Le Nord-est de la Côte d’Ivoire, tout comme d’autres régions ivoiriennes et du monde, connait depuis des années des perturbations pluviométriques. Cette situation a entrainé des assèchements de plusieurs cours d’eau ainsi qu’un disfonctionnement des forages occasionnant des conflits au sein des communautés et particulièrement entre agriculteurs et éleveurs. La présente étude a pour but de rechercher l’existence d’une éventuelle variabilité climatique et son influence sur les sources d’approvisionnement en eau dans la région du Bounkani. Pour y parvenir, des indices hydroclimatiques (indice de NICHOLSON) et un test statistique (test de PETTIT) ont été appliqué sur une série pluviométrique qui s’étend de 1961 à 2020. Des enquêtes de terrain sur l’état et le niveau de fonctionnement des sources d’approvisionnement en eau des populations ont également été réalisées
Au niveau des résultats, l’application des indices hydro climatiques à la série pluviométrique a mis en évidence une variabilité temporelle de la pluviométrie caractérisée par une alternance de périodes humides et sèches. La valeur moyenne de la pluviométrie sur la période d’étude est 1036,3 mm avec une tendance générale à la baisse. En outre, le test de PETTIT appliqué à la série pluviométrique de 1961 à 2020 indique une rupture en 1970 qui marque une modification du régime pluviométrique et hydrologique. De 455 mm avant la rupture, l’excédent pluviométrique ou la part des précipitations susceptibles de s’écouler en surface et de s’infiltrer pour la recharge des nappes souterraines a chuté à 386 mm après la rupture en 1970. Cette baise a eu un impact négatif sur les sources d’approvisionnement en eau de la région qui ont connu des périodes d’assèchements et des tarissements occasionnant un usage concurrentiel de l’eau sources de conflits entres les agriculteurs et éleveurs
Mots-clés
The Northeast of Côte d'Ivoire, just like other Ivorian regions and the world, has been experiencing pluviometric disturbances for years. This situation has led to the drying up of several water courses as well as a dysfunction of forages occasioning conflicts within the communities and particularly between farmers and breeders. The purpose of this study is to investigate the existence of eventual climate variability and its influence on water supply sources in the Bounkani region. To achieve this, hydroclimatic indices (NICHOLSON index) and a statistical test (PETTIT test) have been applied to a rainfall series that extends from 1961 to 2020. the sources of supply and water of the populations have also been realized.
At the level of the results, the application of the hydroclimatic indices to the pluviometric series showed a temporal variability of the pluviometry characterized by an alternation of wet and dry periods. The mean value of the rainfall over the study period is 1036.3 mm with a general downward trend. In addition, the PETTIT test applied to the pluviometric series from 1961 to 2020 indicates a rupture in 1970 which marks a modification of the pluviometric and hydrological regime. The 455 mm before the rupture, the pluviometric excess or the part of the precipitation susceptible to run off on the surface and the infiltrer for the recharge of the underground aquifers fell to 386 mm after the rupture in 1970. This base has a negative impact on the sources of water supply in the region that have known periods of drought and droughts occasioning a competitive use of water sources of conflicts between farmers and breeders
Keywords
Introduction
Les études sur les effets des changements climatiques (hausse des températures, fortes précipitations, sécheresses) et leurs impacts occupent une place importante parmi les préoccupations majeures de notre siècle. Au nombre des impacts potentiels, les aspects liés à l'eau occupent une place prépondérante (M. OUEDRAOGO, 2001 ; E. A. ASSEMIAN et al., 2013). L’eau constitue en effet une ressource naturelle nécessaire à la vie et aux systèmes écologiques. Habitat d’une partie de la faune et de la flore, source de production d’hydro-électricité, élément indispensable en agriculture, élément vital d’alimentation, l’eau est indispensable pour le développement de la vie (G. LIENOU, 2007). La variabilité de la disponibilité de cette ressource peut être toutefois source de nombreux problèmes : trop rare, elle entraîne des situations de pénurie, de désertification, d’exodes des populations ; trop abondante, elle cause des inondations catastrophiques.
