Le barrage de la rivière Kan en 1964 a donné naissance à un lac-réservoir traité industriellement pour alimenter en eau potable les quartiers sud et est de la métropole de Bouaké. A partir des années 1980, il est menacé par l’envasement d’origine anthropique : activités urbaines, industrielles et agricoles pratiquées dans son bassin versant. Le présent article utilise la télédétection et le Système d’Informations Géographiques (S.I.G) pour mener une analyse spatio-temporelle qui met en évidence l’impact direct du phénomène d’envasement sur la morphologie du lac. Pour atteindre cet objectif, des données multi-sources (images aériennes, données bathymétriques et topographiques) ont été recueillies et ensuite traitées afin d’obtenir des cartes, des graphiques, des courbes et des tableaux. Les résultats indiquent que l’envasement a affecté considérablement la morphologie lacustre. Le lac connait une perte annuelle de 0,13 m de sa profondeur et une réduction annuelle de 0,41 ha de sa surface. Le rétrécissement du réservoir du lac s’est fait au bénéfice des cultures maraichères et rizicoles pratiquées sur les espaces conquis par des sédiments provenant des zones anthropisées en amont du barrage. En outre, le développement des plantes aquatiques, un phénomène envahissant la retenue d’eau, a diminué la surface du plan d’eau lacustre.
The construction of the Kan River Dam in 1964 gave birth to a reservoir-lake whose role is to supply drinking water to the southern and eastern districts of the Bouaké metropolis. Today, it is threatened by anthropogenic siltation: urban, industrial and agricultural activities practiced in its watershed. This article uses remote sensing and the Geographic Information System (GIS) to conduct a spatio-temporal analysis that highlights the direct impact of the siltation phenomenon on the morphology of the lake. To achieve this goal, multi-source data (aerial images, bathymetric and topographic data) was collected and then processed to obtain maps, graphs, curves and tables. The results indicate that silting significantly affected the morphology of the lake. Explicitly, the lake experiences an annual loss of 0.13 m in its depth and an annual reduction of 0.41 ha in its surface. The reduction in the capacity of the lake reservoir has benefited market gardening and rice cultivation in areas conquered by sediments from anthropized areas upstream of the dam. In addition to these results, there is the development of invasive aquatic plants on the water reservoir, thus reducing the surface area of the lake siltation.
Introduction
Dès l’accession du pays à l’indépendance, l’État ivoirien a opté pour une croissance économique basée sur l’agriculture afin de procurer le bien-être à la population. Partant de cet objectif, l’accent est mis sur l’accès aux équipements et aux services de base. Plusieurs ouvrages hydrauliques : pompes villageoises, forages et réservoirs d’eau sont créés pour améliorer l’accessibilité des populations à l’eau potable. Des barrages hydroélectriques créés ont contribué à l’électricité dans de nombreuses localités du pays. La ville de Bouaké, située au centre, en a bénéficié avec la construction des barrages du Kan et de la Loka. Ainsi, ces deux ouvrages hydrauliques sont le cœur d’un maillon de distribution d’eau potable couvrant les besoins de la ville et ses environs. Avec la disponibilité suffisante en eau potable, les acteurs du développement économique de Bouaké (industrie, commerce, hôtellerie et ménage) pouvaient s’en servir sans risque de pénurie à ce moment-là.
