L’intérêt pour cette étude s’est porté sur la cartographie du finage de Bembéla, afin de connaître le niveau de l’occupation du sol dans cet espace de vie des populations rurales. Il s’est agi d’abord de cartographier l’occupation du sol, ensuite d’analyser de façon temporelle la répartition et l’intensité des types d’occupation du sol au sein de ce finage de 1985 à 2018.
La méthodologie utilisée se fonde sur une approche cartographique, analytique basée sur l’utilisation de la télédétection et des systèmes d’information géographique (SIG). La réalisation de cette étude a nécessité le recours à des données satellitaires, cartographiques et des enquêtes de terrain.
Les résultats montrent que le finage s’étend sur une superficie de 4901 hectares et abrite le village de Bembéla, quelques campements, des pistes et des cours d’eau. L’occupation du sol révèle la répartition et l’intensité des espaces naturels et des espaces humanisés en 1985, 1999 et 2018. Les statistiques de l’occupation du sol indiquent que le finage de Bembéla connaît une forte pression anthropique et une augmentation des espaces humanisés et ce, au détriment des espaces naturels. Ces espaces naturels ont fortement régressé entre 1985 et 2018, passant de 82 % en 1985 à 37% en 2018.
Mots-clés
Interest in this study focused on the mapping of Bembéla's finage, in order to know the level of land use in this living space of rural populations. It was first a question of mapping the land use, then of analyzing temporally the distribution and the intensity of the types of land use within this finage from 1985 to 2018.
The methodology used is based on a cartographic, analytical approach based on the use of remote sensing and geographic information systems (GIS). Carrying out this study required the use of satellite and cartographic data and field surveys.
The results show that the finage covers an area of 4,901 hectares and shelters the village of Bembéla, some camps, tracks and rivers. Land cover reveals the distribution and intensity of natural and humanized areas in 1985, 1999 and 2018. Land cover statistics indicate that the finning of Bembéla is experiencing strong anthropogenic pressure and an increase in areas humanized, to the detriment of natural spaces. These natural spaces fell sharply between 1985 and 2018, from 82% in 1985 to 37% in 2018.
Keywords
Introduction
La plupart des régions de la Côte d’Ivoire ne dispose que d’informations anciennes et éparses sur l’occupation de leur espace. Vu l’évolution rapide de l’exploitation du milieu naturel, certains documents cartographiques disponibles ne sont plus des références pour les projets d’aménagement de l’espace local et de la gestion de l’espace rural. Cette approche est une contribution à l’accumulation, à partir d’étude de cas, des connaissances pouvant aider à la compréhension de la structuration spatiale de ces milieux ruraux.
Depuis plusieurs années, les tentatives d’une étude intégrée du milieu naturel de savane se multiplient dans les régions tropicales (Z. KOLI Bi 2009, p. 72). Cette étude s’inscrit dans le programme d’inventaire, de cartographie et de constitution d’une base de données géographiques sur les différents types d’environnements naturels et humanisés. Elle vise aussi à relever quelques réflexions sur le milieu naturel et son exploitation par l’homme dans le finage de Bembéla, situé dans le Nord-est de la Côte d’Ivoire.
Les travaux de D. KOFFI et al, (2016, p 138) révèlent que l'étude de la dynamique de l’occupation du sol s’avère de plus en plus indispensable, à la fois pour la connaissance d’un territoire et pour son aménagement. Elle aide à avoir une meilleure compréhension des différentes tendances dans les processus de transformation spatiale.
En effet, les activités anthropiques dans les régions provoquent des modifications du milieu naturel. Dans le finage de Bembéla, ces activités participent à la transformation du couvert végétal. Dès lors, quel est l’état de l’occupation du sol au sein du finage de Bembéla ? Quel est le niveau de l’occupation du sol dans cet espace de vie des populations rurales ?
Il s’agit de cartographier l’occupation du sol du finage de Bembéla et d’analyser de façon temporelle, la répartition et l’intensité de l’occupation du sol de 1985 à 2018.
1. Présentation de l’espace d’étude
Le finage de Bembéla appartient à la Sous-préfecture de Tougbo au Nord-Est ivoirien. La localité de Bembéla est située à 186 km de Bouna et à 25 km de la frontière du Burkina-Faso à la lisière du Parc National de la Comoé (figure 1).
