Paramètres structuraux et potentiel de séquestration du carbone dans les paysages végétaux des massifs Kabyè

Résumé

L’étude des caractéristiques structurales et du potentiel de séquestration du carbone atmosphérique des paysages végétaux des massifs Kabyè a pour objectif d’apporter des informations sur la capacité de stockage du carbone des paysages végétaux desdits massifs. Cette recherche a été faite à partir de la collecte de données dendrométriques dans 171 placettes de 1600 m2 chacune. Les données collectées ont été traitées à l’aide des outils intégrés de télédétection, de systèmes d’information géographiques et des équations allométriques adaptées à la zone tropicale. Les résultats révèlent que la densité des différentes formations végétales varie de 59,61 ± 17 pieds.ha-1 (savanes parcs) à 266 ± 53 pieds.ha-1 (plantations). La surface terrière de son côté varie de 1,31m2.ha-1 (savanes herbeuses) à 15.6 m2.ha-1 (plantations). Le rendement global obtenu est de 49,67 tonnes par hectare. Les plantations occupent la première place en termes de stock de biomasse par hectare (112,82 t.ha-1). La quantité de biomasse dans les massifs Kabyè est estimée en 2018 à 1 129, 743 Gg. Ce stock de la biomasse régresse de 0,45 % par an. Il serait nécessaire de saisir l’opportunité des investissements Fonds Verts pour le Climat (FVC) afin de restaurer ces paysages qui jouent un rôle très important dans l’équilibre du climat.

Abstract

The objective of the structural characteristics study and the potential of the atmospheric carbon’s sequestration of the green landscape of Kabyè massifs is to bring information’s on the capacity of these green landscape to make stock of  carbon-this research is based on the dendometric data in 171venues of 1 600 meach-the data collected have been studied thanks to the integrated tools of teledetection such as the systems of geographic information and the allometric equations adapted to the study’s zone. The reseal that the density of different green formation varies from 59, 61 ± 17 per hectare (park of savannas) to 266 ± 53 feet per hectare (plantations). As for the land surface, it varies from 1, 31 m2 per hectare (herbal savanna) to 15, 6 m per hectare (plantations). The global output is 49, 67 tons per hectare. Plantations occupy the first place in terms of stock of biomass per hectare (112, 82) tons per hectare. The quality of biomass in the massifs is evaluated in 2018 at 112, 9743Gg. This stock of biomass decreases of 0, 45% every year. It would be necessary to seize the opportunity of the Green Funds investment for the climat (GFC) in order these vegetation that play a very important role in the balance of the climat.

Introduction                                                                                                     

Les formations forestières qui devraient jouer un rôle essentiel dans les échanges d’eau et de carbone, si importants pour le climat, sont surexploitées pour des besoins agricoles, énergétiques et de bois d’œuvre (T. AURELIE, 2011, p. 1). Les conséquences de la déforestation sur le climat global ont fait l’objet de nombreuses recherches à l’échelle internationale et nationale (Y. S. KOGLO et al., 2019, p. 77; P. Y. ISSIFOU MOUMOUNI, 2019, p. 13 et M. DIATTA, 2015, p. 1-3 et 30). D’une manière générale, ces études révèlent que le remplacement de l’ensemble des forêts par des pâturages et des champs provoquerait une augmentation de la température de surface et une diminution de l’évapotranspiration (M. CAMPAGNA, 1996 p. 3-4).

Les écosystèmes terrestres constituent une opportunité pour atténuer les changements climatiques car, ils absorbent près de 50 % des émissions du gaz carbonique émis dans l’atmosphère (F. FOLEGA et al., 2019 p. 563 et GIEC, 2006 p. 1.7). Ainsi, les paysages végétaux constituent un espoir pour la réduction significative des gaz à effet de serre (M. CAMPAGNA 1996, p. 30-31). La présente recherche sur les paysages végétaux des massifs Kabyè a pour objectif de déterminer les paramètres structuraux et le potentiel de stockage du carbone ainsi que ses variations depuis 1988 à partir des outils intégrés de télédétection, de systèmes d’information géographiques et des équations allométriques. Elle pose la question principale de savoir quel est le potentiel de séquestration des paysages végétaux des massifs Kabyè ? Pour y arriver, l’hypothèse selon laquelle les paysages végétaux des massifs Kabyè ont un potentiel de séquestration de carbone acceptable a été émise. Cette étude est structurée en quatre points à savoir (1) la présentation du milieu d’étude, (2) la methode utilisée, (3) les résultats et (4) la discussion des résultas.