L’exploitation des carrières de sable autour du barrage de la Loka et le petit épisode de sécheresse de 2018 ont entrainé ont ruiné les sources de recharge du site de la retenue d’eau. La conséquence immédiate est un tarissement sans précédente privant d’eau 70% de la population de la ville. Le deuxième lac (du barrage du Kan) a pu résister à cette sécheresse grâce à sa position aval par rapport à Loka. Soudain, il devient la seule source d’approvisionnement de masse de la ville. En plus des zones habituelles de ravitaillement, cette retenue résiliente, dans une certaine mesure, a pu servir de source d’alimentation à la partie la plus de la ville sinistrée surtout les quartiers ouest et nord, via des camions citernes. Ainsi, vu le rôle stratégique désormais indiscutable, ce réservoir d’eau de recours en situation d’urgence mérite beaucoup plus d’attention au niveau des chercheurs comme des gestionnaires. Il convient d’inventer des stratégies idoines de sorte à le mettre à l’abri de toute dégradation dont les conséquences seront catastrophiques en cas de péril. Malheureusement, depuis sa mise en service en 1964, le barrage du Kan manque d’entretien. L’étude récente de D. Z. ETTIEN et al. (2018, p. 45-48) a montré que le lac en question est confronté au problème d’envasement lié à la dynamique urbaine de la ville de Bouaké. Cet envasement, perceptible sur les berges du lac, constitue une menace pour l’environnement du plan d’eau lacustre. Aussi, le problème de l’appréhension du niveau d’envasement est-il pertinent pour mettre en évidence la pression des actions anthropiques sur le plan d’eau lacustre dans en espace urbain dynamique. Dès lors, comment cet envasement progressif influence-t-il la morphologie du lac du barrage du Kan ?
La présente étude vise à déterminer les effets de l’envasement sur la morphologie du lac du barrage du Kan. Ayant recours aux outils de la géographie telles que la télédétection et les S.I.G, cet article procède par l’analyse spatio-temporelle en vue de révéler les effets de l’envasement sur l’aspect extérieur et la forme du lac du barrage du Kan. Cet article entend contribuer à la sécurisation du plan d’eau lacustre en péril en mettant en relief les caractères de son envasement exploitables par les aménageurs. Il s’articule autour de trois parties que sont la présentation de la zone d’étude et l’approche méthodologique, les résultats et analyse et la discussion.
1. Espace d’étude et approche méthodologique
1.1. Présentation de l’espace d’étude
Situé au Sud de la ville de Bouaké, précisément à
A l’Est du barrage, se trouve le quartier Air France 3, à l’Ouest, le quartier Broukro, au Nord, les quartiers Houphouët-ville, Banco et Nimbo et au Sud, la forêt classée Kongodékro. Le barrage du Kan appartient au bassin versant du Kan caractérisé par un relief de plateau incliné vers le sud, et dont l’altitude maximale est de
Le barrage du Kan est la première retenue d’eau construite en 1962 pour fournir de l’eau potable à la ville de Bouaké et ses environs. Il dispose d’une station de traitement d’eau mise en service le 31 décembre 1964.
1. 2. Approche méthodologique
La méthodologie de cette investigation passe par la collecte et le traitement des données à partir de l’utilisation d’un matériel approprié.
1. 2. 1. Matériel
Plusieurs données concernant le secteur d’étude ont été mobilisées. Il s’agit, en premier lieu, des images satellitaires de Landsat : ETM+ de 2011 et OLI de 2016. Deux photographies aériennes (une panchromatique de 1964 et l’autre tricolore de 1987), prises sur le barrage, ont été collectées au Centre de Cartographie et de Télédétection (CCT) du Bureau National d’Etude Technique et de Développement (BNETD). En second lieu, les données topographiques et bathymétriques de l’année 2016 dudit barrage ont été réunies grâce à la Société d’Ingénierie et de Développement (SOGED). À ces données, s’ajoutent des missions sur le site du barrage. Elles ont permis d’observer l’occupation du plan d’eau par les différentes plantes aquatiques et les activités agricoles aux alentours. Toutefois, pour attester de notre présence sur le terrain, des captures d’image ont été réalisées à partir d’un appareil photo numérique. D’autres outils tels que l’ordinateur, le scanner, les logiciels de Systèmes d’Information Géographique (ArcGIS et Global Mapper) et de télédétection (ENVI) ont été employés. Tout ce matériel a permis de connaître réellement l’espace d’étude à l’échelle du barrage Kan. Enfin, d’autres missions de terrain effectuées à la Société de Distribution d’Eau de Côte d’Ivoire (SODECI) ont donné lieu de collecter des données relatives aux volumes d’eau stockés dans le lac et aux bathymétries initiales de la retenue d’eau du barrage.