Les variabilités hydro-climatiques se manifestent sous différentes formes selon les régions géographiques du monde. Elles se caractérisent dans certaines régions par une longue période de sécheresse avec pour conséquences, des effets négatifs sur le cycle hydrologique, l’environnement et les activités socio-économiques (E. A. ASSEMIAN et al, 2013).
En Afrique de l’ouest, de nombreuses études sur les variabilités pluviométriques (J. SIRCOULON, 1976 : S. NICOLSON, 1994 ; E. SERVAT et al., 1998) révèlent une tendance à l'aridification marquée par trois principales périodes sèches (1911-1913 ; 1940-1943 et de 1970 jusqu’à nos jours). La dernière période sèche, observée sur plusieurs années consécutives, a eu de graves répercussions sur les écoulements des grands cours d'eau en provoquant un effondrement de leurs caractéristiques hydrologiques (J. SIRCOULON, 1990 ; E. SERVAT et al., 1997 ; A. LARAQUE et al., 2001 ; M. OUEDRAOGO, 2001).
Située en Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire n’a pas été épargnée par cette situation générale de baisse de la pluviométrie. En effet, des études sur la variabilité climatique en Côte d’Ivoire, ont montré une fréquence d’évènements extrêmes tels que la sécheresse qui s’est manifestée à partir de la fin des années 1960 (T. BROU, 1997 ; S. BIGOT et al., 2005, A. M. KOUASSI, 2007). Ces anomalies pluviométriques, constatées depuis près de quatre décennies ont connu une résonance exceptionnelle dans les régions Nord Ivoiriennes (E. A. ASSEMIAN et al., 2013).
Localisée dans l’extrême Nord-Est, la région du Bounkani n’échappe pas aux conséquences de ces perturbations pluviométriques. Cette région se caractérise en effet, par une pluviométrie non seulement irrégulière, mais également en baisse (M. ADJA et al., 2019). En outre, elle subit ces dernières décennies une longue et rude saison sèche qui semble impacter les ressources et sources d’approvisionnement en eau de la population.
En effet, jusqu’en 1972, l’approvisionnement en eau de la population pour la consommation, mais également pour l’agriculture et l’élevage se faisait selon le Ministère des Infrastructures économiques (1996) à partir des eaux de surface (marigots, étangs et rivières) et des nappes aquifères (puits traditionnels). Ces eaux de surface, de qualité douteuse exposaient fréquemment les populations à de nombreuses maladies hydriques (diarrhée, dysenterie, bilharziose, vers de guinée). Pour faire face à ces problèmes d’eau insalubre, plusieurs localités de la région du Bounkani ont été, à la faveur du Programme National d’Hydraulique Villageoise (PNHV) lancé en 1974, dotées de plusieurs infrastructures hydrauliques (Ministère des infrastructures économiques, 1996). La région a également bénéficié d’un programme d’aménagement rural avec la construction de nombreux barrages agro-pastoraux destinés à l’agriculture et à l’élevage.
Cependant, force est de constater que malgré l’implantation de ces équipements en infrastructures hydrauliques, le problème de l’accès à l’eau pour l’alimentation et également pour l’irrigation et l’élevage demeure et se pose avec acuité dans la région. Actuellement, l’eau constitue une source de convoitise et de conflits dans ses usages au sein des communautés villageoises.
Les précipitations étant le facteur le plus important du climat tant pour les populations que pour les écosystèmes, la présente étude se propose de caractériser la dynamique de la pluviométrie et son influence sur les sources d’approvisionnement en eau de la population. De façon spécifique, il s’agira d’abord, de rechercher les tendances et les ruptures dans les séries chronologiques de la pluviométrie. Ensuite, de faire un diagnostic sur l’état des sources d’approvisionnement (rivières, puits traditionnels, infrastructures hydrauliques…) de la région. Enfin, de mettre en évidence l’impact des variabilités pluviométriques sur les sources d’approvisionnement en eau de la région.