Contribution des immigres au développement local dans les arrondissements aga et Agbado à Avalou au Bénin

Résumé

L’histoire des migrations est aussi ancienne que les sociétés humaines. Les migrations sont à la base des brassages entre les peuples et les civilisations. Elles constituent de nos jours l’une des problématiques du développement socio-économique sur le plan mondial. Les raisons ou causes qui les expliquent sont multiples : recherche d’une vie plus épanouie, recherche de lieux pour mener les activités, les affaires économiques, fuite des conflits, fuite des pesanteurs socioculturelles contraignantes, recherche d’indépendance économique, persécutions politiques, etc.

La méthodologie de recherche utilisée a consisté en la collecte de données à travers la synthèse documentaire, la collecte des données de terrain sur les motivations de l’immigration auprès d’un échantillon de 100 immigrés répartis dans les quartiers de villes des arrondissements de Savalou-Aga et Savalou-Agbado de la ville de Savalou, l’observation directe des activités menées par ces immigrés, certaines de leurs  réalisations dans le milieu d’étude. Les outils utilisés sont : le questionnaire, le guide d’entretien structuré, le guide d’observation, un appareil photo numérique, une moto.

Les résultats obtenus montrent que les immigrés étaient à la recherche : d’opportunités d’affaires économiques, d’épanouissement et de prospérité, de quiétude sociale et culturelle loin des origines, de lieu d’anonymat, etc. Les immigrés exercent des activités génératrices de revenus (commerce de divers produits manufacturés ou non, exploitants forestiers, intermédiaires de commerce, transporteurs, ouvriers, etc.) et ont réalisé des biens dans leur milieu  comme les constructions de bâtiments, les achats d’autos faisant du transport en commun entre Savalou-Bohicon-Cotonou, de motos, de moulins, etc. Sur ces réalisations, la commune de Savalou collecte des taxes qui sont des ressources propres investies dans le développement.

Abstract

The history of migration is as old as human societies. Migration is the basis of mixing between peoples and civilizations. They are nowadays one of the problems of socio-economic development on a global level. There are many reasons or causes that explain them: search for a more fulfilling life, search for places to carry out activities, economic affairs, flight from conflicts, flight from constraining socio-cultural constraints, search for economic independence, political persecution, etc.

The research methodology used consisted in the collection of data through the documentary synthesis, the collection of field data on the motivations of immigration from a sample of 100 immigrants distributed in the city districts of the districts of Savalou- Aga and Savalou-Agbado from the city of Savalou, direct observation of the activities carried out by these immigrants, some of their achievements in the study environment. The tools used are: the questionnaire, the structured interview guide, the observation guide, a digital camera, a motorcycle.

The results obtained show that the immigrants were looking for: economic business opportunities, development and prosperity, social and cultural tranquility far from their origins, a place of anonymity.... Immigrants carry out income-generating activities (trade in various manufactured and non-manufactured products, loggers, commercial intermediaries, transporters, workers, etc.) and have produced goods in their environment such as the construction of buildings, the purchase of cars. making public transport between Savalou-Bohicon-Cotonou, motorcycles, mills, etc. On these achievements, the municipality of Savalou collects taxes which are own resources invested in development.

Introduction

L’histoire des migrations de populations est aussi ancienne que les sociétés humaines (N.P. AVLESSI, 2018, p. 13) Les migrations jouent un rôle de brassage entre les peuples et les civilisations. Elles constituent de nos jours l’une des problématiques majeures du développement socio-économique des milieux de départ et d’accueil sur le plan mondial (M. BOUSSICHAS; 2009, p.109). L’Afrique connaît ces dernières années, un important développement des mouvements migratoires. Ces mouvements se font, pour l’essentiel, à l’intérieur des départements, des pays, des sous régions, du continent (P. ANTOINE et O. SOW, 2000, p.152).Mais de plus en plus, de jeunes diplômés africains, sans emploi ou non se lancent à travers le désert pour rallier l’Europe dans des embarcations de fortune au péril de leur vie (R, KNAFOU, 1998, p. 136). Les causes ou raisons qui justifient ces mouvements migratoires  sont multiples.