2. Données et méthodes d’étude
2.1 Données de l’étude
Les données qui ont permis la réalisation de cette étude sont de trois types. Nous avons d’une part, trois images satellites et d’autre part, des données cartographiques et les données d’enquête. Les images satellites datent de trois périodes différentes de la scène 196-053. Ce sont des images Landsat 5 TM (Thematic Mapper) du 22/11/1985, de Landsat 7 ETM+ (Enhanced Thematic Mapper +) du 14/02/1999 et Landsat 8 OLI-TIRS (Operational Land Imager and Thermal Infrarouge Sensor) du 06/03/2018 téléchargées sur le site internet de « earthexplorer.usgs.gov ». Ces images ont servi à établir les cartes d’occupation du sol de la zone d’étude.
Les données cartographiques sont relatives aux cartes de localisation de l’espace d’espace d’étude. Elles ont été obtenues auprès du Bureau National d’Etudes et de Développement (BNETD)/Centre d’Information Géographique et du Numérique (CIGN).
Les enquêtes de terrain ont permis de recueillir des données supplémentaires sur le finage de Bembéla et des points GPS. Elles ont consisté en des observations sur le terrain, des entretiens avec des personnes intervenant dans les structures techniques d’appui et de vulgarisation, dans les services administratifs et les exploitants agricoles. L’observation directe du terrain a consisté dans un premier temps à l’identification des limites naturelles de notre zone d’étude en collectant des points et en délimitant à l’aide du GPS les parcelles d’entrainement. Des échantillons ont été collectés ainsi que des données relatives aux pratiques agricoles au sein de l’espace d’étude.
Le logiciel ENVI 5.1 a servi au prétraitement et au traitement des images satellites ; l’application ARCMAP du logiciel ARCGIS 10.2 a été utilisée pour les analyses et les restitutions cartographiques.
Le prétraitement d’images se résume en un ensemble d’opérations dont l’objectif est d’augmenter la lisibilité des données. Il facilite leur interprétation en vue d’une meilleure extraction de l’information. Dans cette étude, le prétraitement a consisté d’abord à faire une calibration radiométrique en utilisant l’algorithme « radiométric calibration », ensuite une correction atmosphérique par « Dark Subtraction » à l’aide du logiciel ENVI 5.1.
Une composition colorée RGB des bandes 4, 5 et 3, suivie d’un rehaussement par « Equalization » a permis de discriminer les types d’occupation du sol (I ; KOFFI et al, 2018, p 3).
Le traitement des images a eu pour but de transformer les images satellites en cartes d’occupation du sol. La démarche qui suivante a été adoptée.
Le traitement des données a débuté par une délimitation de la zone d’étude suivant les limites du finage de Bembéla. Une fois délimitée, la zone d’étude a été extraite de la scène par masque à partir du logiciel ARCGIS 10.2. Le procédé d’extraction est le suivant: Arctoolbox / outil spatial analyst / extraction / extraction par masque.
Pour la définition de la nomenclature des objets à cartographier, il s’est agi de présenter les thèmes qui ont fait l’objet d’une cartographie de l’occupation du sol en 1985 ; 1999 et 2018. On a défini sept classes que sont : la forêt dense sèche, la savane arborée, la savane herbeuse, les cultures pérennes, les champs/jachères, les habitas/sols nus, les plans d’eau.
Ces différents thèmes identifiés en 1985 ; 1999 et 2018 ont respectivement été extraits des images satellites de 1985 ; 1999 et 2018, pour en faire des cartes d’occupation du sol.
Nous avons également procédé à une création de composition colorée et au choix des parcelles d’entrainement. Les compositions colorées sont des combinaisons linéaires de trois canaux (Rouge/vert/Bleu) qui permettent d’obtenir une image synthétique et également d’avoir une meilleure discrimination des types d’objets géographiques sol (I. KOFFI et al, 2018, p 3). Après plusieurs combinaisons, les compositions colorées (TM4, TM5, TM3) pour l’image de 1985, (ETM+4, ETM+5, ETM+3) pour l’image de 1999 et (OLI5, OLI6, OLI3) pour l’image de 2018 ont été retenues car elles permettent une meilleure identification des thèmes à cartographier. On a procédé par la suite, au choix des parcelles d’entrainements. Ainsi, sur les images de 2018, c’est au total 35 échantillons dont 5 par classe qui ont été constitués. Au niveau des images de 1999; 30 échantillons dont 5 par classe ont été constitués. Sur les images de 1985; 25 échantillons dont 5 également par classe ont été sélectionnés. Les coordonnées de ces échantillons ont été enregistrées dans un GPS pour vérification et consolidation sur le terrain.