1. Milieu d’étude

Les massifs Kabyè sont situés dans la région de la Kara au nord du Togo. Ils couvrent une superficie de 1 555 Km² et s’étendent entre les latitudes 9° 22’ 26’’ et 10° 00’ 32’’ nord et les longitudes 0° 58’ 31’’ et 1°23’56’’ est. C’est un ensemble de cinq massifs répartis entre la préfecture de la Kozah (Djamdè et Lama) et celle de la Binah (Sirka, Assiré et Siriabé) (figure 1).

Fig15_1.png

Sur le plan géomorphologique, les massifs Kabyè se situent dans la zone de rétrécissement de la chaine de l’Atakora autour de la rivière Kara. Trois ensembles morpho-structuraux se dégagent en fonction du substratum géologique. Il s’agit des montagnes ultrabasiques aux aspects assez contrastés de direction sud-ouest/nord-est, de la grande dépression périphérique de la Kara et les formations isolées de l’Atakora (Djamdè). Le climat est de type tropical humide avec une seule saison des pluies. Les travaux de M. LAMOUROUX (1969, p. 41- 47), ont permis de distinguer sept types de sols à savoir les sols ferrugineux tropicaux, les sols ferrallitiques, les sols peu évolués, les vertisols ou sols à caractères vertiques, les sols hydromorphes, les sols bruns eutrophes et les sols minéraux bruts ou lithosols. La zone d’étude est couverte par une mosaïque de savanes et de jachères avec quelques reliques de formations forestières. La principale activité socioéconomique de la région est l’agriculture qui occupe près de 80 % de la population (QRNA, 2014).

2. Méthode

2.1. Collecte de données

L’inventaire forestier a permis de déterminer la quantité de biomasse par type de formation végétale. Il a été fait à partir de la carte des unités d’occupation du sol élaborée sur la base des imageries satellitaires. Ainsi, chaque unité constitue une strate homogène à l’intérieur de laquelle sont installées des placettes de 1 600 m2 selon la méthode des transects. Tous les pieds d’arbre de diamètre basal supérieur ou égal à 05 cm ont fait l’objet de mesure dans 171 placettes (nom latin de l’espèce, circonférence à 1,30 m et hauteur totale). Le mètre ruban et l’étrier sont utilisés pour le mesurage du Diamètre à Hauteur de Poitrine (DHP). Les hauteurs sont déterminées par simple appréciation visuelle.

2.2. Traitement des données

L’approche utilisée a consisté à la classification des images satellitaires suivie de la détermination des paramètres structuraux et du stock de biomasse proprement dit à partir des équations allométriques. La classification des images satellitaires a abouti à la  réalisation des cartes d’occupation du sol en utilisant des images LANDSAT. Elle a aussi permis d’obtenir les superficies des unités d’occupation des sols de 1988 et 2018 à partir du fichier dbf (Database Files). La classification des images a suivi les étapes d’extraction de la zone d’étude, de la composition colorée, de la classification numérique des images et de la cartographie des résultats de la classification des images. Les formations végétales correspondantes aux unités d’occupation du sol issues de la classification ont été caractérisées à partir du diamètre moyen (Dm), de la hauteur moyenne (Hm), de la densité des peuplements (N) et de la surface terrière (G). Après la détermination des paramètres structuraux, la masse du bois aérien de chaque arbre est déterminée sur la base de la formule suivante (COMIFAC, 2013, p. 6) :

D : diamètre de l’arbre à 1,3 m du sol ; H : hauteur ; 𝛗 : masse volumique du bois sec en kg/m3.