Les mouvements de populations, outre les naissances et les décès, sont également caractérisés par les phénomènes migratoires qui ont des impacts socio- économiques évidents; notamment  la modification de la structure de la population. Ceux qui se déplacent sont à la recherche d’une meilleure vie, de la paix, de la quiétude, de nouvelles opportunités d’affaires, etc. (C. DAUM, 1998, p.66). Les mouvements migratoires dans la Commune de Savalou tirent leur origine lointaine de la traite négrière (C. ZANOU, 1986, p.80). Au Bénin, fuyant les travaux forcés imposés par le régime révolutionnaire au début des années 1970, les populations se dirigeaient vers l'Ouest  (Togo, Ghana et la Côte d’Ivoire); où les travaux forcés n'avaient pas la même rigueur (C, ZANOU, 1986, p.82).

A l’intérieur du Bénin, de ses départements et des actuelles communes, la recherche des opportunités d’affaires, de terres fertiles a engendré le phénomène de la colonisation agricole ou migration intra rurale. Par la suite, la dégradation avancée du terroir villageois et ou l’insuffisance de terres cultivables dans certaines localités obligent les jeunes (hommes et filles) valides, des femmes à se déplacer vers des milieux éloignés comme Savalou pour les opportunités d’affaires et pour la production agricole (L. AGODO, 2009, p.54). Ainsi, le phénomène migratoire revêt plusieurs aspects : économique, social, culturel et parfois politique (UNFPA, 2006, p. 8).

Selon l’INSAE (RGPH4, 2013, p. 65) le solde migratoire est largement positif en faveur de la commune de Savalou dans le département des Collines avec environ 3500 personnes dont  environ 40% se sont installés dans les arrondissements urbains (Aga et Agbado) pour les activités commerciales et autres.

Le développement local étant tributaire des activités économiques et de productions menées par les populations du milieu, on admet que les activités menées par les immigrés résidents contribuent à la mobilisation des ressources locales pour impacter le développement (G. SIMON, 2006 p.14).

Dans les arrondissements de Savalou Aga et Savalou Agbado, les immigrés avoisinent 1400 personnes et détiennent  près de 80% des magasins, des boutiques, etc. La plupart ont un numéro de registre de commerce signé du Directeur départemental du commerce.

C’est au regard de l’importance du flux migratoires vers les arrondissements de Savalou-Aga et Savalou-Agbado, des activités de production et de commerce que la présente étude est menée ; pour apprécier la contribution de ces immigrés résidents au développement local.

1. Méthodologie et matériels

1.1. Présentation du milieu de l’étude

La Commune de Savalou est située entre 7°35 et 8°13 latitude Nord, d'une part et entre 1°30 et 2°6 longitude Est d'autre part. Elle partage ses frontières avec les communes de Dassa-Zoumè et de Glazoué à l'Est; de Djidja au Sud, de Bantè au Nord et la République du Togo à l'Ouest sur une longueur d’environ 65 kilomètres. Elle couvre une superficie de 2.674 km² ; soit 2,37% du territoire national (figure 1). Elle est administrativement subdivisée en quatorze (14) arrondissements dont quatre (04) urbains (Aga, Agbado, Attakè et Ouessè). Elle comprend dix-sept (17) quartiers de ville et cinquante- deux (52) villages.

Fig1_1.png

1.1.1. Milieu physique

1.1.1.1. Climat

La commune de Savalou appartient à la zone guinéenne où s’estompent les influences de la mousson du Sud-Ouest et de l’alizé continental appelé harmattan du Nord-Est, avec un climat de type guinéen. On enregistre en ce qui concerne la pluviométrie:

-  deux saisons pluvieuses de Mars à Juillet et de Septembre à Novembre ;

- deux saisons sèches : la première de Décembre à Mars et la seconde qui correspond au fléchissement des précipitations en Août.

