Protection des côtes et écosystèmes de la plate-forme continentale du littoral béninois (Cotonou)

Résumé

Le réchauffement de la terre et les actions anthropiques en milieux littoraux sont les principaux facteurs de la transgression océanique. L’érosion côtière est devenue un enjeu et un défi pour toutes les nations. Le littoral béninois et les côtes de Cotonou en particulier ne sont pas épargnés. Des aménagements sont entrepris pour la régression. Le présent travail vise à analyser l’inflexion de la contribution de la plate-forme continentale de Cotonou au développement socio-économique des populations. Sa pauvreté en ressources fauniques est considérée comme l’une des principales causes des pénibles conditions de vie des populations jouissant de son exploitation. La perte de la biodiversité, l’érosion côtière et la protection des côtes sont simultanées. La connaissance des relations entre cette inflexion et l’érosion côtière et la responsabilité des aménagements dans la dynamique des écosystèmes du plateau continental est opportune.

Une recherche documentaire, des entretiens, interviews, sondages et un focus group par arrondissement riverain ont permis de recueillir des informations sociales et économiques des parties prenantes. En outre, des observations, levés topographiques, études bathymétrique, hydrologique et taxinomique ont contribué à l’appropriation des connaissances lithologiques, géomorphologiques, biologiques du cadre d’étude. Ces techniques de recherche ont révélé que la profondeur de la plate-forme continentale à la lisière des côtes de Cotonou a une moyenne de 81,62 m. De 1992 à 2018, une réduction du nombre des espèces vivantes est observée. Ainsi, les espèces végétales passent de 80 à 40 et de 257 à 182 pour celles animales à cause des bruits des moteurs, le déversement des hydrocarbures dans les eaux nitriques, la perturbation des milieux écologiques par les opérations de protection des côtes contre l’érosion. Au cours de la même période, le nombre de pêcheurs est passé de 5000 à 1250 avec la suppression de 3 000 emplois.

Abstract

The global warming and the anthropic actions in littoral areas are the major factors of the oceanic transgression. Coastal erosion became a stake and a challenge for all of the nations. The littoral of Bénin and the coasts of Cotonou in particular are not saved. Arrangements are undertaken for the regression. This work aims at analyzing the inflection of the contribution of the continental platform of Cotonou to the socio-economic development of the populations. Its poverty in faunal resources is regarded as one of the major causes of the hard living conditions of the populations enjoying its exploitation. The loss of the biodiversity, coastal erosion and the protection of the coasts are simultaneous. The knowledge of the links between this inflection and coastal erosion and the responsibility for arrangements in the dynamics of the ecosystems of the continental stage are convenient.

A documentary research, talks, interviews, surveys and a focus group per riparian district made it possible to collect social and economic information of the concerned people. Moreover, observations, topographical surveys, studies bathymetric, hydrological and taxinomic contributed to the appropriation t of lithological, geomorphological, biological knowledges of the study site. These techniques of research revealed that the depth of the continental edge of the coasts of Cotonou has an average of 81,62 mr. From 1992 to 2018, there was the reduction of the number of the alive species passing from 80 to 40 for the vegetable species and from 257 to 182 for those animals because of the noises of the engines, the discharge of hydrocarbons in nitric water, the disturbance of the ecological areas by the operations of in protection of the coasts against erosion; then the number of fishermen passed from 5000 to 1250 with the suppression of 300 000 employments

Introduction

Les milieux littoraux constituent des complexes côtiers fortement humanisés. Cette attraction des populations est due à la richesse des plateaux continentaux en ressources minières et biologiques. Au niveau de la plate-forme continentale béninoise, il y avait, dans les années 60, une profusion des espèces animales, végétales et microbiennes dans les immenses écosystèmes océaniques. Les marges continentales constituent, selon F. Carré (1978, p. 43), des lisières plus ou moins étroites où s’effectue la quasi-totalité des pêches mondiales. L’océan Atlantique constituait la principale source de satisfaction des besoins essentiels des pêcheurs et aussi une des sources d’approvisionnement en protéines animales de la population béninoise. La pêche maritime artisanale y est pratiquée par des groupes socio-culturels qui exercent les activités halieutiques comme une profession ou un métier. La production moyenne annuelle est de 24922 tonnes de 1975 à 1979 (Direction de la pêche, 1979, p. 24).

Le secteur de la pêche maritime industrielle a été pris en charge par la Société Bénino-Lybienne de Pêche (BELIPECHE). Par des contrats conclus avec l’Etat béninois, des sociétés étrangères, notamment soviétiques et grecques, pratiquaient la pêche industrielle dans les eaux territoriales. La pêche maritime était florissante, fournissait 30,1% de la production halieutique nationale, 30 % des protéines animales consommées au Bénin. Elle a contribué au développement de la chaîne de froid, au Produit Intérieur Brut à raison de 2 % (K. S. Adam et M. Boko, 1983, p.52). Dans les années 80, la production de la pêche maritime a amorcé une baisse avec la production artisanale qui passe de 23965 tonnes en 1979 (Direction de la pêche, 1980) à 7107 tonnes en 2010 (Forum Bilan, 2011, p.12). Selon les mêmes sources, la production maritime industrielle est passée de 1064 tonnes en 2006 à 154 tonnes en 2010 et la production halieutique actuelle est d’environ 10000 tonnes. La pêche maritime contribue désormais à 0, 3 % au Produit Intérieur Brut.

