Initialement utilisés pour la production vivrière notamment le riz, les bas-fonds connaissent une réorientation de leur usage suite à l’essor qu’a pris l’activité de l’orpaillage dans les espaces ruraux ivoiriens à partir des années 2000. A travers cette étude de cas à l’échelle de la Sous-préfecture de Gnamangui, il s’agit d’analyser les externalités liées à l’extraction aurifère dans de tels espaces. La méthodologie utilisée dans le cadre de cette étude s’inscrit dans une approche hypothético-déductive sustentée d’analyse de données secondaires et de travaux de terrain. La collecte des données secondaires a permis à consulter une diversité de documents et d’ouvrages traitant de la question de l’orpaillage et de l’exploitation des bas-fonds. Les travaux de terrain ont consisté à interviewer 122 orpailleurs répartis dans six localités. L’analyse des résultats a permis de montrer que l’instabilité des coûts du cacao, principale culture de rente de la région, la perte des plantations, la baisse de la production cacaoyère (48%) et le prix attractif (27 250 francs en moyenne) CFA du gramme de l’or sont les facteurs qui permettent d’expliquer la pratique de l’orpaillage dans les bas-fonds. L’étude a, par ailleurs, révélé que l’extraction de l’or est devenue la principale activité des zones de bas-fonds dans la Sous-préfecture de Gnamangui avec 63% des surfaces contre 27 % pour la riziculture. Bien qu’étant une source importante de revenus pour les populations, elle est à la base de la réduction des surfaces rizicoles, de la dégradation des sols des bas-fonds et de la pollution des eaux de ces espaces.
Mots-clés
Initially used for food production, particularly rice, the lowlands have seen a reorientation of their use since the boom in gold panning activity in rural Ivory Coast from the 2000s. Through this study cases at the scale of the Gnamangui sub-prefecture, the aim is to analyze the externalities linked to gold extraction in such spaces. The methodology used in this study is part of a sustained hypothetico-deductive approach to the analysis of secondary data and field work. Secondary data collection consisted of consulting a variety of documents and works dealing with the issue. The field work consisted of interviewing 122 gold miners spread across six localities. The analysis of the results showed that a range of factors can explain the practice of gold panning in the lowlands. These factors boil down to the instability of cocoa costs, the region's main cash crop, the loss of plantations, the drop in cocoa production (48%) and the attractive price (27,250 francs on average) CFA per gram. gold. The study also revealed that gold extraction has become the main activity in lowland areas with 63% of the surface area compared to 27% for rice cultivation. Although it is an important source of income for populations, it is the basis for the reduction in rice-growing areas, the degradation of lowland soils and the pollution of the water in these areas.
Introduction
La Côte d’Ivoire englobe, à elle seule, environ 35% des ceintures de roches vertes de l’Afrique de l’ouest réputées riches en minéralisations diverses (or, fer, manganèse, diamant, bauxite, etc.). Ce potentiel géologique demeure la principale source d’attractivité du secteur minier ivoirien. La vision du Gouvernement ivoirien est de faire du secteur minier un moteur de croissance économique majeur en plus du secteur agricole. En effet, le secteur minier connaît un essor remarquable depuis 2011 (PND, 2021-2025, p. 82). Cette volonté politique s’est traduite par l’adoption en 2014 d’un nouveau code minier, faisant de ce secteur le deuxième pilier de l’économie nationale en seulement trois années. Ainsi, de 2016 à 2020, les investissements dans ce secteur sont passés de 105 milliards à 302,791 milliards. Au 31 décembre 2020, on dénombre 177 permis de recherche actifs contre 159 en 2016, soit une évolution de 11,32%. Avec un taux moyen de 80% des permis de recherche actifs, l'or reste la ressource la plus recherchée (PND, 2021-2025, p. 83).
L’extraction aurifère, concédée jusque-là aux grandes sociétés minières, constitue l’une des principales sources de revenu des populations (A. A. ADAYE, 2021, p. 298). Parallèlement à la filière industrielle, l’extraction aurifère artisanale, aussi appelée orpaillage, connait de plus en plus un essor dans les différentes régions de la Côte d’Ivoire (K. T. S. U. YEBOUE, 2023, p. 200). Cette activité est très ancienne bien que non reconnue officiellement et constitue une réalité incontournable dans les espaces ruraux. En Côte d’Ivoire, l’exploitation de l’or remonte à une époque déjà lointaine. Les Faafoués du Baoulé auraient commencé l'exploitation du Kokumbo Bocca il y a 150 ans (J. GASTON, 1913, p. 372). Ainsi, dans de nombreuses sociétés traditionnelles africaines, l'exploitation artisanale de l'or et donc la possession de ce métal précieux étaient motivées par les diverses fonctions socioculturelles que celui-ci jouait dans ces sociétés (D. GOH, 2016, p. 19). L'or trouvé dans la nature ne devait pas être commercialisé car considéré comme un présent offert par les divinités et les génies et, il restait de ce fait, intimement lié à l'âme, à la fortune, à la destinée de celui qui l'a trouvé (G. NIANGORAN-BOUAH, 1978, p. 128). Aujourd'hui, les fonctions socioculturelles qui motivaient la quête de l’or semblent avoir disparues au profit de la recherche de revenus financiers. Ainsi, l’exploitation aurifère fait vivre de nombreuses populations rurales. Elle se positionne désormais comme une activité complémentaire des ménages ruraux selon O. SANGARE (2016, p. 8).
La Sous-préfecture de Gnamangui, située dans le Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire n’échappe pas à cette activité qui de plus en plus, connaît un essor dans les espaces ruraux ivoiriens. Autrefois, considérée comme une zone de production agricole, cette Sous-préfecture connaît un essor de l’activité de l’orpaillage. La particularité de cette activité dans cet espace est qu’elle se déroule dans les espaces de bas-fonds qui jadis étaient mis en culture. Ainsi, on assiste de plus en plus à une réorientation de l’usage des bas-fonds vers cette activité. Ce qui entraîne de facto, la dégradation de ces espaces et par ricochet, met à mal la sécurité alimentaire, en particulier la production vivrière. Cette étude vise à identifier les déterminants de l’orpaillage dans la Sous-préfecture de Gnamangui et analyser les implications socioéconomiques et spatiales de l’orpaillage à l’échelle de la Sous-préfecture de Gnamangui. Deux hypothèses fondent cette étude :
- La pratique de l’activité de l’orpaillage dans la Sous-préfecture de Gnamangui s’explique par la crise agricole ;
- En plus de fournir les revenus, l’orpaillage est à la base de la dégradation des espaces de bas-fonds dans la Sous-préfecture de Gnamangui.