La hauteur moyenne des pluies atteint 1150 mm et la pluviométrie varie entre 864 et 1637,3 mm. Les températures sont relativement élevées avec des minima qui se situent entre 23 et 24°C et des maxima qui varient de 35 à 36°C.

1.1.1.2. Relief        

Le site occupé par la commune de Savalou repose sur du matériel précambrien du vieux socle granito-gneissique. Le modelé est une pénéplaine et de petites chaînes dont l'une s'étend sur près de 20 km d’où  son appellation du "pays de la chaîne des collines". Le relief culmine entre 120 et 300 m avec des pentes variant entre 3 et 10% dans les sites agglomérés. Les pittoresques collines servaient dans le passé, de refuges aux populations contre les invasions du royaume du Danxomè.

1.1.1.3. Sols            

Les sols les plus répandus sont les sols ferrugineux tropicaux avec par endroits des étendues de concrétion. On distingue aussi des sols hydro morphes, des vertisols.

1.1.1.4. Végétation et faune

La végétation est composée par endroits de galeries forestières, de forêts denses sèches, semi-décidues, de forêts claires, de savanes boisées de savanes arbustives et saxicoles. La faune est constituée de petits gibiers de savane: les aulacodes, les lapins et quelques espèces de savane tels  les céphalopes et les francolins. De la base au sommet des collines, la physionomie de la formation végétale varie.

1.1.2. Milieu humain

1.1.2.1. Démographie

Avec un taux d'accroissement annuel de 3,7%, la Commune de Savalou est la plus peuplée du département des Collines et une population de 144549 habitants (INSAE/RGPH4-2013), soit 70289 hommes et 74260 femmes, répartie dans quatorze (14) arrondissements.

Les populations des arrondissements de Savalou Aga et de Savalou-Agbado sont respectivement de 14394 habitants et de 13421 habitants en 2013.

Les mouvements migratoires de populations, outre les naissances et les décès, ont contribué également à l’augmentation de la population tant dans les arrondissements que dans la commune. Dans les deux arrondissements, les immigrés avoisinent 1500 personnes.

1.1.2.2. Groupes socioculturels

Les principaux groupes socio -culturels de la commune selon le Recensement Général de la Population et de l’Habitation de l’INSAE (2013) sont :

- le groupe des Fon et des Mahi et apparentés représentent 59% de la population totale ;

- le groupe Yoruba et apparentés : les Ifè à l'Ouest, les Itcha au Nord et minorité Idaatcha à l'Est, soit 31%; 

-  les groupes ethniques issus des migrations récentes  sont : les Yom-Lokpa (2,3%), les Peul (2,2%), Otamari (2,2%), Bétammaribé (1,3%), Dendi et Baatonu (0,9%), ibo et les adja et autres. La figure 2 montre la distribution de la population suivant les groupes socioculturels d’appartenance.

Fig1_2.png

 

1.1.2.3. Religions

À Savalou, les cultes traditionnels constituent la religion pratiquée par environ 46,5% de la population. Mais depuis l’entrée des capucins français sur le territoire national et la pénétration de l’islam en Afrique, une diversité religieuse s’observe dans les différentes communautés notamment le catholicisme (17,9%), l’islam (11,2%), le protestantisme (3,8%) et autres adeptes des religions révélées (20,6%) (figure 3).

Fig1_3.png

1.1.2.4. Activités économiques des populations

Les activités économiques se répartissent en activités formelles et informelles. Les activités commerciales comptent pour 31,63 % de l’ensemble du secteur tertiaires. Les entreprises modernes ne représentent que 1,56 % des entreprises. On dénombre deux usines d’égrenage de coton, d’une usine de transformation de noix d’anacarde, de cinq (5) boulangeries et de trois poissonneries. Le secteur informel de l’économie regroupe les activités artisanales

(artisanat de production, de service et d’art), le commerce, le transport et les services non immatriculés au registre commercial départemental. Le secteur informel est largement dominant. L’artisanat est constitué d’activités de transformation de produits alimentaires, de construction, de menuiserie, de soudure, de tissage, etc. Le tourisme et l’hôtellerie sont des secteurs économiques très peu valorisés malgré les potentialités qui existent. L’agriculture est la principale activité des populations.