1. 2. 2. Traitement des données collectées
La première étape du traitement des données est l’application de la méthode de classification dirigée par l’algorithme du maximum de vraisemblance appliqué aux images satellitaires. Cette approche, exécutée avec le logiciel ENVI 4.8, a consisté à créer deux classes : « plantes aquatiques envahissantes » et « surface non occupée par les plantes aquatiques envahissantes » qui ont été affectées aux images géoréférencées Landsat ETM+ (31/12/2011) et OLI (18/12/2016). Au cours de cette opération, plusieurs parcelles tests ont été appliquées aux deux images satellitaires afin de reproduire les deux types de classe préalablement définis sur chaque unité paysagère correspondant. Dans le fonctionnement algorithmique de ce type de traitement d’image, le logiciel affecte les pixels des images satellitaires de manière respective aux deux classes définies. L’opération génère ainsi une matrice de confusion contenant les indices dont le coefficient de Kappa qui indique la précision cartographique de chaque image traitée. Ce coefficient est de 0,95 pour l’image de 2011 et de 0,97 pour celle de 2016. Ces deux valeurs sont jugées acceptables selon J. R. LANDIS et G. G. KOCH (1977, p. 23). Elles indiquent ainsi une classification excellente qui confirme la précision des cartes. La méthode de classification dirigée par maximum de vraisemblance donne ainsi deux cartes d’occupation des plantes aquatiques envahissantes sur la retenue d’eau du barrage du Kan en 2011 et en 2016. Enfin, un filtre majoritaire et un nettoyage de limite ont été exécutés afin d’affiner les deux cartes obtenues. Le deuxième travail a consisté au calcul de la superficie des plantes aquatiques envahissantes sur la retenue d’eau du barrage du Kan grâce à l’outil Géométrie zonale (table) ( de Spatial Analyst) du logiciel Arcgis 10.2.
L’étape suivante du traitement des données a concerné la numérisation du plan d’eau sur l’image satellitaire de 2016 et sur les photographies aériennes de 1964 (panchromatique) et de 1987 (trichromique) après leur scannage puis leur géoréférencement qui s’est fait dans un système de référencement WGS_1984_UTM_Zone_30N. Cette opération qui a consisté à déterminer les contours du lac Kan avec le logiciel Arcgis 10.2 du SIG, crée une vue générale de l’étendue du plan d’eau lacustre à ces trois différentes dates. Le traitement cartographique de cette présentation synoptique a donné lieu à deux cartes de plan d’eau lacustre du barrage du Kan : 1967 et 2016. Par la suite, les superficies de l’étendue de ces différents plans d’eau du lac ont été calculées avec le logiciel Arcgis. Le dernier travail relatif au traitement des données s’est fait avec les documents cartographiques et bathymétriques qui ont servi à créer deux Modèles Numériques de Terrain (MNT) en 1964 et en 2016, à l’aide du logiciel Global Mapper. Les MNT sont une représentation en trois dimensions ou en perspective qui présente de manière intégrale la morphologie initiale (1967) et récente (2016) de la retenue d’eau. En utilisant le logiciel Global Mapper, le volume d’eau actuel du barrage a pu être déterminé grâce à la méthode de superposition qui a autorisé l’application de la couche de la superficie actuelle du lac au premier MNT.
Le traitement statistique concerne les informations quantitatives qui portent sur l’évolution de données relatives aux unités spatiales générées par les attributs cartographiques à l’aide du logiciel Arcgis. Il a été réalisé à travers les procédés de la statistique descriptive : moyenne arithmétique, pourcentage et somme qui ont permis de créer des tableaux et graphiques sur le logiciel Excel.