La classification des images a consisté à transformer les informations spectrales contenues dans les images satellites en carte d’occupation du sol. Parmi les techniques de classifications existantes, la classification supervisée, la plus utilisée pour l’élaboration des cartes d’occupation du sol en raison de sa bonne performance a été choisie. Comme algorithme de classification, nous avons utilisé le maximum de vraisemblance. Cette dernière est basée sur la théorie probabiliste Bayésienne qui suppose que les classes suivent une distribution gaussienne. Les pixels sont donc classés selon la probabilité d’appartenir à une classe donnée, sur la base de l’information spectrale contenue dans des échantillons fournis en amont de la classification.
Ces échantillons regroupés en différentes classes suivant les années, (1985; 1999 et 2018) ont respectivement été utilisés pour la classification des images de 1985 ; 1999 et 2018.
Pour l’évaluation et la validation de la classification, deux indicateurs de précision ont été calculés et une campagne de terrain a été effectuée en vue d’évaluer et valider les résultats de classifications.
Le premier indicateur calculé est la précision globale. Avec des valeurs respectives de 94 %; 91% et 95% pour les images de 1985 ; 1999 et 2018, il caractérise la proportion des pixels bien classés. Le deuxième indicateur est le coefficient kappa estimé respectivement à 92% ; 90 % et 94% pour les images de 1985 ; 1999 et 2018, est le rapport entre les pixels bien classés et le total des pixels échantillonnés.
En plus de ces indicateurs satisfaisants, la campagne de terrain a permis de vérifier la conformité du contenu thématique des images classifiées à la réalité du terrain. A la suite de ces différents tests, nous avons validé les résultats de la classification.
Pour l’homogénéisation et la vectorisation des images, un filtre de convolution (médian 3x3) le mieux adapté, a été appliqué aux différentes images classifiées en vue d’éliminer les pixels isolés et rendre homogène le contenu thématique des types d’occupation du sol. Après la phase d’homogénéisation, les images classifiées ont été vectorisées (sous le logiciel ENVI) donnant lieu à trois cartes d’occupation du sol (1985 ; 1999 et 2018) en mode vecteur. Ces dernières ont été intégrées dans un système d’information géographique pour gestion et analyse. Cette base de données comprend :
- trois données cartographiques sur l’occupation du sol (1985 ; 1999 et 2018).
- données sur les différentes localités
- une carte du réseau routier
Elle a été intégrée dans un environnement SIG en l’occurrence dans le logiciel ArcGis 10.2. Plusieurs opérations statistiques, d’analyses et de synthèses de données cartographiques ont été effectuées dans la base.
Les opérations statistiques sont de deux types. La première a consisté à déterminer à travers les tables attributaires, les superficies des types d’occupation du sol en 1985, 1999 et 2018. La deuxième opération a consisté à déterminer les taux d’évolution globale et moyenne annuelle de chaque type d’occupation du sol entre 1985 et 2018. Les formules suivantes ont été appliquées :
- Taux d’évolution global (Tx) = [(SP2 – SP1) / SP1] x100
Avec,
Tx = taux d’expansion ou de régression global
SP1 = superficie en 1985,
SP2 = superficie en 2018.
- Si Tx est positif ; cela traduit une expansion de l’occupation du sol.
- Si Tx est négatif ; cela traduit au contraire, un recul de l’occupation du sol.