Dans le milieu d’étude, l’élevage de case de type traditionnel et sédentaire est le plus pratiqué. Les espèces élevées sont les bovins, les ovins, les caprins, les porcins et la volaille. L’élevage est encore de type traditionnel (de case) dans les 2 arrondissements..

L’exploitation forestière n’était pas assez active dans le milieu. Mais elle a pris de l’ampleur avec les arrivées massives des Indo-pakistanais, les Chinois dans la commune à la quête des billes de tecks. Ainsi, des essences forestières sont clandestinement détruites, volées et coupées par les autochtones comme des immigrés pour les vendre sur les sites d’achats de bille de tecks installés dans l’Arrondissement d’Agbado. La végétation naturelle restante est en régression constante à cause de la production de bois de chauffe. La distribution de la population selon les secteurs d’activités se présente comme le montre la figure 4.

Fig1_4.png

1.2. Méthodologie

L’étude a pris en compte deux (2) arrondissements de la ville de Savalou. Ces 2 arrondissements qui sont au centre de la commune offrent des possibilités d’activités économiques, de production et aussi une facilité à la mairie de collecter des taxes de développement auprès des acteurs (ceux qui ont un numéro  registre de commerce et ceux qui sont dans l’informel comme les vendeurs d’essence frelatée aux abords des voies). .

La méthodologie a consisté  en la collecte de données (informations sur le milieu, les immigrés et leurs activités) par les recherches documentaires à travers les centres de documentation de l’UAC, de l’INSAE, du département des Collines, du Groupement Intercommunal des Collines (GIC) et de la mairie de Savalou, etc.

Les investigations par questionnaires sont menées auprès des acteurs immigrés identifiés comme tels, les entrevues avec des guides d’entretien, des observations directes avec des grilles d’observation avec des responsables au niveau de la mairie, etc.

1.2.1. Echantillonnage

Un échantillon de 100 chefs de ménages immigrés exerçant au une activité économique a été tiré par la méthode du choix raisonné. Les populations cibles tirées sont constituées à partir des ménages en situation d’immigrés exerçant une activité économique dans l’un des deux arrondissements et qui ont accepté de répondre aux préoccupations de cette étude. Ces derniers sont choisis en fonction de leur présence, de leur séjour dans le milieu de l’étude et exerçant une activité. Des responsables au niveau communal en charge des services marchands, des services financiers ont été aussi retenus et interviewés.

Au total, les investigations de terrain ont été faites auprès de 100 chefs de ménage immigrés à raison de 50 par arrondissement. A ceux là, il faut ajouter le Chef de chacun de ces arrondissements et le chef service affaires économiques de la mairie.

1.2.2. Données de terrain collectées

Les techniques de collecte de données sont les investigations de terrain (enquêtes) auprès des populations cibles concernées par le phénomène d’immigration et sur les différentes activités menées. Elles concernent le statut migratoire, le statut sociodémographique, les raisons de la migration, la provenance de l’immigré, l’activité ou les activités menées dans le milieu. Les entretiens auprès des responsables des arrondissements sur les activités des immigrés, les réalisations de ces derniers et leur implication dans les travaux en lien avec le développement local. Les informations et données obtenues auprès du service des affaires économiques de la mairie sont en rapport avec les taxes collectées sur les activités menées par ces immigrés. Les observations directes pour apprécier quelques réalisations de ces immigrés non autochtones dans les arrondissements et de prendre quelques vues. Les données quantitatives ainsi collectées sont saisies en Epi DATA 3.1 traitées, synthétisées  et exportées SPSS pour les analyses adéquates.

1.2.3. Matériels utilisés

Il s’agit d’une moto pour les divers déplacements dans le milieu d’étude, d’un appareil photo numérique pour les prises de vue.

2. Résultats et discussion

2.1. Provenances des immigrés et raisons de migration

2.1.1. Provenances des immigrés

Les investigations de terrain ont prouvé que les immigrés dans ces arrondissements de Savalou proviennent du Bénin, du Niger, du Nigéria  et du Togo.  La figure 5 présente la répartition des migrants selon leur provenance.