La biomasse de chaque arbre s’obtient en faisant l’addition  de la biomasse aérienne et de la biomasse souterraine (50 % de la biomasse aérienne). La somme des masses des arbres permet de calculer le rendement de chaque unité d’occupation du sol. La biomasse de chaque formation pour l’année 2018 est obtenue en multipliant son rendement par sa surface. Ce qui a permis de déterminer la biomasse totale de 2018. S’agissant de celle de 1988, elle est obtenue en multipliant les surfaces des unités d’occupations des sols en 1988 par le rendement des unités d’occupation du sol de cette date (MERF, 2015).

Le calcul de la masse du carbone et du dioxyde de carbone séquestré équivalent se fait en utilisant les relations suivantes : Mc = Mt x µ ; mc : masse de carbone, mt : biomasse totale, µ : teneur en carbone, généralement 50 %. La quantité de dioxyde de carbone (CO2) émise dans l’atmosphère correspondant à la dégradation de la biomasse, se calcule de la manière suivante : MC02 = Mc x PMC02/PMC.

Mc : est la masse totale du carbone, PMC02 : est le poids moléculaire du dioxyde de carbone et, PMC est le poids moléculaire du carbone. Le rapport  PMC02/PMC est égale à 3,667 ; soit 1 tonne de carbone = 3,667 tonnes CO2.

3. Résultats 

3.1. Caractéristiques structurales des formations végétales

La carte d’occupation des sols de 2018 a permis de faire ressortir six formations végétales (figure 2) dans les cinq massifs Kabyè

Fig15_2.png

L’examen de la carte de la figure 2 montre que les formations discriminées sont les forêts denses sèches, forêts riveraines, plantations, savanes arborées et arbustives, savanes herbeuses et savanes parcs. Les forêts denses sèches et formations riveraines occupent respectivement 4389,35 hectares (15 %) et 2884,43 hectares (10 %). Les savanes arborées et arbustives représentent 5141,82 hectares (18 %). Les savanes herbeuses ont quant à elles une superficie de 9782,00 hectares (34 %).Les plantations et champs occupent respectivement 1881,15 hectares, soit 07 % de la superficie globale et 3511,48 hectares, soit 12 % de la superficie totale. Chacune de ces formations présente des caractéristiques spécifiques (tableau 1).

Fig15_3.png

De l’analyse du tableau 1, il ressort que la densité moyenne des arbres varie entre 59,61 ± 17 pour les savanes herbeuses à 266 ± 53 pieds.ha-1  pour les plantations. La distribution des arbres par classe de diamètres donne une structure en « L » pour toutes les formations exceptées les plantations et savanes parcs qui ont une allure irrégulière. La forme en « L » traduit la dominance des individus de petites classes de diamètre (figure 3).

Fig15_4.png

En effet, de l’observation de la figure 3a, plus de 42 % des individus se situent dans les classes [5-10 [ et [10-15 [. Pour les autres classes, les effectifs vont en décroissance au fur et à mesure que le diamètre de la classe augmente jusqu’au plus grand diamètre qui se situe dans la classe [80-85 [. Quant à la distribution des arbres par classe de hauteur (figure 3b), elle montre une allure en forme de cloche centrée à gauche sauf pour les savanes herbeuses qui sont en forme de « L ». Cette forme de cloche traduit une dominance des individus de moyenne classe de hauteur. En effet, la majorité des individus se situe dans les classes de hauteur [5-10 [et [10-15 [. Le reste des plantes se répartissent autour de ces deux classes de diamètres, avec de faibles effectifs. La hauteur moyenne des arbres varie de 4,4 ± 2,3 m pour les savanes herbeuses à 11,73 ± 7 m pour les forêts denses sèches. L’importance des individus de hauteur inférieure à 5 m témoigne aussi d’une régénération naturelle accrue.

3.2. Potentiel du stock de carbone des formations végétales

3.2.1. Rendements des différentes formations végétales et des espèces

La figure 4 présente la synthèse des rendements de différentes formations végétales des massifs Kabyè en 2018.