- Taux d’évolution moyen annuel (Tx) = [(SP2 / SP1)1/t – 1] x 100
Avec :
Tx =taux d’expansion moyen annuel
SP2 : superficie en 2018
SP1 : superficie en1985
t : différence d’année entre 1985 et 2018 = 34
Les synthèses cartographiques ont pour but de synthétiser l’information spatiale. Elles ont consisté à combiner ou à croiser deux ou plusieurs données cartographiques pour en faire une seule. Ainsi, les opérations de synthèses cartographiques suivantes ont été effectuées :
- Croisement de la carte d’occupation du sol de 1985 à celle de 1999
- Croisement de la carte d’occupation du sol de 1999 à celle de 2018
- Croisement de la carte d’occupation du sol de 1985 à celle de 2018.
Ces opérations ont permis de détecter dans le temps et dans l’espace, les dynamiques spatiales opérées dans la zone d’étude entre 1985 et 2018.
L’extraction et la cartographie du finage de Bembéla s’est faite en plusieurs étapes. A partir de la scène et des images satellitaires, on a procédé aux choix des différentes parcelles d’entrainement avant de se rendre sur le terrain pour les vérifier. Sur le terrain, on a repéré les limites de la zone d’étude. Cette étape a permis de tracer le finage à l’aide d’un GPS. Le finage étant connu, il a fallu faire l’inventaire des différents types de paysages au sein de celui-ci. Les limites naturelles du finage servent de frontière aux différents villages ou localités. Elles sont constituées aussi bien par les barrières établies par la nature que par les territoires voisins. Dans cette étude, lors de la collecte des données sur le terrain, on a relevé comme limites naturelles de ce finage de Bembéla, des cours d’eaux, des gros arbres et des collines.
3. Résultats
3.1 Cartographie et éléments constitutifs du finage de Bembéla
L’inventaire cartographique du finage de Bembéla est perçu à travers l’extraction et la réalisation de la carte du finage. Le but de cet inventaire est de montrer les différentes composantes du finage de Bembéla. D’abord, les contours dudit finage ont été définis, ensuite une cartographie a été réalisée et sa superficie déterminée. Enfin, les éléments qui composent le finage ont été décrits. Ainsi, le finage s’étend sur 4901 hectares. Il comprend le village de Bembéla et des campements dont les plus influents sont Betedi I et Bétedi II, des cours d’eau et des pistes (figure 2).
3.2 Cartographie de l’occupation du sol dans le finage de Bembéla
La cartographie montre l’état de l’occupation du sol et l’intensité des activités au sein du finage sur la période 1985, 1999 et 2018.
3.2.1 État de l’occupation du sol en 1985
L’étendue du finage est de 4901 hectares. Il est composé des espaces naturels et des espaces humanisés. Nous observons une dominance des espaces naturels au détriment des espaces humanisés du finage en 1985. Ces différents types de l’occupation du sol se répartissent sur l’ensemble du finage villageois. Les savanes sont localisées sur toute l’étendue finage du nord au sud, de l’est à l’ouest et sont très dominants en 1985 au sein dudit finage. Les cultures pérennes se rencontrent le plus au centre-est du finage. Les champs/jachères se localisent au sud-ouest du finage. Une observation plus fine montre que le finage est partagé en trois grands secteurs couverts par les savanes, les cultures pérennes et les champs/jachères (figure 3).
3. 2.2 Etat de l’occupation du sol en 1999
La carte d’occupation du sol en 1999 montre les éléments qui composent les grands traits de l’occupation du sol dans le finage de Bembéla. Il s’agit des espaces naturels et des espaces humanisés. Les espaces humanisés par les cultures pérennes, les champs/jachères et les habitats/sols nus. Les espaces naturels sont représentés par la forêt dense sèche, les savanes, les plans d’eau. Ces différents types de l’occupation du sol se répartissent sur l’ensemble du finage villageois. Une observation plus fine montre que le finage est partagé en trois grands secteurs couverts par les savanes localisées sur toute l’étendue finage, les cultures pérennes se trouvant au centre-est et les champs/jachères basés au sud-ouest (figure 4).
3. 2.3 Etat de l’occupation du sol en 2018
La carte d’occupation du sol en 2018 montre les éléments qui composent les grands traits de l’occupation du sol dans le finage de Bembéla ainsi que leur répartition au sein du finage. L’étendue du finage est de 4901 hectares et se répartit en deux grands types d’espaces: les espaces naturels et les espaces humanisés.
