Le département de Bouaké a longtemps fait office de bassins vivriers, et de réservoirs de mains d’œuvre en direction du Sud du pays, où les terres sont prioritairement affectées aux cultures industrielles. De plus en plus, avec l’engouement autour de la culture de l’anacarde dans le département de Bouaké, les cultures vivrières connaissent un recul et les inquiétudes concernant la sécurité alimentaire deviennent une préoccupation à laquelle le présent article s’intéresse. L’objectif de cette recherche est d’analyser l’impact de la production de l’anacarde sur la sécurité alimentaire dans les terroirs de ce département. La méthodologie adoptée est principalement constituée d’enquêtes de terrain à travers des questionnaires adressés aux producteurs agricoles, ainsi qu’aux structures en charge du monde rural. Un échantillon de 385 paysans a été retenu à cette fin, dans 12 villages répartis équitablement selon la méthode du choix raisonné. Les résultats révèlent que la production de l’anacarde est en expansion, pour des raisons pécuniaires (66%) et également du fait du choix limité de cultures pérennes à disposition des agriculteurs. Seulement (4%) des enquêtés pratiquent à la fois le teck et l’anacarde. Cet essor a favorisé la migration de retour (12%), et conféré de la valeur aux terres en friches (56%). Toutefois, l’on assiste à une marginalisation des cultures vivrières qui laisse entrevoir une insécurité alimentaire à l’horizon.
The area of Bouaké has long served as a favourable food basin and a tank of manpower towards the south of the country conducive to a variety of industrial crops. Increasingly, with the craze around cashew cultivation, food crops are declining and concerns about food security are becoming a concern that this article addresses. In the region of Bouaké, the passion for cashew impacts on food safety which is a development issue. The objective of this survey is to scrutinize the impact of cashew production on food security within that area. The methodology used is chiefly built around field investigation through questionnaires addressed to agricultural producers as well as to structures responsible for the rural domain. A sample of 385 peasants was selected for this purpose, in 12 villages evenly distributed according to the reasoned choice method. The results reveal a growing production of cashew. This is due to pecuniary reasons (66%) and the narrowed choice of industrial speculations which can be cultivated. Moreover, only 4% of the participants grow both teak and cashew. This boom has encouraged return migration (12%) and given value to wasteland (56%). However, we are witnessing a marginalization of food crops that suggests food insecurity on the horizon.
Introduction
L’activité agricole joue un rôle primordial dans les économies primaires, qui sont caractéristiques des pays Ouest-africains, et singulièrement dans celle de la Côte d’Ivoire. Dans les années 1970-1980, l’objectif principal des politiques publiques en faveur de la zone de savanes de Côte d'Ivoire, était de réduire l'écart entre le niveau de revenus des ruraux de cette zone, et celui des populations de la zone forestière. Aujourd'hui, il s'agit plutôt de mettre en valeur les importantes ressources naturelles (terre, parcours) sous-exploitées afin d'y stabiliser la population rurale (OCDE, 2013, p. 49).
Les écarts de revenu des populations des deux grandes zones de Côte d'Ivoire subsistent, mais l'on observe pour la zone des savanes un dynamisme économique récent. Ce dynamisme est lié à l'accroissement, et à la diversification de la production agricole, ainsi qu’à un ralentissement de l'exode rural, dû en partie à l’essor de l’anacardier (A. BABO, 2002, p. 45). La culture de l’anacardier en plein essor depuis une vingtaine d’année, et qui est devenue la principale culture de rente de la zone de savane a été plus que bénéfique pour les populations locales. En effet, cette culture a permis de reconsidérer et de redynamiser le rapport des populations locales à la terre dans cette région ; où l’économie est longtemps restée tributaire du vivrier.
Toutefois, à ce dynamisme économique correspondent des mutations dans le système de production, et une réorientation des superficies culturales vers l’économie de plantations en l’occurrence l’anacarde. Les avantages pécuniaires qui découlent de cette arboriculture fruitière, ont fini par exacerber les tensions autour de la terre, générant ainsi des conflits fonciers, et une relégation des cultures vivrières au second plan. Dans ce contexte de mutation agraire, se pose le problème de la sécurité alimentaire face à la progression de la culture d’anacardier dans le département de Bouaké. Il convient alors de se demander comment la culture de l’anacarde met-elle en péril la sécurité alimentaire dans le département de Bouaké ? Telle est la principale interrogation qui fonde cette étude.
Pour résoudre ce problème, il importe de s’interroger sur les préoccupations suivantes :
Quels sont les facteurs de l’essor de l’anacarde dans le département de Bouaké ?
Quelles sont les mutations socio-culturales de cet essor dans ce département ?
Quel est l’impact de ces mutations sur la sécurité alimentaire dans le département de Bouaké ?