Fig15_5.png

A l’examen de la figure 4, les plantations occupent la première place en termes de stock de biomasse par hectare (112,82 t.ha.-1). Elles sont suivies des forêts denses sèches (78,70 t.ha-1), puis des galeries forestières (57,82 t.ha-1), des savanes parcs (10,94 t.ha-1) et des savanes herbeuses (5,64 t.ha.-1). La moyenne de tous les stocks de biomasse des différentes formations végétales est de 49,67 tonnes par hectare. Ce stock de la biomasse par unité de surface n’est pas le même pour toutes les espèces. Certaines (en association), de part leur fréquence, diamètre et hauteur, ont des rendements plus élevés que d’autres. L’Anogeisus leiocarpa a le plus grand rendement avec 5,00 t.ha-1, suivi du Terminalia sp. (4.50 t.ha-1), puis de l’Eucaylptus camaldulensis (4.38 t.ha-1), du Diospyros mespiliformis (3.21 t.ha-1) et enfin du Tectona grandis (3,19 t.ha-1). Le stock de biomasse par unité de surface varie également d’un massif à un autre (Figure 5).

Fig15_6.png

L’analyse de la figure 5 montre que dans les massifs de Lama, d’Asséré et de Siriabé, les rendements moyens de toutes les formations végétales sont respectivement de 43,15 t.ha-1, 42,03 t.ha-1 et 39,93 t.ha-1. Ces chiffres moyens cachent des inégalités au niveau des formations végétales. Les plantations occupent la première place avec 120 t.ha-1 dans le massif de Lama, 101,47 t.ha-1 dans celui de Siriabé et 100,65 t.ha-1 dans l’Asséré. Les forêts denses sèches occupent la deuxième position dans ces trois massifs, viennent ensuite dans l’ordre décroissant les forêts riveraines, puis les savanes arborées, les savanes parcs et enfin les savanes herbeuses.

3.3. Calcul du stock de la biomasse, du carbone et de l’équivalent du dioxyde de carbone séquestré

3.3.1. Stock de la biomasse en 2018

Le stock de la biomasse totale dans les massifs Kabyè est de 1 129 743,74 tonnes. Ce qui équivaut à 564 871,87 tonnes de masse de carbone ou 2 071 385,15 tonnes de CO2 séquestré. La figure 6 montre comment la biomasse est répartie par unité d’occupation du sol.

Fig15_7.png

D’après la figure 6, les forêts denses sèches viennent en première position (441 451,84 t) suivie des plantations (212 242,34 t) et des savanes arborées (211 554,00 t). Les galeries forestières (146 702,37 t), contribuent peu au stockage de la biomasse et à la séquestration du carbone à cause de leur faible superficie. Par contre la faible capacité de stockage des savanes parcs (66 530,39 t) et savanes herbeuses (51 262,78 t) s’explique par le faible rendement (≤ 6 t.ha-1). Le stock de carbone varie aussi en fonction des massifs. L’analyse de figure 7 montre que le massif de Lama vient en première position avec une biomasse de 438 362 t correspondant à 259 813,97 t de carbone et 952 737,83 tonnes de Co2 séquestré.

Fig15_8.png

Le massif de Lama est suivi des massifs d’Asséré (368 994,85 t de biomasse, 676 552,06 t de Co2 séquestré), Siriabé (245423,99 t de biomasse, 449 984,90 t de CO2 séquestré). Les massifs de Djamdè (103 156,89 t de biomasse, 189 138,17 t de CO2 séquestré) et de Sirka (89 682,51 t de biomasse, 164432,88 t de CO2 séquestré), malgré leur densité importante de biomasse, viennent en dernière position à cause de leur superficie reduite.

3.3.2. Stock de carbone en 1988

La quantité de biomasse dans les massifs Kabyè était en 1988 de 1 235 382,86 t. Cette quantité équivalait à 617 691,43 t de masse de carbone et 2 265 074 de CO2 séquestré. La figure 8 montre comment le stock de carbone était réparti par formation végétale.