En 2018, on rencontre les savanes arborées et herbeuses à l’est et au centre-ouest du finage. Les cultures pérennes se concentrent à l’ouest et au centre-sud. Les champs et jachères se trouvent le plus l’ouest et dans la moitié est du finage. Les habitats et sols nus sont plus rencontrés au nord-est et à l’est du finage on observe quatre grands secteurs de concentration des savanes arborées et herbeuses, des cultures pérennes, des champs et jachères, des habitats et sols nus au sein du finage. Une observation générale de la carte montre quatre grands secteurs de concentration des savanes arborées et herbeuses, des cultures pérennes, des champs et jachères, des habitats et sols nus au sein du finage (figure 5).
3.3 Analyse statistique de l’occupation du sol dans le finage en 1985, 1999 et 2018
3.3.1 Répartition statistique en 1985
L’occupation du sol obéit ici, à la règle générale de la distribution disséminée. Les différents types d’occupation du sol sont répartis sans ordre précis sur tout le finage de Bembéla. Du nord au sud et de l’est à l’ouest, nous rencontrons les affectations du sol propres à cet espace d’étude.
Ainsi, en 1985, les cultures pérennes composées essentiellement d’anacarde étaient repartie sur 172 ha soit 3 % de la superficie totale du finage qui est de 4901 ha. Ces cultures représentent 19 % des espaces humanisés. Les champs de cultures vivrières et jachères occupent 535ha, soit 11% du finage et représentent plus de la moitié des espaces humanisés avec 60%. Les habitats et les sols nus, sont estimés à 191 ha, soit 4% et 21% des desdits espaces (tableau 1).
En 1985, les espaces naturels sont plus dominants et couvrent 82% du finage. La forêt dense sèche s’étend sur 230 ha, soit 5 % du finage et 6% des espaces naturels. La savane arborée est le type de paysage le plus dominant dans le finage. Elle s’étend sur une superficie de 2299 ha, soit 47% et 57% des espaces naturels. La savane herbeuse occupe une surface de 1384 ha, soit 28% du finage et 34 % des espaces naturels. Les plans d’eaux se situant au nord et à l’ouest du finage, s’étendent sur une surface de 90 ha et représentent 2% du territoire total et 2% des espaces naturels (tableau 1).
3.3.2 Répartition statistique en 1999
En 1999, les espaces humanisés occupent une superficie de 3852 hectares, soit 79% du finage tandis que les espaces naturels représentent 21% soit 1049 hectares. La culture pérenne qui est l’anacarde est abondante dans le finage. Elle s’étend sur 476 ha, soit 10 % de la superficie totale du finage. Cette culture représente 12 % des espaces humanisés. Les champs et jachères sont les éléments du paysage qui dominent au sein du finage. Ils représentent à eux seuls 2889 ha, soit 59 % du finage et représentent 75% des espaces humanisés. Les habitats et les sols nus repartis dans tout le finage sont estimés à 487 ha, soit 10 % de la superficie du finage et 13 % des espaces humanisés (tableau 3).
La forêt dense sèche rependue s’étend sur 129 ha, soit 3% du finage et 12 % des espaces naturels. La savane arborée représente 4 % pour une superficie de 207 ha et 20 % des espaces naturels. La savane herbeuse couvre une superficie de 661 ha, soit 13% du finage et représente plus de la moitié des espaces naturels, soit 63 %. Les plans d’eaux s’étendent sur une surface de 52 ha, soit 1 % du finage et 5 % des espaces naturels
3.3.3 Répartition statistique en 2018
On constate en 2018 une répartition différenciée des éléments constituants la trame du finage de Bembéla. Une vue générale permet de distinguer les différents types d’occupation du sol dans le territoire. La partie humanisée occupe une superficie de 3097 ha, soit 63 % du finage tandis que la partie naturelle s’étend sur 1804ha, soit 37 %. Elle est la plus dominante en 2018 et est constituée par les cultures pérennes, les champs et jachères, les habitats et sols nus. Statistiquement, les cultures pérennes (l’anacarde) couvrent 22ha, soit 4% de la superficie globale du finage et représentent 7% des espaces humanisés. Les champs et jachères représentent 35% et 55% des espaces humanisés, Les habitats et sols nus couvrent une surface estimée à 24% de la superficie totale et 38% des espaces humanisés (tableau 5).