Fig1_5.png

Lorsqu’on s’intéresse aux béninois, on dénombre trente (30) ressortissants des départements du Mono et du Couffo, onze (11) ressortissants des départements de l’Atacora et de la Donga, neuf (9) ressortissants du département du Zou et 16 ressortissants des autres communes du département des Collines, comme le montre la figure 6.

Fig1_7.png

Au nombre des répondants, on a dénombré  deux (02) femmes qui sont des béninoises.

2.1.2. Raisons de migration

es raisons ou les motifs de l’installation de ces immigrés dans les arrondissements de Savalou sont nombreuses et variées. Des investigations de terrains (figure 7), on retient au nombre des raisons avancées pour venir s’installer dans le milieu de l’étude: les opportunités d’affaires (commerce), la recherche de terres agricoles, les affectations pour rejoindre son poste de travail dans l’administration publique, la recherche d’emploi mieux rémunéré

Fig1_7.png

2.2. Profils sociodémographiques des immigrés concernés

2.2.1. Ages et statut matrimonial des immigrés concernés

Les immigrés concernés sont âgés de trente et un (31) ans pour le plus jeune et de soixante dix sept (77) ans pour le plus âgés. La figure 8 montre la distribution par  tranches d’âges.

Fig1_8.png

La répartition par sexe montre que c’est seulement 2% de femmes qui ont accepté de répondre aux questions de cette étude et sont des épouses d’immigrés. Tous les immigrés, inclus dans cette étude vivent  maritalement.

Lorsque l’on s’est intéressé aux durées ou à l’ancienneté dans l’immigration dans  le milieu de l’étude, on a eu la répartition de la figure 9.

Fig1_9.png

Les plus anciens dans la migration sont dans l’arrondissement de Savalou-Agbado. Ce sont deux (2) frères nigériens commerçant de tissus/pagnes, originaires de la région de Tahoua. Le premier est arrivé à Savalou Agbado  depuis 1971 et est âgé de 77ans, le second est arrivé depuis 1975 et est âgé de 65 ans. Chacun d’eux a construit sa maison, vit avec une grande famille de femmes, de fils, de filles, de petits fils et petites filles, possède des biens meubles et immeubles qui génèrent des revenus. Ils font des voyages au pays et reviennent parfois avec d’autres parents ou connaissances.

2.2.2. Statut matrimonial des  immigrés

Les investigations de terrain ont révélé que tous les immigrés dans le milieu de l’étude ont déclaré qu’ils sont mariés. Cependant, l’étude n’a pas pu vérifier s’ils vivent effectivement  avec ou sans leurs conjoints ou conjointes.

2.3. Activités menées, destinations des revenus et contribution au développement local

Les immigrés du milieu d’étude mènent différentes activités relevant des trois secteurs d’activités. Mais ils sont plus nombreux dans le secteur tertiaire formel et  informel.

2.3.1. Les activités  menées dans le milieu d’étude par les immigrés

Les principales activités menées par les immigrés sont les activités commerciales de gros et de détails des produits manufacturés, des articles de quincaillerie, des appareils électroménagers, des pagnes, des chaussures, des matériaux de construction, de consommables de menuiserie, de maçonnerie, de vitrerie, de taillerie, de couture, de soudure, d’électricité, etc. Ils sont très rares dans l’agriculture (moins de 2%). D’autres sont en plus de leurs activités de commerce devenus des exploitants forestiers. Certains (5%) sont devenus des transporteurs en s’achetant des autobus, de petits véhicules qu’ils mettent dans la filière « transport de passagers » entre Savalou et Cotonou, entre Savalou et Bohicon, de motos, de moulins et des camions pour transport de marchandises tandis que 3%  sont propriétaires de scierie. Toutes ces activités menées permettent aux acteurs, un certain épanouissement, une certaine prospérité et les met à l’abri du minimum (quiétude sociale), loin des regards malveillants disent certains de leur communauté de base. Pour Amakoué commerçant ressortant du Mono : « Je ne pourrai jamais réaliser ce que j’ai ici, si j’étais resté dans le Mono. Les parents m’auraient  submergé avec leurs problèmes. Ici, je suis un peu loin ».