De plus en plus, il est observé des migrations des pêcheurs vers d’autres sites et surtout leurs conversions en d’autres métiers ou professions. Il en résulte la désorganisation des chaînes logistiques et commerciales liées à la pêche maritime béninoise. D’où l’inflexion de la contribution du plateau continental à l’amélioration des conditions socio-économiques des populations. Quelles sont les causes réelles de cette inflexion ? Au regard des difficultés liées à la pêche maritime, des recherches de solutions étaient en cours quand surgit de la même sphère et de façon plus intensive l’érosion côtière considérée comme une des principales causes de la dégradation des conditions socio-économiques des utilisateurs des ressources maritimes. Quelles corrélations existent-ils entre l’érosion côtière et les chutes des productions halieutiques ? La zone côtière fait face à une dégradation irréversible et continue de subir de nombreuses perturbations notamment l’érosion côtière, la régression du couvert végétal, l’érosion biologique, la pollution, etc., auxquelles s’ajoutent les effets des changements climatiques (H. El Ayoubi et P. Failler, 2013, p. 56).

Les dommages sont importants et se traduisent par la destruction de plusieurs habitions avec des milliers de personnes riveraines sans abris. Il en résulte également l’aggravation de la pauvreté, de la pollution, de la criminalité, le bouleversement des écosystèmes côtiers et marins, des pertes d’emplois, etc. L’une des solutions apportée à ces problèmes sociaux, économiques et environnementaux est la lutte contre l’érosion côtière. Quels sont les impacts des aménagements de protection des côtes sur les écosystèmes de la plate-forme continentale de Cotonou ? La présente recherche vise à contribuer à l’amélioration de la gestion des ressources de la plate-forme continentale qui, de par leurs importances économique, écologique et stratégique, sont indispensables à la survie et au développement socio-économique durable de la population. Pour y parvenir, les modes de gestion et d’exploitation des écosystèmes du plateau continental, les effets de l’érosion côtière et des aménagements des côtes sur ces derniers ont été analysés.

1. Présentation du milieu de recherche

La ville de Cotonou est située entre 6° 20’et 6°23’ latitude nord et entre 2° 22’ et 2° 30’ longitude est (figure 1).

11fig1

La plate-forme continentale de Cotonou, objet de la présente recherche, est comprise entre 6° 5’et 6° 20’ latitude nord et entre 2° 22’ et 2° 30’ longitude est. Elle est peu spacieuse et présente des fonds variés. Pour H. El Ayoubi et P. Failler (2013, p.62), le plateau continental du Bénin reste étroit et dispose de quatre types de fonds dessinés en bandes parallèles suivant les isobathes de 10 à 100 m : fonds durs (coralliens et gorgones), sablo-vaseux (0 à 15-17 m de profondeur), sableux baignés par des eaux chaudes jusqu’à 35 m ; fonds vaso-sableux et vaseux baignés par des eaux froides entre 35 et 55 m de profondeur. Il jouxte une plaine côtière qui ne dépasse pas 10 m d’altitude et constitue un complexe de plusieurs cordons littoraux séparés par des bas-fonds marécageux et des lagunes. Ces cordons emprisonnent, au contact des plateaux, des lacs comme le lac Nokoué (K.S. Adam et M. Boko, 1983, p.13).

Le plateau continental de Cotonou est une partie intégrante de celui du Bénin. Ce dernier couvre une superficie d’environ 3 100 km2 entre les isobathes 10 et 100 m ; sa longueur moyenne est 27 km de la côte, soit 12 miles à l’ouest à la frontière du Togo et 17 miles de celle du Nigéria (K.S. Adam et al. , 2007, p.12). Elle représente 7,7 % de la superficie totale du pays et concentre ainsi plus de 50 % de la population béninoise et la majeure partie des activités économiques. C’est la partie la plus productive et la plus vivante du pays, mais aussi la plus vulnérable de par les influences climatiques que par les activités humaines qui la fragilisent. La ville de Cotonou s’étend sur 12 km le long des côtes et abrite environ 10 % de la population du Bénin. Elle compte treize arrondissements numérotés de 1 à 13. Les arrondissements 4, 5 et 12 jouxtent l’océan. Ils sont sujets à l’érosion côtière et abritent la majorité des pêcheurs. Le secteur de recherche est arrosé par le climat subéquatorial. L’amplitude thermique journalière est supérieure à 10°C et l’humidité relative est élevée et se situe entre 70 à 90 %. Ce climat a quatre saisons avec une grande saison des pluies d’avril à juillet, une petite saison sèche d’août à septembre, une petite saison pluvieuse d’octobre à novembre et une grande saison sèche de décembre à mars (N. Agoïnon et al., 2010, p.32).

Parmi les écosystèmes les plus dominants du plateau continental se trouve la mangrove. Elle constitue une formation végétale spéciale halophile qui peuple les rivages sur des sols vaseux, hydromorphes et asphyxiques (D.M. Toffi, 1991, p.34). La mangrove s’est localisée surtout dans les superficies de terre influencées par les chenaux, des marées du milieu estuarien. Il est observé à l’orée de la plate-forme continentale une prolifération des végétaux flottants surtout au niveau des chenaux. Les populations de poissons les plus importantes dans l’ordre décroissant sont celles des familles des Cichlidae (Sarotherodon et Tilapia guineensis), des Clupeidae, des Mugilidae, des Clarotidae.