La forêt dense sèche peu rependue dans le finage s’étend seulement sur 39 ha, soit 1% du finage et 2% des espaces naturels. La savane arborée représente 10% avec une superficie de 507 ha et 28% des espaces naturels. La savane herbeuse occupe la plus grande surface des espaces naturels avec 1247 ha, soit 25% du finage et elle représente 67% des espaces naturels. Les plans d’eaux s’étendent sur une surface de 11 ha, soit 1% du finage et 1% des espaces naturels (tableau 5).
4-Discussion
La télédétection et les SIG apparaissent comme des outils essentiels pour une meilleure analyse et un bon suivi des transformations spatiales. Les diverses possibilités de traitement et d’analyse offertes par le SIG ont permis de réaliser une cartographie spatio-temporelle afin de déterminer les grandes transformations opérées dans le finage de Bembéla. Cette cartographie montre l’état actuel de l’utilisation du sol pour l’agriculture avant de retracer l’évolution des activités humaines et du couvert végétal de 1985 à 2018. Les résultats cartographiques témoignent de la capacité des images satellites à fournir des informations spatiales indispensables au suivi du milieu naturel et des activités anthropiques
La cartographie à l’aide des données multi-sources et multi-dates a permis d’enrichir la connaissance de l’occupation du sol du finage de Bembéla et de son évolution. Cette méthode présente l’avantage de renseigner à la fois de manière exhaustive sur l’occupation du sol à une date donnée, mais également de faire ressortir les évolutions. L’approche utilisée dans la présente étude est basée sur l’utilisation des images satellites et des données de terrain. Les résultats obtenus ont été rendus possible par le SIG et la géomatique (télédétection), qui permettent le traitement croisé des données spatiales multi-sources comme les images satellitaires, les cartes d’occupation du sol, les enquêtes de terrain. Les images satellites utilisées datent de 1985, 1999 et 2018.
En effet, les résultats issus des traitements démontrent que les extractions faites sur les images satellites Landsat, à partir de classifications supervisées sont de qualité suffisante. L’algorithme de classification utilisé a permis d’aboutir dans l’ensemble à des résultats cartographiques satisfaisants. Les précisions globales de classification obtenues (respectivement de 94% ; 91 % et 95 % pour les images de 1985 ; 199 et 2018), sont supérieures à celles obtenues par A. KANGAH (2006 ; 2010); N. EDJAGNE (2017) lors d’études menées au niveau de la forêt de Badenou, dans l’ancienne boucle de l’ananas dans le sud-est ivoirien et du parc de la Marahoué.
Ces résultats sont au-delà de la normale préconisée par R. CONGALTON (1991), à savoir, une « classification est jugée acceptable lorsque la précision globale avoisine les 80 % ». Cependant, si cet algorithme donne dans l’ensemble des résultats satisfaisants, il présente des insuffisances. En effet des campagnes de terrain ont été effectuées pour corriger des erreurs de confusion de certaines classes. Les changements observés sur les images correspondent effectivement à des variations de l’occupation du sol dans le finage de Bembéla. La classification supervisée semble être, parmi les méthodes relatives à l’étude de l’évolution de l’occupation du sol par télédétection (J. ANDRIEU et C. MERING, 2008 ; D. KOFFI et al, 2016), la plus représentative car elle implique le recours aux zones témoins (A MASOUD et K. KOIKE, 2006). La qualité de la classification est d’ailleurs confirmée par les valeurs de l’indice de Kappa qui sont de 92% ; 90 % et 94% pour les images de 1985 ; 1999 et 2018. On peut conclure que les résultats de cette analyse sont statistiquement acceptables car selon POINTUS (2000), les résultats d’une analyse d’image dont la valeur de Kappa est supérieure à 50% sont bons et exploitables.