Fig15_9.png

D’après la figure 8,  les forêts denses sèches (601 478,13 t de biomasse) étaient plus prépondérantes en 1988. Elles étaient, suivies des savanes arborées et arbustives (270 048,68 t de biomasse), des galeries forestières (207 217,10 t de biomasse). Les plantations, les savanes herbeuses et savanes parcs occupaient une position marginale de par leur quantité de biomasse stockée. Le massif de Lama gardait toujours la première place avec une biomasse de 482 198,30 t, correspondant à 1 048 011,61 t de CO2 séquestré. Après le massif de Lama viennent respectivement les massifs d’Asséré (8778,718 t de biomasse, 764503,83t de CO2 séquestré), de Djamdè (112 441,01 t de biomasse, 206 160,60 t de CO2 séquestré) et Siriabé (417 220,79 t de biomasse, 764974,33 t de CO2 séquestré).

4. Discussions

Les paramètres structuraux des six groupements végétaux à savoir les forêts denses sèches, galeries forestières, savanes arborées et arbustives, savanes herbeuses, savanes parcs et les plantations varient en fonction des conditions écologiques et anthropiques du milieu où ils se développent. Ces conditions constituent les facteurs du développement des plantes et déterminent le type de formation végétale. Ainsi, la physionomie des formations végétales dépend du degré de fertilité du sol et de la disponibilité des ressources en eau.

La variation des paramètres structuraux est démontrée par plusieurs chercheurs (K. WALA et al., 2005 p. 212-2015 ; Y. A. WOEGAN  et al., 2011, p. 19-56 ; K. ADJONOU , et al., 2010 p. 175-178 ; et A. K. NATTA , et al., 2012, p. 84-85). Les plantations bénéficient de soins intensifs de l’homme qui les met à l’abri des feux de végétation, des animaux et des adventices. Ces formations végétales ont pour cela une structure démographique particulièrement dense avec de fortes caractéristiques structurales. La densité des arbres dans les plantations est de 266 ± 53 pieds.ha-1 avec une surface terrière de 15,6 m2.ha-1, une hauteur moyenne de 11,73 m et un diamètre moyen de 18,8±6,1cm. Par contre dans les savanes parcs, se développent les espèces qui sont utiles à l’homme soit pour leurs fruits ou pour les services écoystémiques (ombre, fertilité ou protection du sol). En déhors des espèces utiles à l’homme tels que le palmier à huile, le néré, le karité et le kahaya, les paysans éliminent les autres espèces afin de réduire la compétition avec les cultures (K. WALA et al., 2005, p. 213-214). Ce qui confère aux savanes parcs des densités très faibles de peuplement (59,61 ± 17 pieds.ha-1). A l’instar de la présente étude, les recherches antérieures (Koglo, 2019, P 47 et K. WALA et al., 2005, p. 213 ) ont rélevé que le facteur écologique constitue un élément très important dans la différenciation structurale des formations végétales. Les forêts denses sèches et les galeries forestières profitent des conditions de développement favorables. Ce qui explique la forte densité des arbres au niveau de ces formations végétales (255 ± 73 pieds.ha-1). Cette valeur de la densité se situe dans l’intervalle de 227 à 905 tiges.ha-1 évalué par S. M. SUNDARAPANDIAN et al. (1997, p. 134-136) dans la zone intertropicale. La distribution des forêts denses sèches, des galeries forestières, des savanes arborées, arbustives et herbeuses montrent une allure en forme "L" dans les massifs Kabyè. La distribution  en forme de "L" caractérise les formations naturelles (K. WALA, 2004, p. 138 et N. ADRIKA et al., 2015, p. 212-214). En effet, les peuplements naturels se distinguent par une distribution stable des classes d’âge marqués par un nombre important de petites plantess et une faible représentation de grands arbres (K. WALA et al., 2005). Cependant, la distribution par classe de diamètre des plantations et de savanes parcs présente une allure irrégulière. Ce qui suggère que ces formations ne sont pas naturelles. Ces résultats sont similaires à ceux obtenus par Y. A. WOEGAN  et al., (2011, p. 1955 et 1956), K. ADJONOU et al., (2010, p. 175-178) et H. K. ATSRI et al., (2018, p. 6119) dans leurs recherches au Togo et au Bénin.