En dehors des poissons, le plateau continental abrite également des mammifères et tortues marines. Selon Adam et al. (2007, p.16), des baleines genre Jubarte (Megaptera novaeangliae) y sont observées entre 27 et 600 m et exceptionnellement entre 13 et 31 m ; les dauphins (Tursiops truncatus) à une profondeur supérieure à 31 m. Les tortues rencontrées sur les côtes de Cotonou sont de diverses natures. Sur les côtes du Golfe de Guinée quatre espèces de tortues marines sont présentes : Dermochelys coriacea (la tortue luth), Lepidochelys olivacea (la tortue olivâtre), Eretmochelys imbricata (la tortue imbriquée) et Chelonia mydas (la tortue verte). Si les deux premières espèces sont présentes dans cette zone principalement pour la nidation, les deux autres y sont essentiellement pour des raisons d’alimentation et de croissance (M. Aksissou, 2015, p.16). A celles-ci, il faut ajouter la tortue caoucanne (M. Lalire, 2017, p.3). Ces tortues appartiennent à la famille des Cheloniidae et sont principalement distribuées dans les océans des zones tropicales et subtropicales. La pêche est l’une des activités dominantes menées par les populations dans le plateau continental. Les écosystèmes marins se subdivisent en deux zones : la partie intermédiaire du plateau continental, réservée à la pêche artisanale avancée et la pêche industrielle ; la partie externe du plateau continental, occupe les profondeurs de 60 à 200 m et réservée à la pêche industrielle (K.S. Adam et al., 2007, p.36).

2. Matériel et Méthodes

2.1. Matériel

Plusieurs instruments et appareils présentant des caractéristiques et des contributions variables ont été utilisés (tableau 1).

11fig2

Le tableau 1 présente des matériels simples comme l’appareil photographique numérique, l’enregistreur de sons, les images satellitaires, les cartes océaniques. Par contre le GPS et la station totale sont munis d’accessoires comme deux cannes télescopiques, deux prismes, deux bipieds porte-prisme et canne, deux paires d’émetteurs radio, six jalons, deux mires pliantes en bois, un ruban d’acier, un ruban d’acier.

2.2. Méthodes

2.2.1. Collecte des données

2.2.1.1. Nature et sources des données utilisées

Les données utilisées sont qualitatives et quantitatives. Les informations qualitatives sont issues des recherches socio-anthropologiques basées sur les connaissances des pêcheurs et d’autres utilisateurs des océans, sur les écosystèmes côtiers et marins, les comportements des espèces halieutiques, les temps de pêches fructueuses et infructueuses, de prévalence de telles ou telles espèces, les périodes de fécondité, de ponte des œufs, de mise à bas de certains animaux, les temps de hautes et basses marées, de fréquences des orages, ouragans et typhons sur l’océan Atlantique, les modes et outils de pêche, les espèces végétales vivant dans l’océan, etc. Toutes ces données sont recueillies pour avoir les perceptions des utilisateurs du plateau continental sur les modes de gestion et d’exploitation des ressources.

Les données quantitatives résultent des données statistiques de moyennes annuelles de pluies et de températures de 1988 à 2018, soit sur une durée de 30 pour apprécier le comportement du régime pluviométrique et ses corrélations avec les activités halieutiques. Ces informations ont été recueillies de l’Agence pour la Sécurité de la Navigation en Afrique et à Madagascar (ASECNA). Celles relatives aux quantités annuelles des prises de produits halieutiques ont été obtenues à la Direction de la pêche dans le but d’analyser la pression exercée sur les ressources et de les comparer aux besoins de la population. La Direction de la pêche a également fourni des statistiques relatives aux effectifs des pêcheurs marins, de pirogues, de barques et bateaux et autres utilisés sur le plateau continental de Cotonou afin d’apprécier sa surexploitation ou non. A l’Institut National de la Statistique et de l’Analyse Economiques (INSAE), les effectifs de la population de Cotonou et du Bénin issus des Recensements Généraux de Population et des Habitations (RGPH) de 1979 à 2013 ont été recueillis afin d’apprécier les besoins en protéines animales de la population.

Des données socio-économiques relatives aux revenus issus des activités surtout halieutiques et leurs usages ont permis d’analyser le niveau de satisfaction des besoins fondamentaux des producteurs. Des statistiques relatives aux déchets solides sur les plages de Cotonou recueillies à la Mairie de Cotonou ont permis d’analyser les risques de pollution des eaux. La consultation de l’inventaire floristique et faunique des écosystèmes de mangrove et des zones humides côtières du Bénin a permis de déterminer les différentes familles d’espèces végétales et animales du secteur de recherche, leur abondance et usages relatifs, leurs noms scientifiques et celles en voie d’extinction. Tout ceci a été possible grâce aux institutions le Centre de Recherche et d’Incubation Aquacole du Bénin (CRIAB), l’Institut de Recherche Halieutique et Océanologique du Bénin (IRHOB), les laboratoires d’Ecologie, de Biologie et de Géologie, etc., afin de suivre leur évolution.

2.2.1.2. Enquêtes de terrain

Les enquêtes de terrain ont duré de mai 2018 à juillet 2019. Des entretiens, interviews, sondages ont permis d’avoir les perceptions des populations riveraines utilisatrices du plateau continental et de recueillir d’elles les données socio-économiques liées à sa gestion. Des focus groups ont servi à faire la synthèse des données collectées au cours des entretiens individuels. Des observations directes sur le terrain ont permis d’identifier les zones d’engraissement et d’érosion des côtes, les lieux d’embarquement et de débarquement des pêcheurs, les différentes composantes du milieu. Avant les enquêtes proprement dites, un échantillon a été constitué sur la base des critères.

2.2.1.2.1. Outils de collecte des données

Une grille d’observation a permis de constater sur le terrain la nature et la forme des espaces, les mouvements des eaux marines et d’identifier les pressions qui s’exercent sur les écosystèmes. Un herbier a servi à conserver les échantillons des espèces végétales prélevées. Un questionnaire a été adressé à 45 personnes parties prenantes à la présente recherche. Un guide d’entretien a permis d’obtenir les perceptions de certains spécialistes sur la corrélation entre la protection des côtes et les écosystèmes, les modes de gestion des ressources et les causes de l’inflexion de la contribution de la plate-forme continentale au développement socio-économique.