2. Résultats
L’envasement du barrage du Kan a impacté la surface du plan d’eau lacustre. Il a métamorphosé le lac en réduisant sa surface et sa capacité de stockage d’eau brute. De plus, il est à l’origine de la colonisation du plan d’eau par les végétaux aquatiques flottants.
2. 1. Réduction de la surface du plan d’eau lacustre
Le problème d’envasement que connait le lac depuis des décennies a agi sur ce dernier en restreignant sa surface. Cela se remarque sur la carte de la figure 2 où l’on aperçoit le rétrécissement progressif du plan d’eau lacustre. Il est plus manifeste à l’amont du barrage où on observe une réduction significative de la surface du lac. Au Nord-Ouest et au Nord-Est, le recul de la surface du plan d’eau est plus apparent et très prononcé sur les côtes des rivières Kan et Gnangban Klan. Dès la mise en eau du barrage en 1964, deux bras en forme de « V » ont été créés au Nord aux embouchures du plan d’eau lacustre avec les rivières Kan et Gnanbgan Klan. En 2016, cette forme en « V » a progressivement disparu pour faire place à une forme unique plus ou moins allongée (figure 2c). Un léger recul se signale également du côté de la rivière Tongba à l’Est.
Le tableau 1 montre la perte progressive de la surface du plan d’eau lacustre.
En 1964, l’étendue du lac était de 72,89 ha. En 1987, elle est passée à 61,68 ha, soit une diminution de 11,21 ha. En 2016, le lac, en perdant encore 9,93 ha, se retrouve désormais avec une superficie de 51,75 ha. Ainsi, en 52 ans (de 1964 à 2016), le lac a enregistré une perte totale de 21,14 ha, soit 29% de sa surface. De 1964 à 1987, la moyenne annuelle de surface perdue était de 0,49 ha. Cette moyenne baisse à 0,34 ha entre 1987 et 2016. Cette situation pourrait s’expliquer par la crise politico-militaire de 2002 à 2010 qui a contraint le départ des populations du Sud de la ville, ce qui a favorisé la reconstitution de la végétation en certains endroits du bassin versant et par la suite réduit l’hydro-sédimentation. En outre, la régression gagne de plus en plus du terrain du côté de la rivière Kan avec 13,4 ha de surface d’eau perdue, suivie par la rivière Gnangban Klan avec 6,54 ha de 1964 à 2016. Les rivières Tonbga et Kôkôbanou se retrouvent au bas de l’échelle avec respectivement une perte de 1,02 ha et 0,18 ha en 52 ans. Aujourd’hui, ces surfaces se sont envasées au profit des cultures maraîchères (planche 1).
2. 2. Rétrécissement de la capacité de stockage d’eau du lac du barrage
Le lac du barrage du Kan connait aussi des transformations au niveau de son réservoir. En effet, à l’état initial, il avait un réservoir bien aéré et des hauteurs régulières et dominées par des versants (de forme concave) avec des pentes inférieures à 60% d’après le MNT élaboré par la Société d’Ingénierie et Développement (SOGED). En 2016, il présente un nouveau visage : le réservoir, désormais rétréci, exhibe des hauteurs irrégulières et de nouveaux versants de forme rectiligne dont les pentes oscillent entre 1 et 6% (figure 3).
Les modifications les plus significatives se manifestent par l’allongement des berges où l’on observe des dépôts de plus en plus de sédiments qui se font aussi au niveau de la pleine eau. Ce comblement a suscité une variation d’altitude du réservoir du lac dont la plus basse passe de 333 à 340 m, soit une diminution de profondeur de 7 m. Le tableau 2 montre l’impact de l’ensablement sur la capacité de réserve d’eau du barrage. En 1964, le réservoir du barrage avait une profondeur moyenne de 12 m qui pouvait recueillir 2 800 000 m³ d’eau brute.