2.3.2. Les destinations des revenus engrangés par les immigrés

Les bénéfices réalisent sur leurs différentes activités menées ont servi à s’acheter des domaines dans la commune, à construire des maisons dans le milieu d’étude, à s’acheter des moyens de déplacement (moto, voiture personnelle), à instruire leurs enfants, à payer les frais d’apprentissage, à construire des maisons dans leur milieu ou pays d’origine, etc. Certains réinvestissent une bonne partie de leurs bénéfices pour agrandir leurs activités. 5% des immigrés provenant du Mono-Couffo en dehors de leur résidence qu’ils habitent et qui sont leur propriété, sont  des propriétaires d’autres maisons qu’ils ont mis en location comme le montre la planche 1 de photos.

Fig1_10.png

En sommes, les bénéfices engrangés dans les différentes activités permettent de rendre autonome financièrement le ménage de l’immigré. Certains Chefs de ménage ont profité pour rendre autonome leurs épouses, les enfants majeurs, etc. en leur créant leur propre activité soit dans le même secteur ou dans d’autres. Certains ont affirmé avoir réalisé des biens dans le milieu d’étude et dans leur milieu  d’origine (bâtiment de résidence ou mis en location, moto, auto, moulin etc.).

2.3.3. Contribution au développement local et aux budgets annuels de la commune

Ces immigrés contribuent au développement local en payant les différentes taxes de développement local relativement aux activités exercées et sur les biens meubles et immeubles dont ils sont propriétaires. Les différentes taxes payées selon les responsables au niveau des services financiers et marchands de la mairie sont la Taxe du Développement Local (TDL), Taxe sur le Foncier bâti ou non, les tickets sur les places occupées dans les marchés, sur les boutiques, les magasins, les taxes payées sur les 2 gares qui sont dans ces 2 arrondissements. A ces taxes s’ajoutent les taxes et impôts qui sont payés à la Recette des impôts ou à la Recette perception et dont des pourcentages sont reversés à la commune.

Selon les services des affaires  marchandes et économiques de la Commune, les différentes taxes collectées sur les marchés, sur les boutiques, les magasins, sur les autres services marchands, contribuent chaque année depuis 2015 en moyenne à environ 38,5 millions au budget de la commune. Ces sous sont utilisés pour les ouvertures de voies, pour les travaux de désenclavement dans tous les arrondissements et dans le reste de la commune. Toutefois, il n’a été possible d’avoir la part exacte collectée dans les 2 arrondissements.

Ces immigrés pour maintenir leur cohésion dans le milieu, ont créé des associations pour se retrouver, échanger, discuter des problèmes qu’ils rencontrent dans le milieu, affermir la fraternité et la solidarité, etc. Ainsi, les nigériens ont leur association, les nigérians ont la leur, les ressortissants Adjas dans le milieu, de l’Atacora ne sont pas restés en marge.

Une école bilingue français-anglais a même vu le jour dans l’arrondissement d’Agbado, fruit du travail des ressortissants nigérians. Les ressortissants du Mono et les Ibos du Nigéria à travers leur association ont soutenu en 2017 et en 2018, l’ouverture et le reprofilage des rues dans le quartier Ahossèdo de l’Arrondissement d’Agbado. Les associations des immigrés participent régulièrement aux campagnes de salubrité dans le milieu d’étude.

Les résultats obtenus dans le cadre de cette recherche en ce qui concerne la contribution au développement local du milieu par la mobilisation de ressources propres par les taxes; sont très proches de ceux obtenus par C. ZANOU  (1986), K.J. GUIGNIDO GAYE (1992) et L. AGODO (2009) au Bénin.

Toutefois, ces résultats sont différents de ceux obtenus par P. Antoine  et O. Sow (2000) qui ont trouvé que ce sont surtout les femmes qui s’adonnent surtout à la migration et exercent beaucoup plus des activités informelles.