2.2.1.2.2. Echantillonnage

La technique de choix raisonné a été utilisée pour identifier les personnes à interroger. Les principaux critères de choix reposent sur les qualités d’être un pêcheur d’au moins 50 ans et pratiquant l’activité durant au moins trente ans, être chef de ménage, donc capable de connaître les besoins vitaux, les variations du régime pluviométrique, leurs conséquences sur les écosystèmes en général et singulièrement sur les espèces animales et végétales des milieux côtiers et marins, celles qui se raréfient ou en voie d’extinction. Ensuite, être spécialiste des questions relatives à l’écologie marine appliquée, à l’océanographie, à la pêche maritime a été aussi retenu. Les personnes sages, leaders d’opinion comme les chefs religieux, notamment ceux qui adorent les divinités qui sont logées dans l’océan Atlantique, les chefs traditionnels, les autorités administratives ont été choisis. Des personnes ayant vécu au moins 30 ans le long des côtes sont susceptibles de renseigner sur les manifestations de l’érosion côtière et ses dommages. Enfin être membre des chaînes logistiques et commerciales de produits halieutiques afin de pouvoir renseigner sur la concurrence des produits étrangers, la réduction des revenus des pêcheurs locaux a été utilisé comme critère de choix. Les ménages choisis sont ceux dont l’essentiel des revenus provient des activités liées à l’océan atlantique et qui ont subi les effets de l’érosion côtière. Cet ensemble de personnes ont fourni des informations cultuelles, culturelles et scientifiques. Les critères ne sont pas cumulatifs.

La population-mère de la présente recherche est celle des arrondissements côtiers (4e, 5e et 12e) de Cotonou. Ils comptent au total 164316 habitants avec respectivement 36357 habitants, 20039 et 97920 (INSAE, 2013). A défaut de pouvoir interroger chacun d’eux, la taille (N) de l’échantillon de recherche a été déterminée par la méthode de Schwartz (2002) suivant la formule : N= T2PQ/e2 avec N= taille de l’échantillon par arrondissement ; T2= écart fixé à 1,96 correspondant à un degré de confiance de 95 % ; P= nombre de ménages par arrondissement/nombre de ménages de la population-mère; Q=1-P ; e= marge d’erreur qui est égale à 5 %. L’application de cette formule a permis de déterminer les ménages interrogés (tableau 2).

11fig3

En appliquant à N une réduction de 15 %, l’effectif des ménages interrogés est 125. Seul le chef de ménage est interrogé. Des 125 chefs de ménages identifiés, 80 ont été sondés car ne sachant ni lire, ni écrire. Ce sondage a permis d’avoir leurs perceptions sur la gestion des ressources du plateau continental, les effets de l’érosion côtière et des aménagements de protection des côtes sur les écosystèmes. En outre, 45 chefs de ménage ont rempli chacun un questionnaire. Trois focus group ont été créés à raison d’un par arrondissement côtier. Ils ont permis de faire la synthèse et de vérifier l’exactitude les données collectées au cours des entretiens individuels. Au rang des spécialistes, 55 personnes ont renseigné sur le sujet de recherche : 20 responsables de service, peu disponibles, ont été interviewés et 35 ont été entretenus. Au total, 180 personnes ont été interrogées.

2.2.2. Traitement et analyse des données

Les questionnaires ont été dépouillés et codés, les enregistrements de sons ont été réécoutés. Les données quantitatives ont été rangées sous forme de tableaux et de graphiques par les logiciels Word et Excel. Celles qualitatives ont été analysées. La carte de situation de la commune de Cotonou, du plateau continental a été réalisée à l’aide du logiciel ArcView. Le modèle d’analyse systémique a été utilisé pour l’analyse des interactions entre les différentes composantes biophysiques du plateau continental. Le modèle PEIR (Pression, Etat, Impact et Réponses) a permis d’identifier les pressions exercées sur les composantes biophysiques, d’apprécier l’état des lieux, d’analyser les impacts des actions et enfin de donner de réponses aux problèmes posés.

3. Résultats

3.1. Etat de la biomasse de la plate-forme continentale

Grâce à quatre plongeurs recrutés dans le cadre de la présente recherche des échantillons des substratums des fonds durs (coralliens et gorgones), sablo-vaseux (0 à 15-17 m de profondeur), sableux baignés par des eaux chaudes jusqu’à 35 m ; fonds vaso-sableux et vaseux baignés par des eaux froides entre 35 et 55 m de profondeur du plateau continental ont été prélevés. L’analyse au Laboratoire de ces derniers ont révélé la présence d’éléments minéraux (azote, phosphore, potassium, sodium, magnésium, les carbonates, alluvions, limons, etc.) et organiques (larves, vers, parasites, phytoplanctons, zooplanctons, des mousses, moisissures, etc.) provenant de l’intérieur des continents et drainés aux estuaires par les fleuves, lagunes et des fonds des océans par les vagues. Il s’agit des nutriments dont la teneur varie suivant les types de fonds. Des fonds durs en passant par les sablo-vaseux pour atteindre les vaseux, les nutriments sont respectivement à un taux de 8, 5 %, 22, 8 % et 68, 7 % et attirent des espèces animales aquatiques. C’est ce qui explique une présence plus abondante des bancs de poissons au niveau des parties vaseuses. Selon les inventaires existants la faune ichtyologique marine du plateau continental compte environ 257 espèces de poissons dont 43 espèces de sélaciens en 21 familles ; 214 espèces de téléostéens pour 80 familles ; 10 espèces de crustacés (crevettes, langoustes) ; 4 espèces de céphalopodes. Pour 82, 6 % des pêcheurs, il existe un nombre illimité d’espèces, de variétés animales et végétales dans la plate-forme continentale de Cotonou. Pour les 17, 4 % restant, Dieu et les divinités marines créent un nombre insondable de familles, d’espèces animales et végétales par jour, par saison et par an. La totalité des pêcheurs interrogés reconnaissent la répartition des ressources halieutiques en trois grandes catégories : les petits poissons pélagiques plus ou moins côtiers, les ressources démersales, les grands poissons pélagiques les plus hautement migrateurs tels que les thonidés.