En 2016, cette capacité de réception a baissé du fait de l’ensablement qui a donné une profondeur de 5,3 m au réservoir recevant désormais 1 558 240,3 m³ d’eau brute.
2. 2. Colonisation du plan d’eau lacustre par les végétaux aquatiques flottants
Depuis 2016, l’environnement du lac du barrage du Kan a subi une mutation notable. Il s’agit de l’apparition des espèces végétales aquatiques sur le plan d’eau lacustre. En effet, ces plantes flottantes ont colonisé les parties du lac où le fond est soumis à une déposition accrue de sédiments. Cette sédimentation a enrichi le lac en matières organiques dont la décomposition a donné des substances nutritives favorables à la croissance de ces plantes aquatiques flottantes. Les espèces qui ont envahi la surface du lac du Kan sont le Nymphaea lotus Nelumbo Nucifera et les algues invasives Caulerpa Taxifolia. La figure 4 montre qu’elles sont disparates et inégalement réparties sur le plan d’eau lacustre.
Ces espèces semblent progresser du Nord vers le Sud et pourraient à l’avenir couvrir presque toute la surface du lac. D’après les témoignages des populations riveraines, les plantes aquatiques flottantes ont fait leur apparition dès le début des années 2000. De nos jours, elles connaissent une expansion liée à l’augmentation croissante des dépôts de sédiments qui réduisent la superficie du lac. Le tableau 3 indique qu’en 2011, sur les 59,90 ha de la surface du lac, les plantes aquatiques flottantes occupaient 30,75 ha, soit près de la moitié (51,33%) de la surface totale du plan d’eau lacustre.
En 2016, la surface totale du lac et celle occupée par les plantes aquatiques flottantes baissent à 51,75 ha et 28,41 ha, respectivement. Cependant, les plantes aquatiques flottantes ont colonisé plus de la moitié (54,90%) du lac. Cette valeur indique une augmentation de 3,57% de surface colonisée de 2011 à 2016. Il est donc clair que les végétaux aquatiques envahissants, qui occupaient juste la moitié de la surface du lac en 2011, sont en train de s’étendre progressivement sur une bonne partie de la surface de la retenue d’eau du barrage du Kan.
L’invasion du plan d’eau lacustre par les plantes aquatiques flottantes constitue une véritable menace à l’écologie du lac dans la mesure où elles forment un écran qui certainement empêche la lumière de pénétrer dans l’eau. Cette situation peut provoquer l’anoxie et l’eutrophisation du lac et par la suite endommager l’environnement naturel du milieu aquatique. Par ailleurs, ces plantes se nourrissent continuellement d’eau ; ce qui participe à la diminution du volume d’eau déjà en régression par les facteurs exogènes cités plus haut.
3. Discussion
Les résultats de cette étude révèlent que l'envasement du barrage hydraulique du Kan a des impacts néfastes sur la retenue d’eau dudit barrage. En effet, il a non seulement réduit la surface et la profondeur du lac, mais diminué la capacité de stockage d’eau du lac. Le diagnostic porté sur les données bathymétriques du barrage montre une variation moyenne de celle-ci de 12 à 5,53 m entre 1964 et 2016. Cette variation de valeur traduit une perte annuelle de 0,13 m de profondeur du barrage hydraulique du Kan. En plus, l’analyse du traitement statistique et cartographique des images recueillies sur cette unité spatiale (lac Kan) montre une réduction de superficie de 0,41 ha par an depuis sa création en 1964. La perte de profondeur et la réduction de la superficie de la retenue d’eau du Kan ont eu pour conséquence directe sur la baisse de la capacité de stockage d'eau du lac. Le barrage enregistre désormais une capacité de stockage de 1 558 240,3 m3 en 2016 contre 2 800 000 m3 en 1964. Ces problèmes de réduction des capacités des barrages dus à l’envasement ont été déjà signalés tant bien sur le continent africain qu’en Côte d’ Ivoire. En effet, les études menées par B. REMINI et W. REMINI (2003, p. 51) au Maroc ont montré que la sédimentation des barrages pose d’énormes problèmes au niveau du réservoir en réduisant la capacité utile du barrage. En Algérie, A. AMMARI (2012, p. 171) a découvert que les barrages ont perdu 17% de leur capacité due à l’envasement. En Côte d’Ivoire, les études menées dans les eaux douces (mares et lacs), les lagunes et embouchures par J. ABÉ et al (1993, p. 14), K. ANOH (1998, p. 71) et N. H. MELEDJE et al (2014, p. 1292), ont mis en évidence la réduction de la profondeur et de la capacité de stockage de ces eaux dont l’origine est également attribuée à l’envasement. En outre, K. E. KOFFI et al. (2015, p. 102) ont mis en évidence le stress hydrique du lac de Kossou par les effets conjugués de la régression pluviométrique, de l’infiltration de l’eau dans les substrats perméables et de l’envasement dans les secteurs granitiques.