Conclusion

Les migrations vers et à l’intérieur des arrondissements de Aga et Agbado dans ville de Savalou sont favorisées par les facteurs naturels, sociologiques et la situation géographique favorables aux activités économiques.

Les arrondissements de Savalou-Aga et Savalou-Agbado, malgré les problèmes d’accessibilité par endroits, sont un réservoir de migrants. Ils offrent des conditions  qui contribuent à un long séjour de certains migrants.

Ces migrants contribuent au développement local en construisant des bâtiments pour lesquels, ils paient des impôts, en menant des activités génératrices de revenus sur lesquelles la mairie et l’Etat central collectent des taxes et des impôts. La contribution au développement local de ces immigrés n’est pas négligeable selon les responsables du service des affaires économiques de la mairie. Il urge donc de revoir la place et le rôle des migrants dans le processus  de développement local dans les  stratégies nationales de développement en les mettant en cohérence avec les politiques migratoires.

Références bibliographiques

AGODO  Lambert (2009): Les migrations de population dans la commune de Savalou: impacts socio-économiques, Mémoire de Maitrise en géographie UAC 101p

ANTOINE Philippe et SOW Ousmane (2000): Rapports de genre et dynamiques migratoires : le cas de l’Afrique de l’Ouest. In Rapports genre et questions de population. Genre, Population et Développement : les pays du Sud, Edition by BOZON M.and  LOCOH T. Paris, INED, pp143-159.

AVLESSI Pierrette (2018):Impacts des flux migratoires sur le développement local dans la commune de Savalou, Mémoire Master en Développement Local, MIRD/IGATE/UAC, 89 p

BENDIQUE Paul. (2008): Migration et pauvreté en Haïti : impacts économiques et sociaux des envois de fonds sur l’inégalité et la pauvreté ? Groupe d’Economie et Développement (GDR), Laboratoire d’Analyse et de Recherches Economiques (LARES), LASER, Université Montpellier 1 32p

BOUSSICHAS Matthieu. (2009): Politiques migratoires et développement : optimiser les effets de l'émigration. Economies et Finances. Université d'Auvergne Doctorat en Sciences Economiques, 442p

DAUM Christophe (1998) : Migrants et solidarités nord-sud. pp. 58-72

SIMON Gildas. (2006) : La migration, la spatialisation des regards, Revue Européenne des Migrations Internationales (REMI) Volume 22 n°2 20ème anniversaire p9-21

GUINGNIDO GAYE K. Julien (1992) : Croissance urbaine, migrations et population au Bénin, Démographe, Unité de Planification de la Population 114p

INSAE (2013): Recensement Général de la population et de l'habitat, 85p

KNAFOU Rémy dir (1998) : La planète nomade. Les mobilités géographiques d’aujourd’hui. Belin Paris 247 p.

KOUTON Etienne. F. et HAMIDOU B. Amadou. (2006) : Etude sur le profil migration du Bénin Rapport Final, Coopération Union Européenne-Bénin, Ministère du Développement, de l’Economie et des Finances. Projet  d’Appui à l’ordonnateur National du FED 9, ACP BEN 012, 54p

NATSUKO Funakawa (2009):Le CIGEM (Mali): sa place face aux des politiques migratoires, 12p

U A (2006): position africaine commune sur la migration et le développement

UNFPA (2006) : Vers l’espoir : les femmes et la migration internationale, synthèse du rapport général sur l’état  de la population mondiale, pp 1-23.

ZANOU Célestine. (1986) : Les migrations de population et leurs impacts socio - économiques en pays Maxi dans le Zou Nord, Mémoire de Maîtrise de Géographie, FLASH, UNB, 157 p

 

 

 

 

Auteur

1Laboratoire d’Etudes des Dynamiques Urbaines et Régionales (LEDUR), Université d’Abomey-Calavi, (UAC), gtchaou@gmail.com

 

 

Catégorie de publications

Date de parution
31 déc 2020