L’UEMOA (2012, p.17) a évalué à l’aide de la méthode acoustique la biomasse des petits pélagiques abondants au dernier semestre de l’année à 6670 tonnes tandis que celle de l’ensemble des plateaux continentaux et eaux néritiques est estimée à plus d’un milliard de tonnes par an (F. Carré, 1978, p. 10). Pour 65, 6 % des personnes interrogées, une bonne partie de la biomasse est de plus en plus cachée par les divinités marines à cause de l’ingratitude, des déviances sociales et cultuelles des exploitants des ressources halieutiques offertes gratuitement par les déesses marines. Ils attestent que la biomasse est plus importante que prévue. Les 14, 4 % restant, ont démontré que la pression démographique et la dégradation des conditions écologiques ont réduit très sensiblement la biomasse dont une bonne partie aurait fui le plateau continental.

3.2. Facteurs naturels de la faiblesse de la biomasse du plateau continental

3.2.1. Des marées et houles, principaux facteurs d’instabilité du plateau continental

Les marées observées à Cotonou sont de type semi-diurne et caractérisées par la présence de deux eaux hautes et de deux eaux basses chaque jour avec des amplitudes presque égales se succédant à des intervalles de 12 heures (ABE, 1999, p. 85). L’observation des vagues de marée dans le cadre de la présente a permis de constater qu’elles se propagent le long et avec une direction perpendiculaire aux traits de côte du Bénin. Le Zéro Hydrographique (Z.H) au Bénin correspond théoriquement aux marées astronomiques les plus basses. Le Z.H. à Cotonou était 0,535 m. Le niveau moyen de la mer (MSL) à Cotonou était 0,93 m au-dessus du Z.H. (MSL=Z.H. +0,93m). Les marnages extrêmes variaient entre +1,95 m et - 0,20 m et l'amplitude se situait généralement autour d'un (01) mètre, soit une marée de type micro-tidal. Les effets de la marée sont d'autant plus importants que le marnage est élevé. Les courants de marée étaient généralement faibles sur la côte de Cotonou. Par contre, des mesures réalisées dans le cadre de la présente recherche révèlent que les marnages varient entre 3,5 m et -0, 48 m, l’amplitude tourne en moyenne autour de deux (02) mètres et les courants de marées forts sont ceux qui ont un effet déterminant sur l'évolution des débouchés lagunaires. En outre, les mesures bathymétriques réalisées à chaque mille marin (1852 m) ont permis de distinguer la shore face du plateau continental, de connaître les dénivellations (D) entre l’altitude de base de l’océan (0) et chaque point de prise de mesure, les valeurs des pentes (p) correspondantes et leur vérification à l’aide du clinomètre (tableau 3).

11fig4

Le tableau 3 montre que la pente de la shore face est inférieure à 1° entre 0 et -39 m et qu’entre -39 et -56 m, il est observé une légère rupture de pente. La dénivellation moyenne de 10, 01 m, la présence de gorgones, d’une barrière corallienne et d’un talus variant par endroits entre 1 et 2 % interviennent dans la propagation des vagues et houles. Elles sont permanentes et leurs ampleurs varient au cours de l’année car influencées par des tempêtes dans l'Atlantique sud (A. Guilcher, 1959, p.340 ; E.J. Anthony, 1990, p.83), accessoirement par des vents du Sud-Ouest, surtout en saison humide (mai à septembre) et par les fonds et la pente du plateau continental qui provoquent des changements de direction de leurs lignes de crêtes. Sur les côtes du plateau continental de Cotonou, il existe des houles d'octobre-novembre à mai-juin dont les hauteurs variaient de 0,5 à 1 m et actuellement de 1,5 à 2, 5 m. Sont également observées des houles de juin à octobre et leurs hauteurs atteignaient et dépassaient 2 m. Elles ont de nos jours une hauteur de plus de 3, 5 m. L’utilisation de GPS a permis de confirmer la prédominance des directions S à SSW pour les premières houles, et SSW à SW pour les secondes (G. Rossi, 1989, p.145). Cette hydrodynamique ne facilite pas le peuplement de la plate-forme continentale par des espèces animales et végétales.

3.2.2. Des conditions écologiques peu favorables aux êtres vivants du plateau continental

L'obliquité de la houle au déferlement par rapport au rivage varie entre 4° et 9° avec une moyenne autour du 6° à 7°. Elle entraîne une dérive littorale dirigée d'ouest en est qui rend le plateau continental instable. Elle est responsable du transit littoral le long de la côte et draine 1.500.000 m3 de sable de Lomé à Cotonou (ABE, 1999, p.105). L’étroitesse du plateau continental du Bénin est un facteur favorable à la sédimentation et hostile au grand peuplement. La faiblesse et la rareté des upwellings ne permettent pas la remontée en surface des nutriments et des microorganismes devant attirer les espèces animales. L’effet de serre provoqué par le rejet dans l’atmosphère des gaz rares et en l’occurrence le gaz carbonique, a entraîné le réchauffement de la terre et la montée des eaux marines d’où l’accélération de l’érosion côtière très manifeste à Cotonou qui agite plus qu’auparavant le plateau continental et éloigne des côtes les espèces animales. De même la faiblesse de la profondeur de la plate-forme continentale et la grande force hydrodynamique contribuent à l’augmentation de la température des eaux qui passe suivant les mesures réalisées dans le cadre de cette recherche de 25,3°C à 7 heures à 36, 9°C à 13 heures. La montée de la température dans le monde est devenue préoccupante. En effet, la Banque Mondiale (2010, p. 102) a prévu qu’au cours des prochaines décennies, la température mondiale devrait augmenter de 0,2 à 0,3°C tous les 10 ans, soit un rythme qui va mettre à l’épreuve les capacités d’adaptation des espèces et des écosystèmes, qu’il y aura la montée des eaux au niveau des mers et océans d’où l’accélération de l’érosion côtière et lorsque la hausse atteindra 2°C, elle causera des dommages aux écosystèmes, et en particulier la disparition de nombreux récifs coralliens, victimes du réchauffement climatique et de l’acidification des océans. Les eaux du plateau continental ont été prélevées à plusieurs endroits dans des bocaux qui étaient bouillis à l’eau potable de pompe afin de les stériliser. Elles sont soumises au contrôle de leur pH. Ces examens ont révélé que les eaux riveraines sont acides avec un pH variant entre 4 et 5. Ceci éloigne les poissons et autres espèces animales des côtes.