L’équation allométrique adoptée dans la présente étude a permis de conclure que le rendement moyen des formations végétales est de 49,67 t.ha-1. Ce rendement varie selon les types de formations. Il décroit des plantations (112,82 t.ha-1), en passant par les forêts denses sèches (78,70 t.ha-1), formations riveraines (50,80 t.ha-1), savanes arborées et arbustives (41,14 t.ha.-1), savanes parcs (10,94 t.ha-1) aux savanes herbeuses  (5,64 t.ha-1). Cette différence de rendements s’explique par la variation des conditions écologiques et anthropiques. En outre, les résultats de cette recheche confirment ceux de l’étude effectuée dans la forêt des Nouragues en Guyanes francaises par B. TYMEN (2015, p. 73-48). Ces conclusions sont analogues à celles de P. L. WOOMER et al., (2004, p. 508-509) qui ont montré pour la zone soudano-guinéenne des stocks totaux de carbone de la biomasse des forêts de l'ordre de 60 t.ha-1 (y compris les stocks de la biomasse herbacée). Ces résultats sont finalement en adéquation avec les estimations obtenues dans les savanes boisées et forêts claires des forêts classées de Mampaye, Kantora et Patako au Sénégal par M. CHEIKH (2009, p. 291).

Dans cette étude, le stock total de la biomasse dans les parcs agroforestiers a été évalué à 10,94 t.ha-1. Il est de 1,93 t.ha-1 dans les parcs à V. Paradoxa de la zone soudanaise du Togo (F. FOLEGA et al., 2019 pp. 565-566) et 7,5 t. ha-1  dans le nord du Cameroun (R. PELTIER et al., 2007, p. 46-49). S’agissant des plantations, les résultats obtenus par la présente recherche sont comparables à ceux de D.V. AWE (2016, p. 33-35) au niveau des plantations à Anacardium occidentale dans la région du nord Cameroun. Les résultats de la présente étude ont montré clairement que le stock de la biomasse a baissé globalement de 0,45 % par an. Cette regression est beaucoup plus liée aux conversions nettes des terres forestières et à la dégradation des formations végétales. Ces résultats sont conformes à ceux obtenus par le Ministère en charge de l’environnement au Togo (MERF, 2015, p. 1 et 15-32).

Conclusion

L’étude des paysages végétaux des massifs Kabyè a permis de décrire les caractéristiques structurales, d’évaluer le potentiel de séquestration du carbone atmosphérique de ces paysages végétaux et enfin d’évaluer la dynamique du stock de carbone sur les trois dernières décennies. Cette recherche a été réalisée à partir d’une approche combinant la télédétection, les systèmes d’information géographique, la collecte de données dendrométriques et les équations allométriques. Aux termes de la présente étude, six formations végétales ont été discriminées. Il s’agit des forêts denses sèches, des galeries forestières, des savanes arborées et arbustives, des savanes herbeuses, des savanes parcs et des plantations. Le rendement moyen des formations végétales est de 49,67 t.ha-1. Ce rendement varie de 5,64 t.ha-1 pour les savanes herbeuses à 112,82 t.ha-1 pour les plantations. La quantité totale de la biomasse dans les massifs Kabyè est estimée en 2018 à 1 129, 743 Gg. Elle est équivalente 2 071, 385 Gg de CO2 séquestré. Il ressort clairement que le stock de la biomasse diminue  de 0,45 % par an. Cette variation, beaucoup plus liée aux conversions nettes des terres forestières et à la dégradation des formations végétales, a des impacts cumulatifs assez importants sur le réchauffement climatique. Il s’avère donc nécessaire de préserver et restaurer ces paysages végétaux.

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Auteurs

1Doctorant, Département de Géographie, Université de Lomé mandibozi@yahoo.fr

2Maître de Conférences, Département de Géographie, Université de Lomé, tchaa.boukpessi@gmail.com

 

Catégorie de publications

Date de parution
30 sep 2020