L'envasement du barrage hydraulique du Kan a eu aussi pour impact environnemental l’apparition des végétaux aquatiques envahissants sur le plan d’eau lacustre. En fait, les sédiments déposés dans la cuvette constituent un socle de développement pour les plantes envahissantes sur la retenue d’eau. Ainsi, l’on assiste à une croissance de 3,57% de surface colonisée par les végétaux envahissants sur le plan d’eau lacustre de 2011 à 2016. L'apparition des végétaux aquatiques envahissants sur les plans d’eau a été déjà indiquée dans les travaux de D. Z. ETTIEN (2011, p. 8) et de D. F. R. NEUBA et al. (2014, p. 3441) respectivement sur les baies de Cocody et de Banco et sur les plans d'eau douces ivoiriennes. Par ailleurs, les études de D. F. R. NEUBA et al. (2014, p. 3443) ont révélé que ces plantes flottantes sur les mares et lacs sont une introduction accidentelle liée à l'accumulation des dépôts de sédiments contenant des substances nutritives favorables à la croissance de ces dernières. Étant donné que l’aire de développement des plantes flottantes sur le plan d'eau lacustre recouvre les zones de comblement du lac Kan, l'on peut confirmer que ces résultats obtenus sont en conformité avec les révélations susmentionnées (ibid.).
Conclusion
Les analyses spatio-temporelles soutenues par des données cartographiques et statistiques font ressortir les impacts directs de l’envasement du barrage hydraulique du Kan. Il ressort de cette étude que les sédiments qui s’accumulent au fil du temps dans le barrage hydraulique du Kan ont fait changer les aspects environnementaux et physionomiques de cette infrastructure vitale. En fait, les sédiments qui se déposent de façon continue dans le lac du Kan affectent progressivement sa capacité de stockage et par la suite réduisent son volume utile disponible. Aussi, assiste-t-on à une nouvelle configuration de la surface du lac inférieure à celle de 1964 et à un rétrécissement du réservoir du lac perceptible sur les berges. En outre, la présence des sédiments dans la retenue d’eau constitue l’ossature de développement des plantes aquatiques envahissantes. L’apparition de ces plantes aquatiques envahissantes dans le barrage est la conséquence d’une richesse excessive en éléments nutritifs en particulier le phosphore et l’azote dont l’origine se trouve dans l’apport de sédiment. Il est toutefois nécessaire, afin d’appréhender plus globalement les impacts, d'examiner ses effets au plan socio-économique.
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Auteurs
1Enseignant chercheur, Département de géographie, Université Alassane Ouattara, djazen@yahoo.fr
2Enseignant chercheur, Département de géographie, Université Alassane Ouattara, kanemile22@gmail.com
3Doctorant, Département de géographie, Université Alassane Ouattara, konansylvainkoko@yahoo.fr