L’analyse des résultats montre que la dynamique des espaces naturels dans le finage est régressive durant cette période de l’étude. Une observation des cartes d’occupation de sol, montre que cette régression est générale sur tout l’ensemble du finage de Bembéla. Ces résultats viennent confirmer ceux de K. ZAKARIYAO et al, (2013) qui affirment qu’au Togo les forêts claires et sèches dégradées ont subi une dégradation importante. De 231 947 ha en 1986, elles sont passées à 73 959 ha en 2012. Il en est de même pour les mosaïques forêts-savanes. Ces auteurs ont aussi évalué la dynamique spatio-temporelle de cette végétation. Cela a montré qu’il y a une régression des forêts claires et sèches dégradées et des mosaïques forêts-savanes (formations naturelles) au profit des formations anthropiques. Aussi, indiquent-ils que les classes agglomérations et sols nus, de même que les champs et jachères sont passées respectivement de 1,8 % et 34,8 % en 1958 à 14,9 et 38,1 % en 2015.
A. S. MAMADOU (2009) fait le même constat en utilisant la matrice des changements générée par le croisement des cartes d’occupation du sol de 1990 et de 2002 de la région du Bassin Versant Centre (BVC) du Ferlo et montre une évolution au niveau des différentes unités d’occupation du sol. D. KOFFI et al, (2017, p 218) indiquent qu’au Togo, les formations forestières qui occupaient 13,2 % en 1958 sont passées à 0,3 % en 2015, soit une diminution de 97,4 % et que les savanes sont passées, durant la période 1958- 2015, de 113 690,9 ha à 85 380,9 ha. Ce qui équivaut à une baisse de 24,9 %.
Enfin, les travaux menés par K. J. M. ATTA (2009, P.191, P.196 et P 330) s’emploient à quantifier les différentes mutations spatiales (phénomènes de déforestation, de reforestation, de stabilité et autres dynamiques) opérées à l’échelle des Forêts classées de Béki et de Bossématié dans l’Est ivoirien, ainsi que les taux de déforestation annuels et globaux induits. A cet effet, pour la Forêt classée de Béki, cette étude révèle des taux de déforestation globaux de 62,53% et de 3,33% annuel. Il souligne aussi qu’à Bossématié, les taux de déforestation globaux et moyens annuels sont respectivement d’environ 16% et 0,6%, des taux très faibles comparés à ceux de Béki.
Le finage de Bembéla est à l’image de la forte pression anthropique que subie la zone savanicole ivoirienne, qui s’avère être très propice au développement des cultures. En outre, les transformations constatées dans l’utilisation des terres montrent le développement et l’intérêt accordé aux cultures récentes.
Conclusion
L’étude a permis d’abord de cartographier l’occupation du sol du finage de Bembéla, ensuite d’analyser la répartition et l’intensité de l’occupation du sol. Elle révèle que l’exploitation du milieu naturel le finage se présente sous plusieurs aspects.
L’état de l’occupation du sol est constitué par les espaces naturels et les espaces humanisés. Cet état indique d’abord les éléments constitutifs du finage, ensuite la répartition et l’intensité de l’occupation du sol dans le finage de Bembéla de 1985 à 2018. Cela traduit le degré d’utilisation du sol dans l’espace étudié.
Les résultats obtenus ont été rendus possibles par la télédétection et le SIG, qui permettent le traitement croisé des données spatiales multi-sources comme les images satellitaires, les cartes d’occupation du sol, les enquêtes de terrain.
Ainsi, la cartographie a permis de caractériser l’état de l’occupation du sol en 1985, 1999 et 2018 au sein dudit finage. On retient que les espaces naturels ont fortement régressé entre 1985 et 2018, avec 82 % en 1985, 21 % en 1999 et 37% en 2018. Le finage a connu une forte pression anthropique marquée par une progression des espaces humanisés.
Dans cette situation, il est judicieux de montrer les mutations spatiales opéréres au sein du finage, afin de saisir l'ensemble des changements environnementaux intervenus pour le suivi de l’évolution du milieu naturel.
Références bibliographiques
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Auteurs
1 Master, Institut de Géographie Tropicale, Université Félix Houphouët-Boigny, Abidjan, Côte d’Ivoire, serge02alain@yahoo.fr.
2 Maître-Assistant, Institut de Géographie Tropicale, Université Félix Houphouët Boigny, Abidjan, Côte d’Ivoire, jeanmarie_kouac@yahoo.fr
3 Maître-Assistant, Institut de Géographie Tropicale, Université Félix Houphouët Boigny, Abidjan, Côte d’Ivoire, dr.nkful8@yahoo.fr