3.3. Facteurs anthropiques de la faiblesse de la biomasse du plateau continental

3.3.1. Activités économiques et diversité biologique de la plate-forme continentale.

La population de Cotonou est passée de 320332 habitants en 1979 à 679 012 en 2013 et celle du Bénin a évolué de 3331210 à 10008749 habitants (INSAE, 1979, 2013), soit un taux d’accroissement respectivement de 112 % et 201 %. Les besoins vitaux ont augmenté en général et particulièrement ceux alimentaires. Une forte pression anthropique s’exerce sur les ressources maritimes à cause de leurs portées économiques et alimentaires. La dégradation des forêts le long des côtes en l’occurrence de la mangrove a fait régresser cette dernière de 15 000 ha. Elle a totalement disparu à Cotonou alors qu’elle constituait des biotopes moins agités où des espèces animales se refugiaient, pondaient des œufs. C’était un des lieux privilégiés de formation de phytoplanctons et de zooplanctons très utiles dans la chaîne trophique. Les parties des côtes qui étaient naturellement ombragées se trouvent de nos jours ensoleillées. Pour 82,8% des personnes interrogées, la destruction de la mangrove a entraîné la modification des conditions écologiques et le retrait en haute mer des espèces animales. Les enquêtes de terrain dans le cadre de la présente recherche ont révélé qu’à Cotonou, la quasi-totalité des pêches maritimes se pratique dans le plateau continental avec plusieurs types de pêche. La senne de plage est la plus importante et est à la base de 50 % des débarquements. Elle est suivie de la senne tournante. Les pêcheurs utilisent les filets maillants de fond, de surface, à sardine et la ligne à hameçon. L’utilisation des filets à petites mailles entraîne la prise des grands et juvéniles poissons comme des sardines, des ethmaloses et bars. En 2009, 5080 pêcheurs exploitaient le plateau continental de Cotonou. Ils sont au nombre 4250 en 2014, soit une réduction de 16 % et utilisent 728 pirogues pour la pêche maritime (B. Akitikpa et al., 2015, p. 21). Les recensements opérés dans le cadre de cette recherche ont révélé que de nos jours, ils sont au nombre de 1948 avec 268 pirogues à cause des expéditions de pêche non fructueuses et des vagues très agitées et menaçantes. Ces effectifs sont importants et dénotent d’une surexploitation des ressources halieutiques. Les investigations sur la structure d’âge de ces différents effectifs ont révélé que 35, 5 % ont moins de 25 ans, 45, 9 % moins de 50 ans et seulement 18, 6 % ont 50 ans et plus. Les pêcheurs les plus expérimentés et plus âgés accusent les plus jeunes de ne pas respecter d’une part les principes élémentaires de conservation et protection des espèces halieutiques et d’autre part dénoncent leur ignorance des interdits des déesses qui donnent ou retirent ses ressources halieutiques. Les prises de la pêche maritime industrielle qu’artisanale évoluent en dents de scie (figure 2).

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L’analyse des allures des courbes des productions des pêches maritimes révèle que les productions industrielles sont faibles par rapport à celles artisanales malgré les moyens modernes de pêche industrielle. Ceci s’explique par le fait que la nature des fonds sur une partie du plateau continental (2800 km2) est peu favorable au chalut car composée de gorgones et d’une barrière corallienne ralentissant ou détruisant les chaluts. La majeure partie des pêcheurs (72,8%) ne pratiquent que la pêche de jour et la capture moyenne déclarée par sortie de pêche pour les pêcheurs de marée est 290 kg. La pêche maritime fournit par an 7 000 tonnes de produits halieutiques (Direction de la pêche, 2012, p.20). Les plages de Cotonou constituent des lieux touristiques qui accueillent chaque week-end plus de 1500 personnes qui y laissent des déchets estimés à 10,5 tonnes (Mairie de Cotonou, 2017, p.12). A cela s’ajoutent les eaux de ballast, les hydrocarbures et autres qui polluent les eaux marines, la chaîne alimentaire. Certaines espèces de crustacées comme Mysis sp, Menippe nodifrons, de poissons comme Epinephelus aeneus, Sardinella maderensis, etc., sont menacées de disparition.

