La Région des Grands ponts à proximité d’Abidjan : chances et risques

Résumé

Le présent article a pour objectif de contribuer à une meilleure connaissance des opportunités et des risques du processus de développement de la région des Grands ponts à la porte de la métropole abidjanaise. La méthodologie adoptée s’appuie sur la recherche documentaire et des enquêtes de terrain à travers notamment des observations directes et des enquêtes qualitatives. La principale hypothèse suggère que les interactions entre la métropole d’Abidjan et la région des Grands ponts se traduisent d’une part, par une vitalisation par la métropole de certaines dynamiques régionales. D’autre part, l’extension rapide d’Abidjan vers ses régions périphériques peut constituer une menace pour celles-ci. Il ressort des analyses effectuées à travers une démarche hypothético-déductive que, la région des Grands ponts tire parti de la ville d’Abidjan à travers ses commerçants qui ont un accès rapide et facile à un marché de millions d’habitants. Ces abidjanais sont également à l’origine du développement du secteur hôtelier surtout à Dabou et Jacqueville. Cependant, cette position à la porte de la métropole abidjanaise renferme des risques qui se manifestent par le blocage par celle-ci des dynamiques urbaines de la région (démographie et infrastructures commerciales). À cela s’ajoute, la flambée des prix des biens qui sont acheminés de préférence vers le marché abidjanais à proximité, plus compétitif, au détriment du marché local.

Abstract

The objective of this article is to contribute to a better understanding of the opportunities and risks of the development process in the Great Bridges region at the gateway to the Abidjan metropolis. The methodology adopted is based on documentary research and field surveys through direct observations and qualitative surveys. The main hypothesis suggests that the interactions between the Abidjan metropolis and the Great Bridges region result, on the one hand, in the vitalization by the metropolis of certain regional dynamics. On the other hand, the rapid expansion of Abidjan towards its peripheral regions may constitute a threat to these regions. It emerges from the analyses carried out through a hypothetical-deductive approach that the Great Bridges region benefits from the city of Abidjan through its traders who have quick and easy access to a market of millions of inhabitants. These Abidjanese are also behind the development of the hotel sector, especially in Dabou and Jacqueville. However, this position at the gateway to the Abidjan metropolis contains risks that are manifested by the latter's blocking of the region's urban dynamics (demographics and commercial infrastructure). In addition, there is a rise in the price of goods that are preferably sent to the nearby, more competitive Abidjan market, to the detriment of the local market.

Introduction

Le système productif ivoirien est caractérisé par une hégémonie de la ville d’Abidjan dans le réseau urbain. Cette suprématie est facteur de croissance, mais pose problème pour la ville elle-même et pour ses périphéries. Les espaces situés à proximité de la métropole d’Abidjan sont ainsi marqués par des externalités positives et négatives qui sont à ce jour peu ou mal connues.

Cette ambivalence ressort clairement dans la littérature portant sur les interactions entre la ville et ses périphéries. En effet, les travaux de N. BOHOUSSOU (2014, p. 270-289) font état d'espaces périphériques d'Abidjan, confrontés à une dégradation du cadre de vie des populations. Ses analyses portant sur la contribution du District, dans son rôle d’acteur, dans l’amélioration du cadre de vie des populations à travers l’équipement des espaces à la périphérie de la ville d’Abidjan, révèlent qu'en dépit des investissements consentis dans tous les domaines (santé, éducation, social, économique) d'énormes difficultés demeurent. Le District a du mal à remplir sa fonction de satisfaire la demande sociale dans ces zones périphériques, et pour cause, le déphasage entre l’offre d’équipements et infrastructures et les besoins réels des populations de ces espaces. Dans un contexte proche, J-L. CHALEARD et al. (2016, p. 200) ont pu démontrer que les relations entre les espaces périphériques et une métropole débouche sur un constat selon lequel, ces espaces sont soumis à des tensions, où s’exercent des rapports de force (naturellement à l’avantage de la métropole) entre les différents acteurs.

Ces facteurs de croissance sont évoqués dans les travaux de H. BERRON (1980, p. 237) qui ont révélé une mise en valeur que connaissaient les rivages lagunaires proches de la capitale économique. Il a pu observer à ce titre dans la région des lagunes, l’apparition d’une multitude de formes authentiques de métiers et de produits, développés par plusieurs acteurs économiques. Dès lors, les besoins urbains suscités par la croissance rapide de la ville d’Abidjan, ont donné à ceux qui ont voulu les satisfaire, à partir essentiellement d’activités informelles, plusieurs opportunités. Il s’agit entre autres de la pêche intense aux grands filets, les transports lagunaires des pétrolettes, qui représentaient la manifestation d’une activité tournée en dernier lieu vers l’approvisionnement de la métropole abidjanaise. Quant aux facteurs de déséconomie engendrés à proximité de la métropole, M. EBOI (1987, p. 40-44) attestait qu’Abidjan et son port ont drainé tous les espoirs de développement des villes côtières voisines faisant de ces dernières, de simples centres administratifs. Le développement de la place d'Abidjan a définitivement favorisé le ralentissement socio-économique des villes jadis prospères de la zone côtière.

Les travaux disponibles n’ont pas abordé de manière explicite les relations entre la ville d’Abidjan et cette région circonvoisine. La présente analyse s’intéresse au cas spécifique de la région des Grands ponts dont le chef-lieu de région (Dabou) est situé à 49 km de la métropole d’Abidjan. Le postulat de départ stipule que les interactions entre la métropole d’Abidjan et la région des Grands ponts, se traduisent à la fois par une relation de vitalisation par la métropole de certains espaces de la région, et dans certains secteurs. Toutefois, le caractère primatial de la capitale économique ivoirienne, tend à freiner le développement de la région des Grands ponts dont la dynamique socio-économique est fortement dépendante de la métropole.

L’objectif de cet article est de contribuer à une meilleure connaissance des avantages et des inconvénients liés à la situation de la région des Grands ponts à la porte de la métropole abidjanaise.

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Date de parution
31 déc 2022