MARADAN, B. OUEDRAOGO, N. THIOMBIANO, T. THIOMBIANO, K. ZEIN, 2011, p. 51). De même, «l’exploitation minière est une des activités ayant le plus fort impact environnemental et à ce titre, elle est fortement contestée par les ONG environnementalistes et les communautés locales qui en subissent directement les nuisances» (P. BLAIKIE, 1995, p. 20). Les recherches de L. POLIDORI, J-M. FOTSING, J-F. ORRU (2001, p. 480), portant sur le cycle biochimique du mercure, ont mis en évidence en Guyane, le rôle aggravant de l'activité aurifère et particulièrement de l'orpaillage, d'une part, par les rejets supplémentaires de mercure métallique et d'autre part, par une érosion certaine des sols qui favorise la mobilisation et le transport du mercure métallique jusqu'aux points les plus bas (bas-fond, cours d'eau). Les dégâts sanitaires et environnementaux sont avérés sur les sites d'orpaillage. Contrairement aux auteurs précédemment cités, R. A. M. ATSE (2007, p. 7), révèle que «le projet aurifère de Bonikro (Hiré), avec ses 255 emplois créés et plus de 50 milliards d’investissements consentis, constitue un véritable foyer de développement économique pour la Côte d’Ivoire». Abondant dans cette même logique, le Ministère de l’Industrie et des Mines ivoirien (2014) déclarait : « la mine d’or de Tongon, avec sa réserve de 120 tonnes d’or et un investissement à plus de 140 milliards, constitue un des plus importants foyers miniers en Côte d’Ivoire ». Ainsi, pour S. SOW (2013, p. 1), «le secteur de l’extraction minière représente pour la Guinée et pour beaucoup de pays en développement, une économie très importante». Selon l’auteur, le secteur minier représente 65 à 75 % des exportations de ce pays. Cependant, E. T. ALLOU (2015, p. 111), souligne que «l’exploitation minière contribue à modifier les flux de populations vers les zones d’exploitation minière. Ce qui entraine par conséquent, un nombre important de populations sur les sites d’exploitation et les zones environnantes. Modifiant par cette occasion la structure de la population dans une localité, voir dans une région». Vu l’importance que représente cette activité du point de l’enjeu économique et surtout environnemental dans la sous-préfecture de Hiré, il serait judicieux de penser à la gestion adéquate et efficiente de l’exploitation aurifère. Ainsi, les décideurs doivent procéder à l’élaboration et à l’application effective d’un instrument juridiquement contraignant sur l’utilisation du mercure. En outre, pour toute entreprise ou individu désirant exploiter des ressources minières sur le territoire ivoirien, doit se conformer à un certain nombre de mesures résultant du code minier ivoirien de 2014.
Conclusion
Au terme de ce travail, nous retenons que l’exploitation aurifère dans la Sous-préfecture de Hiré constitue un facteur de dégradation de l’environnement tant physique qu’humain. Elle engendre des changements capitaux sur l’environnement. Les effets de l’exploitation aurifère s’observent au niveau du cadre physique à travers la pollution des eaux, la destruction des sols et la pollution de l’air. Au niveau du cadre humain, les effets concernent la pollution sonore, les risques d’accidents et de maladies. L’application et le suivi effectif d’un certain nombre de mesures et recommandations tant au plan juridique, institutionnel et social permettront d’atténuer leurs impacts.
Références bibliographiques
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Auteurs
1Doctorant, Département de Géographie, Université Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire), kkcv49@gmail.com
2Doctorant, Département de Géographie, Université Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire), kouakoubah01@gmail.com
3Maître-Assistant, Enseignant-chercheur, Département de géographie, Université Alassane OUATTARA (Côte d’Ivoire), assueyao@yahoo.fr
4Professeur Titulaire, Enseignant-chercheur, Département de Géographie, Université Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire), Koffi_brou@yahoo.fr