3.3.2. Renforcement de la célérité hydrodynamique et les écosystèmes du plateau continental

Sur les côtes ouest-africaines la dynamique sédimentaire est de plus en plus perturbée par l’édification d’ouvrages comme le port de Lomé, ceux de Kéta, de Cotonou, les barrages sur les fleuves Volta au Ghana, le Mono à la frontière du Bénin et du Togo, etc., qui immobilisent les sédiments en amont. L’ouverture des carrières et les prélèvements de sable pour les diverses constructions ont contribué au dégrossissement des plages. Il s’en suit un déficit de sédiments et la célérité des vagues et des houles à l’est des ouvrages. La côte étant sablonneuse est prédisposée à l’érosion. La turbulence des eaux marines à l’est a rendu les zones côtières concernées plus vulnérables, répulsives à la faune aquatique. Les impacts économiques, sociaux et environnementaux sont aussi importants que les besoins de préservation des côtes étaient devenus urgents et pressants. Aussi, paradoxale que cela puisse paraître à nos yeux, l’avancée de la mer vers la terre ferme se déroule avec une célérité que la menace dissimulée ne saurait réellement donner de répit aux habitants et aux occupants, tant de leurs personnes et de leurs biens, de cette zone. Des mesures réalisées dans le cadre de cette recherche ont révélé la perte de 36, 5 ha de terrain bâtis. Ceci a eu pour corollaires l’exode de plus de 500 pêcheurs en quête d’un nouveau travail et plus de 10000 personnes sans abri. Du fait que le littoral béninois est sableux, le mode de protection des côtes choisi est l’enrochement de type épis (Photo 1 et 2).

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La photo 1 présente un épi partant de la côte vers l’intérieur de l’océan atlantique et en image latérale. Elle montre en amont de l’épi une surface érodée témoin d’une manifestation de l’érosion côtière antérieure à la prise de vue. La photo 2 est une image longitudinale d’un épi, du nord au sud. C’est un assemblage de pierres disposées suivant des normes techniques pour briser l’énergie des marées, houles et vagues. L’angle d’incidence prédominant des lames des épis fixe la direction du transport littoral net. Si elle est normale à la ligne de rivage, ou bien si la ligne de rivage s’ajuste de façon à être normale à l’incidence des lames par accumulation sédimentaire contre un épi, le débit de transport littoral est alors nul. Une seconde façon pour les épis de réduire le débit de transport littoral est de permettre à la ligne de rivage de se rapprocher d’une orientation normale à l’incidence des lames. Après les aménagements, les prises de mesures réalisées dans le cadre de cette recherche ont montré que la vitesse de l’érosion a été passée de 8, 5 m/s en 2005 à l’est du septième épi et varie entre 35 et 53 m/s en 2019.

3.4. Epis et écosystèmes de la plate-forme continentale de Cotonou

De 2009 à 2018, il est observé dans les cellules créées par les épis, un engraissement de sable le long du rivage avec une largeur allant de 20 à 60 m à l’ouest des épis. Les vagues brisées par les épis se déferlent lentement sur les côtes. Cet apaisement des vagues au niveau des cellules fait d’elles un lieu de refuge de certaines espèces de poissons comme Tilapia guineensis, Saratherodon melanotheron, des mollusques comme Mysis sp, Menippe nodifrons. Les espaces vides compris entre les blocs de granite constituent des biotopes où des êtres vivants notamment les fretins sont à l’abri des menaces des gros poissons. Ce sont aussi des lieux de ponte des œufs, d’affluence de petits poissons pélagiques plus ou moins côtiers. Les épis embrigadent au sein de leurs cellules et dans leurs multiples creux des débris organiques qui se décomposent en éléments nutritifs et moisissures qui contribuent à l’enrichissement de la plate-forme continentale en nutriments d’où l’attraction de certaines espèces animales comme les poissons démersaux, des requins et des tortures marines. Au petit matin entre 6 et 8 heures les crabes affluent les côtes. Ils se retranchent dans les cavités rocheuses quand le temps est ensoleillé. La biomasse côtière et notamment des cellules des épis sont composées des Clupeidae, de Carangidea, de Scombridae et d’Istiophoridés. Les Clupeidea sont constitués de Sardinella maderensis, Sardinella aurita, Ilisha africana, Ethmalosa fimbriata. Ils sont retrouvés entre 0 et 50 m de profondeur. Le groupe Carangidea est composé de Caranx senegallus, Caranx crysos, Decapterus punctatus, Decapterus rhonchus, Selene dorsalis, Seriola dumerilu. Parmi les Scombridae, il y a Scomberomorus tritor, Katsuwonis pelanis, Thunnus obesus, Thonine. Enfin, il y a les Istiophorus albicans appartenant au groupe des Istiophoridés.

3.5. Inflexion de la contribution de la plate-forme continentale au développement socio-économique.

La pêche maritime industrielle fournit 2 % de la production nationale tandis que la pêche maritime artisanale produit 23,4 %. Les produits de la pêche constituent la première source de protéines pour la population de Cotonou et du Bénin. Ceux maritimes en fournissent entre 3 et 4 % des besoins. La pêche maritime contribue à 0,3 % au PIB du Bénin. L’exportation des crustacés, des crevettes et de quelques poissons, les bars en grande partie participe à l’équilibre de la balance commerciale du Bénin avec par exemple 30 tonnes de produits halieutiques exportés en 2012. La pêche maritime contribue à l’alimentation d’une chaîne de froid et de commerçants. Les investigations sur les revenus de pêcheurs maritimes ont révélé plusieurs variantes. Pendant la période de prospérité, 35,2 % des pêcheurs à barque estimaient leur revenu annuel moyen variant entre 1000000 et 1500000 FCFA, 64,8% entre 500 000 et 100000 CFA. Parmi ceux de pirogue non motorisé 21, 8 % évaluent leur revenu annuel moyen entre 250000 à 650000 CFA et les 78,2 % restant évoquent une fourchette de 200000 à 500000 CFA. Pour les pêcheurs en ligne à la bordure des côtes, 56, 4 % ne sont pas des professionnels. Ils le font par plaisir et pour une autoconsommation, 43,6 % ont déclaré l’exercée comme une profession et gagnent annuellement entre 100000 et 200000 FCFA en moyenne. De nos jours, 82,9 % des pêcheurs maritimes parlent d’une pêche maritime peu rentable qui ne satisfait plus les besoins du pêcheur. En outre, ils témoignent de la multiplication des perturbations météorologiques sur l’océan atlantique telles prévues par l’Institut de Recherches Halieutiques et Océanographiques du Bénin sur la période du mercredi 31 juillet au vendredi 2 août 2019 : des houles provenant d’une tempête en Atlantique sud atteindront les côtes béninoises avec des hauteurs significatives de vagues élevées atteignant 1,84 m le jeudi 01er août 2019 vers 15 h 45 mn et coïncidant avec une marée de 1,50 m avec des risques de submersion, d’érosion côtière, de pertes de propriétés et d’habitats voire des pertes en vies humaines sur le littoral. De 1992 à 2018, le nombre des espèces végétales est passé de 80 à 43 et celui des espèces animales halieutiques de 257 à 182 à cause des bruits des moteurs, le déversement des hydrocarbures dans les eaux néritiques, la perturbation des milieux écologiques par les opérations d’aménagements de protection des côtes contre l’érosion., les prises massives, etc. Les problèmes de la pêche ont entraîné le passage du nombre de pêcheurs de 5045 en 1992 à 1250 en 2018 avec la suppression de 3 000 emplois.

4. Discussion

Une Education Relative à l’Environnement (ERE) des populations et des autorités à divers niveaux devient une nécessité vitale. « Dans certaines régions, les agriculteurs ont commencé à modérer leur consommation d’engrais pour protéger les écosystèmes aquatiques, et les gestionnaires des pêcheries étudient comment l’imposition de limites au volume des captures d’une espèce pourra avoir un impact sur les captures d’autres espèces » (Banque Mondiale, 2010, p.145). Il y a alors la nécessité d’une gestion écosystémique, intégrée ou évolutive, etc. Malgré leurs faibles élargissements (22 à 32 km) et profondeurs (81,62 m en moyenne), les plates-formes des pays du Golfe de Guinée constituent des Zones Economiques Exclusives. Leur restriction est source de piraterie des eaux territoriales et d’épuisement rapide en ressources fauniques et surtout halieutiques à causes des pressions exercées par des populations sans cesse croissantes. Les plateaux continentaux constituent des enjeux économiques à cause de leurs richesses en ressources halieutiques et en hydrocarbures (pétrole, gaz naturel, etc.). Enjeux économiques pour le développement, ils sont à la base des contestations et de demandes d’extension comme ce fut le cas du Bénin et du Togo le 07/02/2019 à New-York devant la commission de l’Organisation des Nation Unies chargée du règlement des problèmes liés aux territoires maritimes. En effet, la plateforme continentale, l'est surtout par rapport à la notion juridique du terme.

En droit de la mer, la Convention de Genève sur le plateau continental de 1958, dans son article premier, entend comme le plateau continental d'une nation avec un littoral qui comprend les fonds marins et leur sous-sol au-delà de la mer territoriale, sur toute l'étendue du prolongement naturel du territoire terrestre de cette nation jusqu'au rebord externe de la marge continentale, ou jusqu'à 200 milles des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer continentale, lorsque le rebord externe de la marge continentale se trouve à une distance inférieure. La limite extérieure du plateau continental est toutefois limitée dans tous les cas à 350 milles des lignes de base, sauf circonstances spéciales. La méthodologie utilisée présente des limites. En effet, les impacts des aménagements de protection des côtes sur les écosystèmes des parties immergées n’ont pu être prospectés. Le plateau continental de Cotonou est d’accostage ou de mise en rade des navires. Le transport maritime est d’une importance capitale pour la vie économique du pays. Au Bénin, la production offshore du pétrole et l’exploration pétrolière avait débuté en 1964 et la production en 1970, avait été interrompue en décembre 1998. Il a renoué avec l’exploration pétrolière en 2009. le 28 janvier 2009 de nouveaux puits pétroliers ont été découverts sur le plateau continental par la société South Atlantic Petroleum International (SAPETRO). Véritable poumon de l’économie nationale, le plateau continental à travers le Port Autonome de Cotonou (PAC) représente 90 % des échanges avec l’étranger et plus de 60 % du PIB du pays. L’Etat béninois est obligé de s’endetter à coup de milliards dans la protection des côtes qui n’est pas gagné d’avance.

Conclusion

Des facteurs naturels et anthropiques participent à la dégradation des écosystèmes du plateau continental béninois (en l’occurrence de Cotonou) qui constitue le prolongement submergé du territoire sur lequel l’Etat côtier exerce des droits souverains pour l’exploitation de ses ressources. La Convention sur les mers fixe sa limite à deux cents (200) milles marins et reconnaît même le maintien des droits acquis au-delà des 200 milles jusqu’à 350 milles marins des lignes de base si l’Etat côtier démontre que son plateau géographique s’étend au-delà de ladite limite. La plate-forme continentale contient une zone économique exclusive où l’Etat côtier exerce ses droits souverains sur les ressources qui y sont contenues jusqu’à deux cents (200) milles marins. C’est alors un véritable outil de développement socio-économique. Sa destruction impliquerait la destruction du pays. Une éducation des autorités à divers niveaux et des citoyens est nécessaire pour éveiller leur conscience civique. La notion du plateau continental et ses enjeux économique, sécuritaire devraient être intégrés dans les programmes d’éducation et de formation de l’Etat béninois. En plus, une Education Relative à l’Environnement est indispensable pour la compréhension des enjeux du plateau continental.

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Auteur

1Laboratoire de Biogéographie et d’Expertise Environnementale (LABEE)/Département de Géographie et Aménagement du Territoire (DGAT) / Faculté des Sciences Humaines et Sociales (FASHS) / Université d’Abomey-Calavi (UAC) / Bénin, makpons18@yahoo.fr

 

Catégorie de publications

Date de parution
31 déc 2019